11h57, les yeux fixés au plafond, il attendait les conseils de la nuit tel qu'indiqué dans ce proverbe vieux de plus de deux siècles. 02h15, insomnie. Il n’attendait plus les conseils de la nuit. Il espérait Morphée.
11h57, les yeux fixés au plafond, il attendait les conseils de la nuit tel qu'indiqué dans ce proverbe vieux de plus de deux siècles. 02h15, insomnie. Il n’attendait plus les conseils de la nuit. Il espérait Morphée. 04h30, il abandonna. Nuit de merde, certes, mais il avait quand même un boulot qui l'attendait à 08h00. Les factures ne se paient pas toutes seules. 06h00, l’alarme sonna. Sa femme ouvrit les yeux et le vit tout souriant : Qu’est-ce qui a ? Pourquoi tu fais cette tête de clown ?
_ Cela me plait de te regarder dormir.
_ Tu as eu bonne soirée ?
_ Ça a été. Je me suis levé tôt. J’ai déjà préparé le p’tit déj. Je nous ai fait des spaghettis et des œufs.
_ J’ai eu de la veine de t’avoir pour mari !
07 h 57. Il déposait sa femme à la rue Capois et longeait le Bois Verna pour se rendre à son boulot. Il repensait à sa femme qui n'arrêtait pas de lui dire qu'elle voulait un bébé. Mais le médecin était formel : votre femme est stérile, monsieur. Le médecin lui avait tout expliqué. Mais il n'avait retenu que cela : « vous pourrez envisager l'adoption. »
08h30, en retard au boulot. Il s'en foutait. Que le patron aille se faire foutre ! Il détestait son boulot. Il détestait l'immeuble de deux étages. Il détestait le fait que son bureau à lui se trouvait au second. Il détestait devoir monter ces escaliers parce que l'ascenseur ne fonctionnait pas. Il détestait son patron qui empestait ces parfums de luxe qu'il ne pourrait jamais s'offrir. Il détestait que sa femme soit stérile. Il détestait cette dépression dans laquelle elle sombrait alors qu'il a fait tout pour l'aider. Il détestait sa vie. Une vie de merde, disait-il. Et dans ce merdier, il y avait Jennette.
Jennette est nouvelle dans la boîte. Elle a fière allure sur ses talons aiguilles et son tailleur. Toujours en tailleur et talons aiguilles. Il trouvait lassant cette galère consistant à se taper régulièrement deux étages à pieds, aller retour. Sans compter les pauses déjeuner : la cafeteria se trouvant au premier. Il ne savait pas pourquoi il prenait plaisir à l'observer. Il ne se souvenait même pas de leurs premières conversations. Mais comment oublier cet après midi aux environs de 15h30 alors qu'il s'apprêtait à partir pour aller chercher sa femme à la rue Capois...
Comme à son habitude, chaque jour, Il laissait son bureau 15 minutes à l'avance pour aller prendre sa femme. Elle détestait quand il arrivait en retard. Lui, il détestait ses sautes d'humeur, de plus en plus fréquentes depuis le diagnostic du médecin. Rien n'avait changé à son habitude, sauf qu'il partait maintenant 30 minutes à l'avance et qu'avant de quitter l'immeuble, il passait régulièrement saluer et papoter un peu avec Jennette.
Cet après midi là, quand il entrait dans le bureau de Jennette, il la trouvait assise sur le pupitre, les jambes écartées, sans culotte en train de se masturber. C’est à ce moment précis qu'il se rendait compte de quelque chose d'inhabituelle ce jour là : Jennette portait une robe au lieu d'un tailleur. Comment diable pouvait-il penser à cela avec la scène qui se jouait devant lui ? « Tu restes planté là comme un con ou tu viens m'aider ? » La voix de Jennette lui faisait revenir sur terre. Il fermait la porte derrière lui. Il s'avançait lentement comme pour faire durer le spectacle. Quand enfin auprès d'elle, il s'agenouillait pour la lécher.
« Qu'est-ce tu fous, gros béta ? Lève-toi et baise-moi. On n'a pas le temps pour des préliminaires ! » Et il la baisait. Avec passion. Avec rage. Et même avec un peu de haine. Quand le week end qui suivait il essayait de la contacter pour prendre rendez-vous avec elle dans un hôtel, elle lui faisait comprendre qu'elle avait bien pris son pied, qu'il était un bon coup mais qu'elle ne souhaitait pas recommencer. « Aller, bisou ! On se revoit lundi. » avait-elle dit avant de raccrocher. C'était surtout ça la raison de sa stupéfaction quand lundi, elle pénétrait dans son bureau, en robe et qu'elle fermait la porte derrière elle. Maintenant, voir une robe dans son bureau faisait son bonheur. Jusqu'au jour où après une séance chaude, Jennette lui annonçait qu'elle était enceinte mais qu'il n'avait pas à s'inquiéter. Elle porterait le bébé certes, mais dès son accouchement, elle le fera adopter.
Ce soir là, il n'avait pas pu fermer les yeux de la nuit. Il a passé toute la journée à se demander si ce n’était pas une bonne nouvelle à partager avec sa femme. Ce soir encore, couché auprès de sa femme, il attendait les conseils que portait la nuit.