22 janvier 2017, comme une traînée de poudre, la nouvelle s’était répandue sur tout le territoire national. Les Cayes, pour une deuxième fois, allait recevoir le carnaval national.

22 janvier 2017, comme une traînée de poudre, la nouvelle s’était répandue sur tout le territoire national. Les Cayes, pour une deuxième fois, allait recevoir le carnaval national. La première réalisation en 2012 avait fait l’unanimité aux yeux des cayens mais, l’octroi de la ville des Cayes du carnaval national 2017 allait non seulement secouer les réseaux sociaux mais aussi créer une division entre les habitants de la ville et entre les Cayens et les Port-au-Princiens; ces derniers s’étaient déjà engagés dans la préparation de leur carnaval  autour du slogan : « An nou fè Ayiti reviv ».

Coup de théâtre ou stratégie politique, on ne croyait pas nos oreilles. Un département qui venait d'être ravagé par un cyclone de catégorie 5 et qui jusqu’à présent n’a eu aucun plan majeur de redressement du gouvernement haïtien allait être une nouvelle fois sous les feux des projecteurs.

Cette décision était trop émotionnelle pour certains, incroyable pour d’autres et dépourvu de bon sens pour les plus avisés. Comment peut-on penser à faire un carnaval national dans le Sud du pays, quand il y a encore des gens sous les tentes, quand le secteur touristique, le plus touché, peine encore à se relever ? Le secteur agricole ne se porte pas mieux et aucun plan de redressement n’est mis à exécution.
 

Ce n’est pas tant l’idée de tenir un carnaval national aux Cayes qui est un problème en soi. Au contraire. Une bonne préparation devrait apporter des profits à la ville et au département tout entier. Il s’agit d’un point qui devrait faire partie d’un plan d’événements annuels qui seraient mis en place pour attirer des visiteurs du pays ; le but étant de relever l’économie de la zone. Mais à un mois des festivités, que devrions nous espérer de cet événement qui demande du temps, une grande planification, de l’argent et un gouvernement déjà installé ?
L’inexistence des quatre points susmentionnés ne rendait serein aucun homme avisé de l'ampleur du défi.


 

Les habitants de la ville étaient excités à l'idée de refaire l’expérience, mais peut-on encore faire des activités à non profit pour la ville et le département ? Un département qui depuis des années n’attire presque plus le regard des autorités haïtiennes sur les grands chantiers de développement. Peut-on encore faire plaisir aux gens de Port-au-Prince pour gérer leurs intérêts au détriment du Sud?

Le Cyclone Mathieu nous a mis à genou et à nu. Quatre mois de cela, il a prouvé aux yeux de tous que ce grand département qui jadis jouait un rôle dans la guerre de l’indépendance d'Haïti, la libération des pays de l'Amérique centrale avec Simon Bolivar, était dépourvu d’un minimum d’infrastructures pour la réception d’aides nécessaires pour la survie de ces habitants. Pas de ports, pas d’aéroports, pas d’énergie électrique.
 
Etait-ce la priorité du moment ? On se souviendra que le carnaval de 2012 avait aussi mis les projecteurs sur la zone, et que les intérêts étaient différents. En 2012 les objectifs recherchés autour du carnaval national étaient de faire découvrir le département du Sud dans toute sa splendeur et aussi de prouver au monde entier que les provinces, spécialement la ville des Cayes complètement délaissée, pouvaient accueillir un tel événement. Pari fait et gagné. 
 

En 2017, les objectifs auraient dû être différents. Le carnaval national, comme cela a été le cas pour le Nord avec la ville du Cap, et l’Artibonite avec la ville des Gonaïves, à elles deux, avaient respectivement un an et deux ans pour se préparer. Elles ont connu depuis, un essor en termes d’infrastructures durables et aussi des résultats visibles sur le plan économique. Alors pourquoi pas nous? 

Nous avons confondu encore une fois vitesse et précipitation. La crainte demeure de ce que nous aurons après le carnaval. Serons-nous encore oubliés pour les prochaines années? Il fallait tirer la sonnette d’alarme. Et cela a été fait.

 

 
Un tel événement pour être bénéfique pour le département devrait être planifié durant une à trois années au maximum. Un comité uni avec l’objectif commun de mettre en valeur le département du Sud en rehaussant sa culture, son histoire, ses sites touristiques, historiques et naturels à travers ses écoles de danses et ses artisans. Les secteurs touristiques, agricoles, des services, artisans, commerciaux devraient être pris en charge. Des exigences au niveau étatique devraient être formulées en terme d’infrastructures et de besoins de la zone.
 

Certains disent que le carnaval ne sert qu’aux déhanchements. Ce qui est faux. Le carnaval est et doit être considéré comme une industrie qui met tout en branle. Dans le cas qui nous concerne, le carnaval devrait mettre en éveil les hommes d’affaires du Sud en les poussant à penser affaires, faire de l’argent, imaginer les différents services qui peuvent rapporter en dehors du parcours carnavalesque.
 
Dans l’objectif de faire du carnaval un secteur économique profitable pour la zone, suggestion est faite aux autorités de la ville pour mieux planifier dans le temps un tel événement. De laisser tomber le concept de Carnaval National déjà légalement donné à la ville de Jacmel et qui crée avec Port-au-prince des tensions. 

Les Cayes et le département du Sud devaient créer leur propre concept, et avec leurs parlementaires faire un front nécessaire afin de l’introniser dans le budget national alloué à la zone. Il nous faut de l’imagination afin de créer un ou (des) événement (s) d’envergure capable(s) de booster l’économie régionale en drainant des gens de partout vers une destination annuelle dans le Sud. Le carnaval caribéen ou d’Haïti, serait l’un d’entre eux ; deux jours, différent du carnaval traditionnel haitien, samedi et dimanche, un concept différent en invitant les pays libérés par Bolivar et de la caraïbe. Cela stimulerait les hommes d’affaires du département et du pays à vouloir investir dans la zone ; cela pourrait raffermir nos liens commerciaux avec les pays amis du Sud. Il faut ce genre d’activités pour sortir de l'étreinte des hommes de l’Ouest en générant nos propres revenus et enfin créer la « Destination Sud » qui ne serait pas seulement un slogan mais un « package » de développement durable axé sur les différentes potentialités de la zone : Tourisme, Agro-Industrie, Artisanat et autres.
 

Jude Jacques Renaud Duvivier est originaire de la ville des Cayes, Chef-lieu du département du Sud d'Haïti. Là il a fait ses études primaire et secondaire jusqu'à la 4ème chez les Frères de l'Instruction Chrétienne (FIC), communément appelé Frères Odile Joseph. Installé à Por…

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