Le premier Janvier 1804, sur la place d’armes des Gonaïves, entouré des autres généraux, le général en chef de l’armée indigène proclama l’indépendance de l’ancienne colonie française de Saint-Domingue. Elle fut rebaptisée de son ancien nom « indien », Haïti. Des pieds de nos ancêtres, sautèrent enfin les monstrueuses chaînes qui alourdissaient leurs pas sur les chemins de la liberté. Alors, naquit la première république noire indépendante du monde, après de nombreuses années de lutte pour terrasser un cruel régime esclavagiste. Depuis, se tramait déjà contre elle un complot machiavélique pour l'isoler du reste de la planète et ainsi entraver sa croissance. En effet, deux années plus tard, le père fondateur de la nation, le grand Jean-Jacques Dessalines fut assassiné, le 17 octobre 1806. Les traîtres ne lui accordèrent pas le temps de nous libérer des liens mentaux subtils, mais bien plus solides qui nous ligotent l’esprit, aujourd’hui encore.

Le premier Janvier 1804, sur la place d’armes des Gonaïves, entouré des autres généraux, le général en chef de l’armée indigène proclama l’indépendance de l’ancienne colonie française de Saint-Domingue. Elle fut rebaptisée de son ancien nom « indien », Haïti. Des pieds de nos ancêtres, sautèrent enfin les monstrueuses chaînes qui alourdissaient leurs pas sur les chemins de la liberté. Alors, naquit la première république noire indépendante du monde, après de nombreuses années de lutte pour terrasser un cruel régime esclavagiste. Depuis, se tramait déjà contre elle un complot machiavélique pour l'isoler du reste de la planète et ainsi entraver sa croissance. En effet, deux années plus tard, le père fondateur de la nation, le grand Jean-Jacques Dessalines fut assassiné, le 17 octobre 1806. Les traîtres ne lui accordèrent pas le temps de nous libérer des liens mentaux subtils, mais bien plus solides qui nous ligotent l’esprit, aujourd’hui encore. 

Sinon, comment expliquer qu’au 21ème siècle, plus de 200 ans après la prouesse de nos aïeux, nous soyons à nous dénigrer, nous dévaloriser en tant que peuple ? Nous semblons oublier que nous sommes issus de la lignée de ces illustres hommes et femmes, d’une extraordinaire bravoure, qui nous ont laissé la liberté en héritage.  Au prix de durs sacrifices, même de leurs vies !

Pour nous réduire en esclavage, les colons ont tout fait pour nous abêtir, annihilant en nous toute estime de soi. Nous sommes parvenus à ce point où nous nous détestons profondément. Nous avons tendance à rejeter tout ce qui vient de nous, tout ce qui est nôtre et fait notre valeur, tout ce qui est nous.  Actuellement, nous paraissons être encore sous leur emprise. Car nombreux parmi nous trouvent le moyen de justifier la servitude que nous ont imposée nos bourreaux d'hier, les déresponsabilisant en imputant la faute à nos ancêtres d’Afrique. Offensés par l’attitude de quelques envieux, jaloux de la bonne fortune des autres, on entend certains dire : « se depi nan Ginen, nèg rayi nèg ». Par cette assertion, ils attestent que les nègres d’Afrique ont favorisé la traite des Noirs en vendant leurs siens aux Européens. La bible relate l’histoire de Joseph vendu par ses frères. Pour autant, leurs descendants ne s’attardent pas à cette vieille querelle familiale pour se vilipender, s’accuser les uns les autres de toutes les vilenies.

Il est grand temps pour nous de comprendre ce jeu macabre de nos oppresseurs pour déraciner en nous le moindre germe de fierté et nous garder indéfiniment sous leur joug. Nous ne devons plus nous y laisser prendre, voire y participer. Ce crime odieux, perpétré contre l’empereur Jacques 1er nous a fait perdre nos repères. Engagés sur des voies ténébreuses, nous agissons dans l’oubli total de nos glorieuses origines. Il est inconcevable que celui qui se dit Haïtien s’attribue ou attribue aux siens tout ce qui est mauvais. Nous nous faisons des complices volontaires ou non de ces anciens colons en nous rabaissant sans cesse. Finissons-en avec cette auto-flagellation. Cessons cette pratique dégradante de nous réduire à ces clics successifs de truands, de voleurs et de leurs acolytes qui prétendent nous diriger mais plutôt contribuent à notre avilissement en dirigeant mal la barque nationale. Par-là, nous permettons à des individus d’ailleurs de s'arroger le droit de nous identifier tous à des malfrats. Regardons-nous de plus près pour redéfinir les critères de l’être Haïtien. 

