Dans ma rubrique Parenthèse sportive de ce numéro de Xaragua, je vous invite à monter à vélo. On va faire un petit tour de la ville des Cayes. Comme jadis on faisait à mon époque.

Dans ma rubrique Parenthèse sportive de ce numéro de Xaragua, je vous invite à monter à vélo. On va faire un petit tour de la ville des Cayes. Comme jadis on faisait à mon époque. L'époque où la bicyclette était non seulement le principal moyen pour les habitants, jeunes et moins jeunes, de faire leurs courses, mais aussi et surtout le seul véhicule de promenade dont disposaient les adolescents.

Je vois déjà quelques visages sur lesquels se lit un NON catégorique. Pour certains, ils n'ont plus l'âge pour ça. Pour d'autres, la ville des Cayes qu'on a connue n'est plus la même. Les endroits à visiter se font rares, l'explosion démographique ne facilite pas une promenade à vélo dans la tranquillité, enfin, on se serait fait renverser par une moto une centaine de mètres après les premiers coups de pédales. Les Cayes, ce n'est plus une ville de vélo. Alors, mieux vaut annuler mon projet de faire un petit tour de la ville avec vous. Je vous aime trop pour vous exposer dans ce désordre. D’ailleurs, j’avoue que mon idée était un peu saugrenue.

Si je vous fais grâce de mon invitation, ce n'est pas une raison pour ne pas parler de ce que le vélo a représenté pour les Cayens à une certaine époque. Je ne peux pas vous dire quand cette histoire de bicyclette était devenue un phénomène dans la ville. Je laisse ce travail aux historiens. Cependant, la génération qui a commencé sa période de préadolescence vers la fin des années 70 jusqu'aux années 80 connait l'importance d'un vélo dans son fonctionnement. Le vélo, en effet, était tout un programme. Un mode de vie, diraient certains.

Une fois vendredi après-midi arrivé, le rendez-vous était pris entre camarades de même classe, voisins ou amis d'autres établissements scolaires, pour plusieurs raisons. À la fin des années 70 et au début des années 80, la destination la plus prisée dans les promenades fut Bergeau, banlieue cayenne, pour visiter les installations de la Compagnie Sangamo-Batter, la firme qui a construit la fameuse route du Sud. En groupe ou en compagnie de sa petite copine (pour ceux qui en avaient), on se défilait sur l'Avenue des quatre chemins, en passant par la Beurrerie du sud pour acheter un yaourt pour faire la route, jusqu'au site de compagnie.

Mise à part pour les visites à Bergeau, le vélo était utilisé pour d'autres promenades, parfois plus romantiques. Ainsi, visiter une amie ou une demoiselle à qui on faisait la cour, faire une balade dans la ville ou dans les régions avoisinantes, aller à l'école, ou même faire des compétitions de vélo entre copains, etc, rentraient dans la catégorie des activités qu'un jeune ou un moins jeune pouvait effectuer à partir de sa fameuse bicyclette.

Jusqu’à la fin des années 90, la pratique de la bicyclette avait encore son sens et sa raison d’être aux Cayes. Le tour de la ville en marchant uniquement sur les fameuses galeries était encore possible. Les commerces et marchés pouvaient se contenir encore dans l’espace du marché central. Aujourd’hui, les images d’étalages de marchandises à travers quasiment toutes les rues de la ville, et le débordement démographique avoisinant les 300000 habitants, pour une ville qui ne peut qu’en contenir à peine 30000, la rendent presque méconnaissable; privant ainsi les habitants qui y vivent encore, le charme qui caractérisait notre boulevard des Quatre chemins, ou encore la tranquillité qui régnait dans la zone des Frères du Sacré-Cœur, l’école qui m’a fait grandir, ou enfin l’aspect traditionnel de la fameuse première Grand-rue, etc. Mais, la plus grande privation dont est l’objet notre adorable ville, c’est justement cette qualification de ville à vélo; appellation dont nous étions si fiers. C’est d’ailleurs, cette réputation de ville sur deux-roues qui nous a donné des légendes du cyclisme haïtien que sont devenus les St-Vil Lisieux, Septimus Dorismond, Mario Médina, etc. Ce sera un autre sujet dans un prochain numéro.

 Ville à vélo d’autrefois, la ville des Cayes est devenue aujourd’hui une ville à moto, un marché à ciel ouvert. Dommage! Mais, gardons espoir que cette tradition de ville sur deux-roues, qui a fait la fierté de tous les Cayens et Cayennes, renaîtra de ses cendres un jour. 
 

 

 

 

 

Crédit Photo *Joantz Artiz

Surguy Rivière, plus connu sous le nom de Guyto Rivière, est un journaliste et analyste de football haïtiano-canadien vivant actuellement au Canada. 

Dès son enfance, le gamin que Guyto exposait sa passion pour la retransmission des matchs de …

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