Je vous l'avoue ! J'ai longtemps été en rogne contre mon pays natal, berceau de mon enfance et de mon adolescence. Pour être honnête, je me contrebalançais de tout ce qui concernait ce pays que je m’étais résolue à quitter malgré moi. J'assistais parfaitement indifférente à toute cette saga qui, depuis de trop nombreuses années, secouait ce petit coin de terre longtemps chéri.
Je vous l'avoue ! J'ai longtemps été en rogne contre mon pays natal, berceau de mon enfance et de mon adolescence. Pour être honnête, je me contrebalançais de tout ce qui concernait ce pays que je m’étais résolue à quitter malgré moi. J'assistais parfaitement indifférente à toute cette saga qui, depuis de trop nombreuses années, secouait ce petit coin de terre longtemps chéri. Néanmoins, sous l’influence et à l'invitation d’amis m'ayant convaincue de renouer avec mon pays, du moins avec ma ville natale, je me suis graduellement libérée de ma rage d’exilée forcée et j’ai fini par décider de plutôt contribuer d'une autre façon à son avancement ou tout au moins de redonner à mon pays un peu de ce que j’avais reçu.
Je dis bien d'une autre façon, car durant plusieurs années, je caressais plutôt l'idée ou l'espoir d’y retourner et de mettre à son service les quelques compétences acquises grâce à mes études en sciences de l’éducation. Mon rêve était de faire partie des décideurs, de ceux qui réfléchissent à un meilleur système éducatif pour assurer un avenir plus prometteur à nos jeunes compatriotes. Je me plaisais d’ailleurs souvent à dire à mes collègues enseignants de ma terre d’accueil, que je les engagerais, tous frais payés, dans le cadre d’un programme de formation des maîtres en Haïti. Oui, oui je me projetais déjà dans mon rôle de décideur.
Les années ont passé. Je voyais mes espoirs s'amenuiser et mes rêves partir peu à peu en fumée. Haïti, mon pays, est pris en otage, et cela depuis bien trop longtemps. Ses ravisseurs cupides, égoïstes et ennemis du changement et de l’avancement ont tout fait pour fermer la porte à ses milliers d’enfants expatriés, toutefois prêts à revenir pour, entre autres, apporter leur quote-part à la refondation de la patrie commune, aux côtés des compatriotes conséquents et compétents, résidant encore au pays. Celles et ceux qui, profitant du vide, ont fait main mise sur les diverses sphères de décisions, ne comprennent pas et refusent de comprendre que vit en terres étrangères une part pourtant significative de la population haïtienne active et compétente. Ils refusent d’admettre qu’il serait bénéfique pour le pays de créer des conditions qui encourageraient le retour effectif de ces filles et de ces fils. Combien nombreux sont-ils en effet celles et ceux qui, malgré les aléas inhérents aux modes de vie de leur différente terre d’accueil, se sont retroussé les manches, les uns pour se faire une vie décente et les autres pour se tailler une meilleure place en décrochant un diplôme dans des domaines divers, acquérant des connaissances et des compétences qui pourraient bien aider notre pays à se propulser vers l’avant.
C’est fort dommage que, en dépit de son immense apport économique, la « diaspora » haïtienne soit tenue à l’écart dans la prise des grandes décisions concernant le pays, car elle ne dispose dans les faits d’aucun pouvoir réel, même pas le droit de voter jusque-là. En outre, à moins que je ne m’abuse, les Haïtiens naturalisés ne peuvent pas, selon la Constitution de 1987 ni selon celle amendée, briguer les postes électif de Président de la République, nominatif de Premier ministre, ni ceux électifs de Sénateur et de Député à moins de satisfaire à certaines conditions qui ont tout pour les décourager dans leurs intentions. À la rigueur, ils pourraient, semble-t-il, devenir membres d’un CASEC ou d’un ASEC. Ils pourraient être aussi des conseillers d’État ou fonctionnaires de l’État (non élus), jusqu’à un certain niveau. Mais c’est à peu près tout. Nos constituants ont voulu s’inspirer de modèles où la double nationalité n’est pas reconnue. Ce faisant, ils ont commis la faute grave de ne pas considérer les circonstances qui ont poussé certains compatriotes à prendre une deuxième nationalité et celle tout aussi grave de ne pas avoir pensé au fait que notre chère Haïti serait, à un moment ou à un autre, confronté à un déficit criant de ressources humaines pour avoir vu fuir plus de 80 % de ses diplômés universitaires.
Sommes-nous donc condamnés, nous filles et fils d’Haïti vivant à l’extérieur, qu’on se plaît à appeler « la diaspora », à ne pouvoir mettre nos compétences acquises, au prix de durs sacrifices, qu’au service de notre pays d’accueil ? Sommes-nous condamnés, si nous nous résolvons, en dépit de tout, à retourner au bercail à devoir accepter de travailler obligatoirement sous la direction de compatriotes qui ne peuvent pas toujours faire montre du leadership et des compétences requis pour les postes de grandes décisions ?
Savez-vous quoi ? Mon ardent désir de retourner dans mon patelin était tel que j'avais résisté, pendant plus de vingt (20) ans, à l’idée de prendre une autre nationalité. Cependant, j'ai fini par succomber, comme beaucoup d'autres, et par accepter de faire mienne cette terre d'accueil bien malgré moi, pour diverses raisons dont je vous fais grâce.
Enfin ! Vous nous demandez de revenir, participer à la reconstruction d’Haïti. Certes, mais à quel titre ? Quelle est la place réelle que vous nous réservez ? Jusqu’à quel point êtes-vous vraiment prêts à nous laisser participer effectivement à la gestion de la chose publique ? Comment pouvez-vous nous garantir que les meilleures pratiques en matière de gestion seront finalement appliquées … ?
En attendant vos réponses et sans trop grand optimisme à cet égard, nous, de l’extérieur, continuerons, à travers Xaragua Magazine, à contribuer à changer la mentalité de nos concitoyens, à rassembler des idées novatrices, à concevoir des programmes de soutien et de renforcement des compétences, pour aider du moins le Grand Sud à aller de l’avant...
Qui sait ? Un jour peut-être, si ce n’est au cours de cette décennie, les portes s'ouvriront vraiment pour laisser entrer « la diaspora » dans la cour des décideurs de notre chère Haïti.