Nous revoilà à la quadrature du cercle. Comme au tout début. Mais cette fois brisés et meurtris par une succession de catastrophes (Jeanne, 2012, Mathieu ) une économie à la dérive, un environnement en lambeaux.

Nous revoilà à la quadrature du cercle. Comme au tout début. Mais cette fois brisés et meurtris par une succession de catastrophes  (Jeanne, 2012, Mathieu ) une économie à la dérive, un environnement en lambeaux. Aux yeux même de nos voisins les plus proches - un tube jamaicain de l'été nous présente comme une "Gaza nation" - nous paraissons de plus en plus comme un anachronisme dans une Caraibes relativement prospère. Quant à nos voisins dominicains,  avec une gouvernance éclairée, un consensus social établi autour d'un projet de société défini, ils jouissent d'un taux de croissance exceptionnel largement financé par leur colosal excédent commercial avec Haïti. Exactement tout ce qui nous fait défaut. 

Pourtant nous avons les mêmes atouts. Sinon plus. Nous avons juste passivement dégringolé de notre perchoir, cédant notre leadership historique. Le déclin haïtien n'est pas irréversible. Mais l'instant présent réclame de chacun de nous un peu de l'esprit pionnier de nos ancêtres, un supplément d'âme pour dynamiser notre intelligence collective au service du bien commun. Il nous faut un changement de paradigme pour intégrer toutes nos ressources humaines et naturelles au profit d'une société plus inclusive. 

Au-delà des discours inspirés et autres bonnes intentions, comment sur le plan pratique relancer et dynamiser l'économie du Grand Sud et mettre en valeur ses beautés m'a toujours hanté  ( je serais éternellement reconnaissant à mes grands-parents et parents eux-mêmes entrepreneurs agricoles dés les années 50 de m'avoir communiqué cet amour pour cette nature généreuse qui nous entoure ). Nous avons la chance de vivre dans l'unique "zone bleue " de la caraïbes. 

En lançant le Festival de Gelée en 1988 je ne pensais pas seulement à faire la fête.  Mais plutôt utiliser la fête pour sinon lancer, comme  en '81 avec la semaine sainte à Pointe-Sable, mais intensifier un vaste mouvement de tourisme intérieur pour partager nos richesses naturelles.  Car en vérité, notre pays demeure une grande inconnue pour la majorité de ces citoyens. Mais l'insécurité naissante a mis un terme à cette tradition de camping qui débuta comme un acte de rébellion profitait bien à la commune de Port-Salut. Ces mouvements de foule , le backpack tourisme est la première étape pour mettre une destination en orbite et donner aux élites locales et la puissance publique la motivation pour investir dans les infrastructures d'accueil et de production. 

Mais revenons au présent. L'exode rural est à son comble, l'agriculture à genoux, notre environnement dévasté, nos plaines envahies de construction anarchiques faute d'un P.O.S Plan d'Occupation des Sols. Nos rues débordent de marchandes que personne ne pense à mettre au travail avec une perspective. L'industrie agricole Centrale Dessalines, Beurrerie du Sud, Facoleff, etc des ombres du passé !?! Sommes-nous condamnés ? 

Mon expérience israélienne et autres pérégrinations à travers le globe m'ont inspiré le projet de développement régional intégré P.O.L.L.E.N,  Programme d'Optimisation Locale de l'Espace National. Haïti n'a pas besoin d'un miracle. Il suffit d'adapter à notre situation des méthodes qui ont fait leurs preuves ailleurs. Un P.O.S défini,  nous pouvons identifier pour mieux délimiter et préserver les zones agricoles, faire un fichier des zones inondables, à risques sismiques etc. Sans oublier les tests de sol pour adopter les cultures et les variétés les plus compatibles.

