Ami.e.s lecteurs et lectrices, je partage avec vous le contenu de cet enrichissant entretien que j'ai eu la chance d’avoir avec le peintre Herschell Lubin qui va bientôt défendre nos couleurs haïtiennes dans le concours Arte Laguna. Bonne lecture !
Ami.e.s lecteurs et lectrices, je partage avec vous le contenu de cet enrichissant entretien que j'ai eu la chance d’avoir avec le peintre Herschell Lubin qui va bientôt défendre nos couleurs haïtiennes dans le concours Arte Laguna. Bonne lecture !
Parlez-nous en quelques mots de Herschell Lubin.
Mon nom est Herschell Lubin, je suis tout d’abord un père, un mari, un fils, un frère, un cousin, un ami. Je suis un peintre haïtien qui vit à Ottawa au Canada. J’ai grandi dans la ville des Cayes et j’y ai vécu jusque vers la fin du Secondaire. Éventuellement, comme cela se passe dans beaucoup de famille haïtienne, je suis rentré à Port-au-Prince pour terminer mes études secondaires et entamer les études universitaires. J’aime voyager, cela me permet de rencontrer d’autres gens, goûter à leur cuisine, découvrir d’autres cultures. Des éléments récurrents dans ma pratique artistique.
Comment s'est faite votre rencontre avec la peinture?
Je me rappelle que j'esquissais tout ce que je trouvais et que j’avais un flaire pour le mélange des
couleurs. Très tôt au primaire, mon intérêt pour le dessin s'est développé et s’est transformé en passion.
En secondaires, j’ai continué cette pratique avec le Frère Jean-Paul qui organisait des expositions à l’occasion de la fête des mères. Entretemps, je participais à des concours de fanaux (organisés par le maire de la ville) et à d’autres activités artistiques qui me permettaient d’élargir mes champs de compétences et de connaissances. Réalisation de maquettes, d’enseignes, de banderoles pour les commerçants et hommes d’affaires de la ville, des impressions sur maillots et autres.
La peinture est-elle le seul art plastique que vous pratiquez?
Mis à part la peinture, je pratique aussi la sculpture et la photographie.
Vous êtes Haïtien et vous vivez au Canada depuis un certain temps. Votre pays de résidence et votre pays de naissance se mélangent-ils à travers votre art?
C’est l’essence même de mon travail. Comme je le dis souvent, j’explore l’hybridité culturelle, la mémoire, l’expérience de l’immigration, les patries imaginées et les rêves nomadiques de l’inattendu.
Considérez-vous que vous avez deux cultures?
Je suis fidèle à la culture haïtienne, que ce soit dans mes habitudes, mes manières (bonnes ou mauvaises, rires), ma façon de vivre, et surtout dans la cuisine. Cependant, la culture canadienne a une forte présence car elle m’accompagne dans mon quotidien depuis le jour où j’ai débarqué au Canada – je ne saurais l’ignorer.
Vous avez été sélectionné pour un concours. Pouvez-vous nous en parler? Comment a été le défi pour vous?
Tout artiste, à un certain moment de sa carrière, a besoin de visibilité. Et pour l’obtenir toute activité publique, que sur le plan national ou sur le plan international, est essentiel. C’est ma deuxième participation au concours de Arte Laguna. Plus de 60 pays y ont participé car le concours est à l’échelle internationale. Le défi est énorme car mis a part la participation, il faut aussi gérer le stress lié aux différentes étapes de sélection.
Je me suis concentré sur le sujet que je voulais développer, sur les diverses étapes de la création et sur la façon dont j’allais matérialiser mon expérience avec l’immigration. Je dois aussi noter l’importance du soutien de mon épouse qui pendant toute la durée du projet n’a cessé de m’encourager. Cela a triplé ma confiance jusqu’à l’obtention de cette qualification. Être finaliste parmi 60 pays, c’est une grande satisfaction et je suis certain que de bonnes choses sortiront de cette aventure.
Q6 : Qu’espérez-vous a l’issue de ce concours?
Premièrement je dirais la visibilité. L’équipe de Arte Laguna qui organise le concours est très expérimentée. C’est la 16e édition et la 17e est déjà lancée. Pendant toute la durée du concours et même après l’exposition, ils font la promotion des artistes finalistes, (cela inclut les galeries, les Musées, la présentation aux collectionneurs d’art, etc)… Donc, vous pouvez imaginer jusqu’où mon nom comme artiste ira résonner. Deuxièmement, cette activité me permettra de côtoyer d’autres gens du milieu artistique et d’apprendre de leur travail. De plus, il y a des prix d’Artistes en résidences qui permettent de passer 1 mois à l’étranger afin de travailler sur un projet ou décrocher une exposition solo dans une des galeries participantes. Je me considère déjà comme un gagnant car je suis parmi les finalistes, mon œuvre sera exposée à Venise du
11 Mars au 16 avril 2023 et j’aurai cette visibilité internationale.
Q7 : Si on vous dit Peinture Haïtienne, vous dites quoi.