En effet, peut-on compter le nombre impressionnant de femmes qui s’agglutinent chaque jour dans nos marchés à la recherche du nécessaire pour subvenir aux besoins de leurs familles ? J’enlève mon chapeau pour saluer l’héroïsme des Madan Sara qui risquent leurs vies dans des conditions périlleuses de transport, soucieuses de fournir une bonne éducation à leur progéniture afin de leur assurer un lendemain meilleur. Que dire de ces cultivateurs munis de rudimentaires outils, qui de l’aube au crépuscule, suent sang et eau pour tirer des entrailles de la terre, les aliments apportés sur nos tables de citadins ? Je reste ébahie devant la force herculéenne déployée par ces hommes qui tirent ces engins lourdement chargés rien que pour nourrir leur maisonnée. N’a-t-on jamais pensé à ces vaillantes paysannes qui dévalent nos montagnes en portant allègrement sur leurs têtes altières des paniers pleins à craquer de produits agricoles ? Elles viennent les écouler dans les villes pour rapporter l’essentiel à leur foyer. S’est-on jamais imaginé ce que cela doit coûter de déambuler sous les flammes ardentes d’un soleil tropical à travers des rues poussiéreuses pour offrir ça et là des articles à vendre afin de gagner dignement sa vie ? On devrait apprécier l’esprit altruiste des professionnels de santé de ce pays. Pour un salaire de misère et dans des conditions exécrables, ils consentent à fournir des soins à la population dans des établissements sanitaires dépourvus quasiment de tout, ne disposant souvent de rien pour accomplir leur tâche. Qu'hommage soit rendu aux enseignants sous-payés qui donnent le pain de l’instruction à nos enfants. Jetons un regard sur les manufactures (factories) où des ouvriers et ouvrières triment pendant de nombreuses heures pour une paye dérisoire.

Nous ne saurions laisser de côté nos innombrables étoiles que la vie a emmenées illuminer d'autres cieux. N'en déplaise à certains, nul ne peut nier l’apport de nos compatriotes de la diaspora dans le développement de leurs différents pays d’accueil. 

Entre outre, on oublie la solidarité dont font preuve les Haïtiens entre eux ou envers les autres dans les difficiles moments d’épreuves ainsi que notre proverbiale hospitalité. En dépit de tout, de la précarité de notre situation, les Haïtiens authentiques sont des êtres dont la grandeur d’âme n'a d’égal que la noblesse de leur cœur. 

Si on devait continuer à dresser la liste des catégories de gens honnêtes de notre nation et nos belles qualités collectives, on n’en finirait pas.

Néanmoins, je n'oserais dire que nous formons un peuple parfait, sans défaut aucun. D'ailleurs, en existe-t-il un « sous ce ciel bleu » ? L’une de nos tares principales est notre docilité, notre caractère pacifique frisant la passivité qui nous conduit vers la résignation et nous fait accepter n'importe quoi de n'importe qui. Non plus, nous n’allons pas minimiser la décadence accélérée que nous observons depuis un certain temps dans notre vie de peuple. Quelques éléments désespérés de notre jeunesse trop longtemps laissée à l’abandon, s’adonnent bien souvent à des actes répréhensibles, semant la terreur et le deuil dans notre quotidien. Les modèles de réussite projetés sur l’échiquier national sont plus que douteux. Ceux qui accèdent au timon des affaires font preuve d'une médiocrité absolue. Tout cela contribue à projeter une image hideuse qui tend à déformer notre vraie nature à nos propres yeux. 

Mais, il est temps de nous ressaisir pour corriger cette vision catastrophique, cette accablante perception que nous avons de nous.

Cessons de généraliser à l’ensemble d’un peuple les défauts d’un individu ou de petits groupes de crapules. Nulle part ailleurs sur cette terre, il n’existe de gens à se haïr autant que nous le faisons. Le moment est venu de casser les chaînes mentales qui entravent nos actions pour atteindre notre plein développement et conduire notre chère patrie sur les chemins du progrès. Débarrassons-nous de nos vieux démons. Naître sur ce bout de terre sacrée, être en possession d'un document accordant la nationalité ne suffit pas pour être Haïtien. Il faut en être digne, le mériter en travaillant à la grandeur, à la prospérité d’Haïti chérie. Il faut être animé d'un sentiment d'appartenance faisant plutôt défaut à bon nombre qui clament ou réclament à cor et à cri leur haïtianité, bien que, leur attitude démontre clairement leurs caractéristiques d’apatrides. 

Être Haïtien, c’est tout un concept. Approprions-nous enfin de notre vraie nature d’être Haïtien.
 

Marie Johane Brinnius Banatte est née à Jacmel où se déroula sa petite enfance. Puis, elle vécut une grande partie de sa jeunesse à Port-au-Prince pour poursuivre ses études secondaires et universitaires.

Établie depuis environ 20 ans dans la métro…

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