Le meilleur raccourci pour ressusciter notre société moribonde et redonner dignité à nos masses est de concevoir un "stimulus package " pour moderniser le secteur agricole, urbaniser nos campagnes,  définir un programme de gestion des eaux, une politique de la montagne et de préservation de notre environnement, éducation et santé, enfin aller au secours de l'île à Vache. 
          Pour encadrer et moderniser la relance agricole.  Le bonheur commence avec un ventre plein. Mais la sécurité alimentaire ne sera qu'un des objectifs. Biologique par défaut,  l'excédent trouvera son marché. Ces micro entreprises agricoles serviront aussi de socle à l'agro-industrie locale. 
Nous devons avoir tout prix gérer notre potentiel en eau au lieu de nous souffrir.  La garder le plus longtemps possible, la conserver dès la haute montagne pour irriguer plaines et montagnes. Comment pouvons-nous laisser filer autant d’eau vers la mer alors qu’en plein 21 ème siècle nous attendons la prochaine pluie pour assurer la prochaine récolte ? 

Car un peuple incapable de se nourrir est déjà condamné. Comme en République Dominicaine voisine et ailleurs il nous faut recréer un " supporting système ". Un encadrement technique et financier longtemps défaillant pour renforcer la productivité des petites fermes familiales avec des techniques éprouvées comme la perméaculture, verticale, hydrophonique, hors sol, etc Ex.: savez-vous que  dans l'espace occupé par une seule plante de tomate, melon, giromon, soit 1m x 1m, on peut en planter 56. Dans un drum percé  de 50 trous et aménagé. Maintenant imaginons une haie. La vidéo est sur le web. Avec des variétés choisies, après des tests sur la nature du sol, à cause de leur compatibilité avec le terroir local et optimiser le rendement. Une ferme pilote doublée d'une pépinière  (25.000 plantules par semaine à sa vitesse de croisière) et une garderie. Le tout hébergera et animera une école moyenne d'agriculture  ou un lycée de technologie agricole dans chaque commune. 
En encadrant nos agriculteurs et éleveurs à travers une centaine de filière  (avicole, fruitière, maraîchère, élevage laitier ou boucherie, mixte ...
) pour permettre un flux constant de revenus nous transformerons les plus fragiles en producteurs donc en consommateurs. Nous en serons les premiers bénéficiaires en ville.


Quant à nos mornes largement désolés, par défaut d'une politique de montagne,  l'occasion est trop belle pour les transformer en exploitations arboricoles et fruitières et d'élevage. Dans un premier temps une centaine de variétés judicieusement choisies servirait une fois arrivé à maturité de couverture pour faire pousser café et cacao offrant ainsi plusieurs lignes de revenu. Autant de produits à valeur ajoutée que nous devons raffiner, transformer sur place pour recueillir la plus-value.   Le potentiel économique pour la région serait énorme. Une exploitation en montagne autour de 2-3,000 arbres fruitiers et le reste pourrait dans cette optique engendrer un chiffre d'affaires de $50+/l'an. Le message d'une Haïti verte n'a pas objectivement atteint sa cible car il pas compris que le profit seul est  le moteur du déboisement pour mieux définir une contre-attaque qui intégrerait ce paramètre pour aboutir à une solution viable. Un arbre fruitier arrivé à maturité est une usine biologique bien huilée et nécessite qu'un entretien minima. L'impact sur notre  économie serait énorme.  Car nous disposons en plus d'un marché captif au sein du Caricom qui doit se nourrir de même que les millions de touristes que la région accueille. Enfin développons le jardinage urbain autant pour ses vertus thérapeutiques que pédagogiques. Rien ne vaut un fruit ou légume fraîchement récolté de son potager ou un jardin bien fleuri.


            Pour urbaniser nos campagnes, commune par commune dans un monde post Kyoto où nous utiliseront prioritairement des matériaux locaux ( gravier, briques, pierres taillées, etc - bois et fer exceptés ) pour aménager selon les normes para-sismiques et anti cycloniques 40 - 70 pâtés  ( blocs ),  - en fonction de la densité démographique - de maisons  tracées façon vieille ville  des Cayes avec égout. N'oublions pas, les matériaux abondent. Le lit des rivières débordent d'alluvions que la déforestation en montagne ne cesse d'alimenter.  Et élever leurs rivages de gabions pour mieux protéger nos terres fertiles et mieux conserver et gérer cette ressource si précieuse : l'eau. 

