« La dépression constitue un trouble mental courant, caractérisé par la tristesse, la perte d'intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de faible estime de soi, des troubles du sommeil ou de l'appétit, d'une sensation de fatigue et d'un manque de concentration. »

 

Entre cliché et réalité


« La dépression constitue un trouble mental courant, caractérisé par la tristesse, la perte d'intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de faible estime de soi, des troubles du sommeil ou de l'appétit, d'une sensation de fatigue et d'un manque de concentration. »

OMS, www.who.int/mental_health/management/depression/fr/


Assez souvent, les artistes étrangers parlent de leurs problèmes de santé mentale. Qu’ils soient liés ou non à la consommation d’alcool. Certains le font même à travers leurs musiques. C’est le cas de Diam’s dans «Si c’était le dernier », l’opus de dix minutes où elle dit :
 « J’ai posé un genou à terre en fin d’année 2007
On m’a dit : Mel, soit on t’interne soit on t’enterre
Qui l’aurait cru ? Moi la guerrière j’ai pris une balle en pleine tête, une balle dans le moral,
Il parait que j’ai pété un câble
… »

Ou  encore celui de  OrElsa qui chante : 
« J’suis dans l’premier Mario 
À chaque fois, ça repart à zéro 
En plus rapide, en plus dur 
J’devais être plus mûr, 
J’ai dû m’tromper de futur 
J’aimerais retrouver la magie du début 
Rien n’fonctionne quand le cœur n’y est plus 
Ça fait mal à la fierté, j’ai du mal à l’admettre 
Mais je n’ai jamais été aussi perdu » 

Le rappeur décrit donc ce qu’il vit. Comme Stromae, l’interprète de « Alors on danse », dans un entretien accordé à Actu Médias, avait expliqué qu’on perdait le goût du plaisir quand la musique devenait un vrai métier. L’artiste, au départ, se plaît à performer parce qu’il fait quelque chose qu’il aime. Mais  tout cela se complique quand cela devient une obligation. En effet,  la pression et le stress se mêlant de la partie conduisent à la dépression . Orelsan y fait allusion dans « Quand est-ce que ça s’arrête ?» :
 « Mais si tu savais comment je m’ennuie maintenant
… 
Quand je vois mes potes, j’sais plus quoi raconter 
J’vais plus en soirée car j’ai peur de craquer... » 

Nul n’est à l’abri de la dépression. Les artistes haitiens autant que les artistes américains en souffrent. Sur la pochette de l’album « Ye » de Kanye West paru en 2018, on peut lire « I hate being bipolar, it’s awesome ». On peut aussi citer le jeune regretté  qui exposait sa souffrance dans son titre Pain= Bestfriend (Douleur = Meilleure amie). On ne peut pas parler des compositions où les artistes américains traitent la dépression sans citer le fameux texte de Logic avec un titre inhabituel « +1-800-273-8255 » qui fut #3 de Billboard hot 100 et nominée pour deux catégories dans la 60e édition de Grammy Award. Ce titre n'est autre que le numéro d’urgence d’un réseau de prévention du suicide. 

“I’ve been on a low 
I’ve been taking my time 
I feel like I’m out of my mind 
It feel like my life ain’t mine 
Who can relate?  
I don’t wanna be alive 
I don’t wanna be alive 
I just wanna die today 
I just wanna die …” Logic, +1-800…

Mais qu’en est-il des artistes de chez nous ?

Ils sont rares les artistes haïtiens à parler de dépression dans leurs musiques. « Kite m kriye » interprétée par Rutshelle Guillaume serait-elle une forme d’expression de la diva pour exprimer un mal-mal-être ? On peut aussi prendre Beken avec des titres comme «  Kwa pa m. » ou « Gita mwen, boutèy mwen » : 
« Mwen santi m bouke 
M santi m pa kabab anko 
O ! letenel m ap mande si m pa pitit ou… 
Defwa m rete m ap bwè kleren mwen 
Se tout bon solisyon lavi mwen 
Kleren an li sanlè pou l tiye mwen … 
Vye boutèy mwen, se li ki pou konsole mwen » 

D-Fi est l’un des rares rappeurs haïtiens à en parler. Sur son album « Kwonik yon GetoYout », on peut écouter : 
« M pa alkolik, m te jis vle nwaye chagren m 
San rann kont gen vid ni alkol ni dlo je pa ka plen… » 

Ou encore dans la musique annoncant l’album : 
« Mwen, m grandi san modèl 
Lè m resi konn gran frè m lan, li nan prizon 
Lòt la menm fè vi l tounen yon bòdèl 
Enpresyon desten m tou trase 
M pèdi inosans mwen la, m vin konprann pou yo pa chase w, ou dwe chase 
Manman m ban m yon plim, di m ekri avan m derape 
An reyalite, se pou m te ka siviv, m rape 
Kouman pou m di w lè chat domi nan recho m, se ak li m nouri m 
Ou konn konbyen fwa m fè lide pou m mouri 
Men mande Filip kijan Otopsi geri m 
Respekte sa man, mizik sa sove vi m 
» Mizik sove vi m, D-Fi

Je me demande bien  pourquoi nos artistes ne s’expriment pas à ce sujet. Pourtant, le cliché veut que les artistes soient tous des fous. D’ailleurs, des chercheurs islandais ont publié en 2015 dans la revue britanique Nature Neuroscience, une étude qui affirme qu’il existe des liens génétiques entre la créativité et les maladies mentales. Peut-être qu’Aristote n’avait pas tort quand il disait qu’il n’y a pas de génie sans un brin de folie. Pourtant, nos artistes haïtiens ne produisent pas beaucoup sur le sujet. N’en sont-ils pas atteints ? Est-ce qu’ils en souffrent sans s’en rendre compte? Est-ce qu’ils ont honte d’en parler ? Est-ce que la dépression reste pour eux un sujet tabou ? 

En tout cas, je pense que tous nous pouvons être dépressifs. En parler peut être le premier pas vers la guérison. Les artistes qui en souffrent peuvent utiliser leurs arts pour s’exprimer. L'art n’est-il  pas considéré comme l'une des meilleures thérapies pour recouvrer sa santé mentale ? Comme disait Antonin Artaud : « Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer ».
 

Un homme de soixante-neuf qui apprend qu’il va avoir son premier fils s’écrie : "Mon Dieu ! Quel miracle !!!" Mais un homme de soixante-neuf ans qui apprend qu’il va avoir son 4e enfant s’écrie forcément : "Et merde ! Pas encore !"

Au départ, papa …

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