Une foule en liesse qui pousse un avion sur un tarmac. Il y avait raison de se demander si les haïtiens avaient une fois de plus perdu la tête. Quelques minutes plus tard, ce petit avion rouge brûlait sur la voie principale. L’appareil avait été sorti de l’aéroport par une foule qui voulait emmener son trophée vers la ville des Cayes.

À Edmé, je voulais te laisser un pays. 

Une foule en liesse qui pousse un avion sur un tarmac. Il y avait raison de se demander si les haïtiens avaient une fois de plus perdu la tête. Quelques minutes plus tard, ce petit avion rouge brûlait sur la voie principale. L’appareil avait été sorti de l’aéroport par une foule qui voulait emmener son trophée vers la ville des Cayes. 

La raison principale de la colère de la foule se trouvait à quelques centaines de kilomètres de l’aéroport des Cayes. Martissant, situé à l’entrée sud de la capitale, était contrôlé par des hommes armés qui refusaient souvent le passage aux automobilistes. Pour avoir accès à la capitale, il fallait payer une rançon qui ne garantissait pas toujours un passage sain et sauf. Quelques jours plus tôt, un autobus recevait une rafale de balles faisant plusieurs blessés. 

La capitale de la république d’Haïti est le poumon de cet état-nation. S’y concentre le pouvoir politique et la grande majorité des activités économiques. Si certains doutent de l’existence d’une République d’Haïti, personne ne doute que Port-au-Prince est une république dans la république. Restreindre l’accès à la capitale, c’est condamner des citoyens à vivre en dehors de tout espoir de progrès. 

Si la foule était en colère, c’était contre l’idée d’être confiné dans un désert économique. A cette exclusion, s’ajoutait la réalisation que certains citoyens ne subiraient jamais le même sort car ils pouvaient se payer un billet d’avion. En allant à l’aéroport, les damnés voulaient rappeler aux autorités qu’ils n’avaient pas accès aux engins volants. Du moins, c’est ce qu’ils clamaient. Il est impossible de savoir ce qui se serait passé sans l’intervention brutale de la police. L’institution policière, fidèle à elle-même, incapable d’affronter des bandits armés, a réussi l’exploit de faire des victimes dans une démonstration qui se déclarait pacifique. Un homme est mort et l’avion a été brûlé. 

Ce qui devait se résumer à une conversation sur les inégalités d’accès à la capitale s’est transformé en un débat sur l’importance d’un avion et d’une vie humaine. Beaucoup admettent qu’une vie est plus importante mais peu pensent que l’avion méritait d’être mis à feu. Et les grands imbéciles du moment se demandaient si brûler l’avion allait finalement résoudre le problème de Martissant. On pouvait se douter que même une manifestation réussie n’aurait changé la donne du jour au lendemain à l’entrée sud de la capitale. Mais la mobilisation était censée rappeler aux autorités qu’on vit mal dans le pays en dehors, surtout quand on n’a pas les moyens de se payer l’accès à la république de Port-au-Prince.

La réponse des autorités ne s’est pas fait attendre avant et après l’incident de l’avion. Car un aéroport est un lieu stratégique qu’il faut protéger à tout prix. Un contingent de policiers est venu après l’incident confirmer cette idée. Les autorités et les imbéciles ont sans doute raison, brûler un avion ou un aéroport ne changera rien. Le voyage vers Port-au-Prince restera dangereux pour beaucoup. Car dans la capitale, le gouvernement fait le sourd et même la mort d’un homme ou un avion qui brûle ne saurait perturber ce silence artificiel. Cet avion qui brûle, ne brûle pour rien.

 

A propos de

Alain Ménélas

Alain Ménélas est un natif des Cayes. Après des études primaires à la Nouvelle Ecole Primaire, Il compléta ses études classiques aux Cours Prives Edme à Port-au-Prince. Quelques années plus tard, Alain reçut son diplôme en Sciences Economiques avec une spécialité en…

Biographie