Je dis Tiga (Jean Claude Garoute) qui fut d’ailleurs mon professeur à l’université Quisqueya, Jean-René Jérôme, Préfète Duffaut (la ville imaginaire), Bazile Castera, Valcin II, Bonhomme, Ismaël, Hector Hyppolite, Enel Désir. Je vois les scènes de danse Rara – de danse vaudou, de carnaval, des scènes de marché, des kombit, des jours de lessive au bord de la rivière, enfin tout ce qui nous rassemble. Les têtes-à-têtes improvisées, les scènes de tous les jours, très gaies et très colorées.
Quelles sont vos impressions des peintures Canadiennes (Anglo et Québécois)?
C’est riche et impressionnant. C’est une peinture qui met en valeur les différentes régions, provinces et territoires et expose la beauté des paysages canadiens pendant les quatre saisons, particulièrement l’hiver. On y retrouve également les artistes autochtones qui exposent leurs riches et vibrantes cultures, que cela soit par des toiles, des bijoux, des chants, des costumes. Il y a aussi un désir fort de se reconnecter avec la terre mère, d’où le travail du groupe des 7 (vers 1913) qui s’était donné pour mission de rejeter la culture européenne dans leurs œuvres
Normalement comment se passe le processus de création. De l’inspiration à la réalisation?
Cela commence par une idée qui peut venir d’une observation, d’une réflexion ou d’un fait vécu. Les premières esquisses sont élaborées dans mon cahier de dessin pour aller prendre forme sur un canevas. Il se peut aussi que je prenne un canevas et que je dessine tout simplement ce qui se passe dans ma tête. Ces peintures sont spontanées et fort souvent, elles impressionnent plus d’un.
Avez-vous un médium de prédilection?
Je dirais que c'est de la peinture à l’huile sur toile.
En Haïti, ce n’est pas facile pour un jeune de dire à ses parents qu’il sera artiste. Les parents voudront toujours l’orienter vers d’autres carrières. Que diriez-vous aux parents et aux jeunes à ce propos?
Les parents veulent toujours ce qui est bien pour leurs enfants; ils sont avertis et quand ils contestent le désir de leurs enfants, c’est souvent dans de bonnes intentions. D’un autre côté, quand on est né artiste, les parents sont souvent les premiers témoins du talent de leur enfant, et ils verront ce talent se développer au fil des ans. Le milieu artistique est féroce, atroce et exigeant. L’artiste doit tout faire et ne peut compter que sur lui-même. Rien n’est garanti - On peut être un bon artiste sans jamais jouir des privilèges de son art. Vincent Van Gogh par exemple, n’a vendu de toute son existence qu’une seule de ses œuvres; il est mort pauvre, seul et isolé. Aux futurs artistes, je dirais qu’il faut plus que du talent pour connaître le succès.
Il faut s’éduquer, côtoyer d’autres artistes, produire et partager ses œuvres sur les différentes plateformes qui peuvent leur donner de la visibilité. Il suffit d’être vu par la bonne personne. Elle peut venir de TikTok, Instagram, Twitter, Facebook et non pas d’une galerie d’Art de renom au prime abord On doit se présenter, se faire représenter et s'auto propulser.
Avez-vous toujours eu le soutien de vos parents dans votre carrière?
Je suis un artiste né. Ma carrière a toujours été tracée et a pris sa place naturellement. Je n’ai jamais fait face à un refus de m’exprimer.
Q13 : Un dernier mot pour nos lecteurs.
J’applaudis votre travail tout comme celui effectué par le magazine Xaragua et toute son équipe. Je vous remercie de m’avoir offert cette opportunité, et surtout de me dévoiler à un public qui ne me connaissait peut-être pas. Je considère cela comme un retour au bercail, ou je viens puiser dans la source. Mon travail reflètera toujours cette couleur locale, ce lien à ma terre natale et à ma culture, et se présentera comme une fenêtre à travers laquelle le monde pourra contempler sa beauté.
À travers ces lignes, il est possible d’apprécier une infime partie de l’univers artistique d' Herschel que nous espérons découvrir davantage . Souhaitons lui bonne chance!