Dans ce numéro, comme par hasard, devoir de citoyen oblige, j’aborde un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’éducation. Après tout, il ne saurait en être autrement, car étant fils d’un éducateur ayant cumulé plus de 50 ans de carrière, mon feu père Absalon Rivière, la culture de l’instruction a toujours caractérisé la vie familiale.
Dans ce numéro, comme par hasard, devoir de citoyen oblige, j’aborde un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’éducation. Après tout, il ne saurait en être autrement, car étant fils d’un éducateur ayant cumulé plus de 50 ans de carrière, mon feu père Absalon Rivière, la culture de l’instruction a toujours caractérisé la vie familiale.
Je ne doute pas que ce soit aussi le cas de nous toutes et tous, Xaraguayennes et Xaraguayens qui collaborent avec Xaragua Magazine. Ce n’est pas sans raison, d’ailleurs, que le volet éducation est au premier plan dans les numéros précédents, à travers les réflexions bien articulées et articles de Magalie Obas Léo.
Comme il est clairement rappelé dans l’éditorial de ce numéro, les préjugés constituent un sérieux handicap au vivre-ensemble de toute société. Et l’éducation, qui devrait être l’essence même du savoir-vivre, du vivre-ensemble au sein d’une communauté, est malheureusement l’une des principales victimes de ce cancer qui gangrène la nôtre.
Souvent, nous qui faisons partie de la génération des 40 ans et plus, sommes très critiques à l’égard de la génération présente. En effet, nous avons toujours tendance à croire que tout était mieux à l’époque de notre enfance ou de notre adolescence. Ce n’est pas faux ! Ce n’est pas tout à fait vrai non plus ! Car, en ce qui nous concerne, nous n’avons pas su profiter de notre époque plus tranquille politiquement pour faire bouger les choses, ne serait-ce que dans notre devoir de combler ou, tout au moins, de réduire les différences.
Justement, une de ces différences a malheureusement été présente, en particulier, dans le regard que notre société jette sur les écoles dites publiques; ces écoles destinées aux moins fortunés, aux moins socio-privilégiés, aux bannis automatiques en quelque sorte. Alors, j’entends par bannis automatiques, les personnes, notamment les enfants qui, bien avant leur naissance, sont prédestinés pour tels types d’école, à cause de leur origine sociale.
Revenons à notre sujet principal qui est, ce que je pourrais appeler, la mission manquée de l’école haïtienne dans son combat contre les préjugés. S’il est vrai que ce problème se pose à l’échelle nationale, sur le plan régional ou plus précisément à l’échelle du Grand Sud, l’école n’a pas toujours été à l’abri de tout reproche. Jusqu’à la fin des années 90, les écoles nationales des Cayes ont été l’objet de toutes formes de discriminations et de railleries. Quant aux élèves issus de ces écoles, ils ont été quasiment considérés comme des moins que rien. Le plus fâcheux dans tout ça, un certain complexe d’infériorité s’était installé chez ces ‘’pauvres élèves’’ qui d’une certaine manière, se croyaient inférieurs à ceux des écoles congréganistes. Même les professeurs des écoles catholiques se croyaient supérieurs à ceux des écoles nationales. De mon temps, élève des Frères du Sacré-cœur d’alors, il n’était pas rare d’entendre les professeurs critiquer leurs collègues des écoles nationales ou même de nous faire croire que nous sommes supérieurs aux autres. Ridicule !!!
Même à l’église, à l’occasion de la messe du dimanche, la discrimination était présente. Dans l’organisation pour l’entrée dans l’église, il fallait laisser passer les élèves des établissements congréganistes avant ceux des écoles publiques. Et puis, dans l’enceinte de l’église, les premières rangées étaient assignées aux écoles des Frères et des Sœurs. Quant aux petites écoles privées, n’en parlons pas! Leurs places étaient réservées dans les bancs d’à coté. Ce n’est pas un ancien élève de l’école de Maître Noël qui me démentira.
Fort heureusement, dans cet océan de mépris à l’égard de l’école publique du Sud, il y a eu quelques voix à avoir pris position contre cette forme de discrimination visible et acceptée par la société dans sa très grande majorité. Mis à part mon feu père qui a eu quelques démêlées avec l’inspection scolaire, à cause du manque de considération à l’égard de l’école qu’il dirigeait à l’époque, il y eut aussi Madame Hall, directrice de l’école Michel Lazarre. Elle montait toujours au créneau non seulement pour prendre position pour ses élèves, mais aussi pour affronter de manière virulente celles et ceux qui osaient prendre de haut ses élèves. J’ai moi-même été témoin d’une scène où elle s’en prenait à un professeur des Frères du Sacré-Cœur, à l’intérieur même de l’église, un vendredi, à l’occasion d’une répétition de chants pour la messe du dimanche.
Bref, tout ça, c’est pour vous dire que les préjugés n’aident en rien. Leurs dégâts sont palpables dans notre société. Et, l’école qui aurait dû être une régulatrice, n’a pas toujours joué son rôle correctement. Je ne cherchais pas ici à faire le procès de celles et ceux qui se sont sacrifiés à donner le pain de l’instruction à des millions d’élèves haïtiens, malgré des conditions difficiles liées à leur niveau de formation ou à leur situation existentielle. Loin de là ! Toutefois, il faut reconnaître qu’un système discriminatoire a bien été en place. Les victimes ont été clairement ou sont encore aujourd’hui les écoles publiques et rurales. Et, ‘’il faut que quelque chose change’’!