Le mot génération revêt diverses définitions, et cela en fonction du contexte. Nous nous arrêterons ici à celle qui sépare deux degrés de filiation en ligne directe et qui est évaluée à une période de vingt-cinq à trente ans environ.

Le mot génération revêt diverses définitions, et cela en fonction du contexte. Nous nous arrêterons ici à celle qui sépare deux degrés de filiation en ligne directe et qui est évaluée à une période de vingt-cinq à trente ans environ. Une génération charrie son lot de comportements, de valeurs, d’attitudes, de modes…et, chacune d’elles a ses repères, ses éléments d’identités qui font qu’elles se démarquent l’une de l’autre. Le dialogue intergénérationnel est presqu’aussi vieux que notre monde. Il est donc complexe, interminable, indéterminable….

Il est difficile de parler de relations entre générations et ne pas faire allusion à des frictions de toutes sortes qui en émanent. La transition avec tout ce qu’elle comporte de changements acceptables et/ou acceptés ou non génère des incompréhensions, des révoltes, sinon des indifférences. Ici en Haiti, le dialogue intergénérationnel subit comme partout ailleurs les influences socio-contextuelles. Dans le passé, les murs à ce dialogue étaient dressés par l’autoritarisme à outrance des parents face aux enfants. Cet autoritarisme engendrait la peur et ainsi, la génération des « vieux » passait des ordres et les « petits » obéissaient ou, en cas de rébellion, étaient soumis au « supplice » de la « marginalisation ». En règle générale, le mutisme se dressait entre les deux groupes, avec, d’un côté ceux qui croyaient avoir tout vu et entendu, du haut de leurs longues années vécues et, donc, n’avaient rien de plus à apprendre et, de l’autre côté, ceux qui estimaient avoir une vision plus moderne, plus avancée, car, guidés par des analyses plus actuelles, non « périmées ».  

Dans les zones reculées du pays, cette réalité était vécue avec beaucoup plus d’austérité du côté des moins jeunes et encore moins d’affirmation du côté des plus jeunes. Ce qui conduisait à moins d’échanges. Bien sûr, à ce niveau, il convient de relater les soirées d’audience et de contes au clair de lune dans les « ti-lakou » qui rassemblaient les membres de toutes générations confondues. Mais, à ces moments-là, c’était la navigation pour tous dans le monde imaginaire. Puis, revenait la réalité et chacun se retrouvait avec ses certitudes et ses doutes, plus communément discutés entres individus de mêmes groupes d’âge et de sexe.

De nos jours, à l’ère de la technologie, la communication à distance est rendue plus aisée. Mais au-delà de ce qu’elle apporte comme canal avancé pour le dialogue, la technologie se trouve aussi à la base d’un grand bouleversement social où le sens de la transmission du savoir serait inversé, donnant lieu au fait que les jeunes générations instruiraient les plus anciennes. Bien entendu, c’est une réalité très nuancée suivant les groupes sociaux considérés et les habiletés innées et/ou acquises par les uns et les autres. C’est aussi une construction sociale qui fait que l’on voit les moins jeunes comme des porteurs de la tradition et les plus jeunes eux, des adeptes de l’innovation. Une conception trop généraliste et très simpliste. Beaucoup de subtilités liées à des facteurs géographiques, culturels, sociaux, économiques, démographiques sont à prendre en compte dans de telles réflexions. 

La technologie met à portée de main tout un univers d’informations à des niveaux de standards différents. Les réseaux sociaux deviennent un fourre-tout pour déverser les savoirs épars, les émotions, les histoires à sensation. Avec un nombre incalculable d’utilisateurs et un accès illimité, le contrôle et les censures deviennent difficiles et facilement contournables. Bien évidemment, lorsque des gammes infinies de sujets sont exposées, les plus fantaisistes et les plus sensationnelles sont les plus attractives, pour le plus grand nombre. Il y a toujours quelque chose qui accroche sur internet. On y passe infiniment de temps sans s’en rendre compte. Jeunes et moins jeunes sont devenus des addictes. Une fois qu’on s’enferme dans ce monde virtuel, riche en incitatifs pour un grand éventail de goûts, peu de place est laissée aux interactions avec le monde réel.  Le temps passe, l’on ne s’en rend pas compte et on perd l’habitude d’écouter ses proches. Les relations s’effritent, la société se morcelle chaque jour un peu plus, inexorablement, car l’individualisme entraine et/ou entretient la rétention des connaissances et des savoirs, des goulots d’étranglement qui retiennent le flux des transmissions.

Quand la faculté de faire une gestion rationnelle des nouvelles technologies de l’informations et de la communication est vaincue ou déficiente, les relations interpersonnelles intra générations et plus encore, intergénérations sont hypothéquées. Le pire, c’est un phénomène qui s’installe insidieusement. Il fait croitre l’isolement, l’indifférence. 

Le monde est en perpétuelle mutation. On n’a pas le temps d’assimiler une nouveauté qu’une autre survient sans crier gare. La manière la plus efficiente d’adresser cette situation de mouvance sociale, est le maintien du dialogue. Il est le chemin vers une évolution des idées, entre les générations, un moyen de mitiger le schisme social. Les interdépendances ne peuvent pas être ignorées. Elles doivent, au contraire servir de matières pour l’élévation de sociétés toujours plus inclusives. Les échanges entre les âges, par le dialogue, pourront faire naitre une connaissance collective plus identitaire, moins calquée sur l’extérieur.
 

A propos de

Fonie Pierre

Fonie Pierre est médecin avec une spécialisation en médecine communautaire, préventive et sociale.
Elle détient aussi un diplôme d’Etude avancée en Population et Développement/ Genre.

Elle est, par ailleurs, membre fondatrice de la Chambre de C…

Biographie