Un quart des constructions serait dédié à des équipements sociaux  ( hôpital ou polyclinique, centre de vulgarisation agricole et technique,  médiatique, terrains de sports et aires de jeux, ...)
Un autre quart réservé à la puissance publique  : administration décentralisée,  le judiciaire,  la police et prison pour assurer la continuité institutionnel.
Un troisième quart pour répondre à ce vide énorme,  ce besoin d'un logement décent qui date bien avant Mathieu. 
Le dernier quart hébergeait un micro parc industriel pour un ou deux éventuels factories, un incubateur d'entreprises pour encadrer les startup locaux , leur donner une chance de survie et assez d'espace pour permettre aux urbanistes pour définir un centre-ville.  De plus un programme d'amélioration du bâti existant pour s'assurer de leur conformité aux normes et si possible ajouter une nouvelle chambre pour un programme de "Bed and Breakfast " chez l'habitant. Autant de possibilité de transfert de savoir-faire,  de former la nouvelle génération aux métiers de la construction : plomberie, électricité maçonnerie, engins lourds. Puis, de travail aussi pour ces professionnels nécessaire à la (re)construction du pays et garantie des emplois mieux payés aux candidats à l'émigration.
.... ou un jardin bien fleuri. La dégradation avancée de nos bassins versants est inquiétante. Un réseau de murs secs et gabions, étangs et bassins de retenue est nécessaire. Le périmètre de notre parc national renforcé mais l'effort de reforestation doit s'étendre sur tout le massif. Nous devons impérativement sécuriser notre environnement ou périr. 

****** (reprendre à la fin du part I )
                 L'avenir se définit au présent à partir de l'éducation que nous offrons à nos enfants.  80% de nos écoles sont privées  ( un anachronisme ). Souvent sous standardisées  - sans eau potable ni toilette, sans infirmerie, sous équipées et surpeuplées. Et Ô cauchemar largement otages des récalés du système.  Un système lui-même sans objectif précis, décadent, inférieur à celui qu'il prétend remplacer  ( cf réforme Bellegarde puis Dartigue) qui avaient suscité l'éclosion de cette flopée d'intellectuels qui avait permis à notre pays de tenir son rang jusqu'à récemment. 

Construire l'école de demain en priorité en milieu rural est indispensable. Le challenge demeure la formation de l'encadrement scolaire.  L'audiovisuel pourra être d'un grand secours. Mais, il faut penser à intégrer le réel dans le cursus. Comme apprendre les gestes qui sauvent. Savoir que les écoliers devront partager avec leur famille. Je suis toujours aussi surpris qu'après 12-15 ans de scolarité aucun instituteur haïtien n'ait jamais demandé à ses élèves comme devoir à planter une semences de pois, mais, tomate, de le suivre durant tout son cycle de vie, d'en faire un rapport hebdomadaire avant de partager la récolte avec la classe. Imaginez l'impact sur un jeune esprit,  car nous devons redéfinir notre relation avec cette riche nature qui nous entoure. 

Je ne suis pas un expert en éducation, mais au lieu de nous enfermer dans un modèle exclusivement créole, j'explorerais  plutôt le modèle hollandais où l'apprentissage se fait en plusieurs langues des le primaire. Petit pays, très peu de livres sont édité en flamands et pour accéder au savoir universel, il faut en détenir les clés. 
L'enseignement général doit être assez pratique pour donner les atouts et la sagesse pour comprendre le monde et se faire une place au soleil. Mais nous avons tant d'adolescents et de jeunes adultes non scolarisés que nous devons doter chaque commune ( section communale ) d'une école professionnelle et une école de technologie agricole et alimentaire. Un outil pragmatique pour apprendre à lire en apprenant un métier. Ainsi un apprenti boucher serait plus motivé à lire et écrire gigot et entrecôte. 
Dans une perspective départementale, renforcer les arrondissements en les dotant d'équipements éducatifs de niveau CEGEP, Community College pour éviter les migrations. 
Enfin redonnons vie à la vision à laquelle Mgr Agenor avait souscrite en portant la AULC (American University of Lesly Cayes ) et UND  ( Université Notre-Dame ) sous les fonds baptismaux. Le plan était d'entourer la ville des Cayes, dans un rayon de 25 kms, d'une couronne d'universités de haut niveau pour assurer un flux de recherches et développement  adaptés aux besoins de la région et la dissémination de ce savoir.

