La nouvelle est tombée hier, 31 juillet, comme un couperet. Le journaliste iconique Anthony Pascal, notre Kompè Filo national, est mort. (C'est bien Kompè, avec 'm', comme il insistait toujours, et non avec 'n'.)
La nouvelle est tombée hier, 31 juillet, comme un couperet. Le journaliste iconique Anthony Pascal, notre Kompè Filo national, est mort. (C'est bien Kompè, avec 'm', comme il insistait toujours, et non avec 'n'.)
J'ai eu la chance, au cours des 15-20 dernières années, d'avoir une relation si cordiale avec lui qu'elle était devenue d’amitié. C'est qu'il existait entre nous cette communauté de vues souvent source de bonne complicité citoyenne. Cette affinité portait tant sur des questions d’intérêt national que sur celles d’identité haïtienne. Lui et moi avions eu bien des conversations profondes sur des questions touchant à la poignante problématique de notre pays d’Haïti auquel il était viscéralement attaché, et qu'il connaissait si bien dans toutes ses dimensions et complexités.
Là, de mémoire, je ne crois pas pouvoir citer un autre compatriote qui sût agencer avec autant de bonheur, simplicité, entregent, humour, conviction et bon vivant. Je ne peux compter le nombre de fois, au cours de mes visites régulières en terre natale, je suis passé sur son plateau de présentateur vedette de la Radyo Tele Ginen, à Delmas 31, pour, à chaque fois sur une bonne heure, aborder des sujets qu'il savait me porter à fouiller dans toute leur ampleur et profondeur. Et puis, le vendredi soir, c’était toujours une fête que de le rencontrer au restaurant où jouait le savoureux groupe musical Ju Kann -- une fête pour les yeux aussi, car Kompè était un maître consommé de la piste de danse, le plus fin danseur de notre magnifique compas.
Filo laissait aller la vie. L'homme de tout le monde, sans tout accepter. Avec ce sourire bon enfant et impénétrable qui souvent lui éclairait le visage, le sourire à la fois de l'Oncle et du griot, il semblait s'amuser de tout sans s'attacher à rien. De son activisme citoyen doublé de militantisme professionnel à Radio Haïti Inter sous la dictature -- une période de sa vie bien captée par la photo ci-bas, celle de la couverture d'un numéro de l'ancien hebdomadaire Le Petit Samedi Soir (O tempora! O mores!) -- à sa présence publique apaisante des nombreuses dernières années, surtout comme présentateur d'une grande émission TV à Radyo Tele Ginen (voir l'autre photo), Kompè Filo a bien rempli sa journée. Je ne peux concevoir d'une anthologie de la presse haïtienne qui ne lui réserve une bonne page, au moins.
Va en paix, cher concitoyen; bon voyage, mon ami. Lè wa fin janbe, epi w rankontre ak Papa Toussaint, Mèt Jean-Jacques, Roi Christophe ak jal Pétion, wa di yo sa w kite dèyè... Wa mande yo ki lè ya frape pye yo pou di: Sètase! Se pa pou sa nou te fè 1804!