        Au contraire de ce que pense nos compatriotes, la notIon de santé publique commence à la maison. C'est un ensemble de comportements que nous devons aider notre société à intégrer. Comme la gestion des déchets, les sélectionner dès la source pour mieux les recycler. Autant d'opportunités de travail. Puis viennent les mesures conservatrices en ces temps de Zika ( fumigation et distribution de screen  en kit pour portes et fenêtres, etc  Enfin vient l'appareil médical lui-même. Un réseau de cliniques de quartier disséminé à travers les sections communales secondé par un nouvel hôpital de référence celui-là, conçu autour d'une faculté de médecine et un institut de technologie et de gestion médicales pour former le personnel nécessaire à faire tourner l'ensemble. 

Le reste est une affaire d'infrastructures routière et portuaires pour délivrer à temps nos produits vers leurs marchés de destination. 

Le cas de l'île à Vache est plutôt spécial et est la résultante d'une absence de politique de la mer. En 2002, nous espérions déjà - je représentent local de l'UE (Union Européenne ), amoureux fou de la mer et de l'île,  et moi en étaient arrivé  au même constat. Cette population meurt jeune, trop jeune d'insuffisance rénale du fait de l'eau saumâtre de l'île. L'eau potable y est si précieuse qu'elle est un symbole de statut social. Il m'avait avoué avoir dégagé un supplément budgétaire de 6 millions d'euros pour financer un pipeline.  En connectant l'île avec l'Acul du Sud toute proche nous pourrons non seulement distribuer l'eau potable à tous ses habitants, développer l'agriculture, remplir d'eau fraîche l'immense étang à l'ouest de l'île. Ainsi donner son nom à l'île en s'en servant comme centre de quarantaine pour repeupler le cheptel local. Comment peut-on parler de tourisme de luxe et construire un aéroport quand ces besoins primaires ne sont même pas perçus pour être pris en compte. Une telle déconnection avec la réalité est pour le moins déconcertante. Le même scénario pourrait être envisagé pour d'autres îles avoisinantes. 
Mais pourquoi nos dirigeants n'ont jamais envisagé une politique de la mer dans une île située au coeur de la Caraïbes  ? Notre flottille de pêche reste sans doute la plus pâle de la région.  Pareil pour le transport des marchandises et de personnes. Pas de marina, à la vérité très peu de port. Nous avons jamais exploité notre espace maritime. Nous n'y pensons même pas,  ignorant son potentiel économique, énergétique, etc Une politique agressive axée autour de la pêche, le transport et le tourisme offrirait déjà un revenu décent à  près de 10.000 familles rien que dans notre département. D'ailleurs, à l'image d'un véritable jardin botanique,  nous avons besoin d'un  authentique institut d'oceanographie et d'un aquarium géant pour nous délivrer les clés de notre environnement marin, mais aussi ses vertus pédagogiques. 

Tour cela n'arrivera pas comme par enchantement. Pour réussir, il faudra réunir toutes les parties ( pubic, privé, diaspora, société civile, communauté internationale) autour d'une même table. Faire taire autant nos egos que la coalition des opportunistes, nous enrichir de nos expériences respectives. Nous pouvons encore inverser les flux migratoires: un logement décent, une éducation de qualité, une perspective économique dans sa région d'origine constitue une alternative plus attrayante que le désespoir d'un bidonville. Nous sommes les héritiers de l'unique "zone bleue " de la Caraïbes,  le paradis sur terre pour tous les humains. Tous, sans exception, rêvent d'y passer leur lune de miel sous nos cieux à défaut de pouvoir y vivre. Alors le ventre plein, notre image restaurée nous aurons la possibilité de mettre en valeur nos richesses naturelles. Du Fort Olivier au Pic Macaya, de Pointe-Sable à  Gelée nous recevrons dans la dignité tous ceux qui se presseront sur la terre d'Audubon , le berceau du Panaméricanisme.

NB: POLLEN est cadre. Il est non partisan par essence.il n'exclut aucune autre vision.  Il encourage le volontariat, la participation citoyenne et l'esprit d'entreprise. Pour sauver Haïti portons chacun de nous une pierre à l'édifice.