Cela faisait bien huit jours qu’elle était revenue de l’enfer. Son secret n’était plus aussi lourd, mais ses cauchemars la nuit devenaient de plus en plus violents, elle avait des sueurs froides et poussait des hurlements. Ceci inquiétait tante Carmelle qui lui faisait des thés et des remèdes- feuilles de toutes sortes. Elle en fit part a Philomène. Tante Philo n’allait, elle, jamais par quatre chemins. Elle alla tout droit vers Reinette un matin qui attendait l’arrivée de sa bonne amie Fabienne.

Cela faisait bien huit jours qu’elle était revenue de l’enfer. Son secret n’était plus aussi lourd, mais ses  cauchemars la nuit devenaient de plus en plus violents, elle avait des sueurs froides et poussait des  hurlements. Ceci inquiétait tante Carmelle qui lui faisait des thés et des remèdes- feuilles de toutes  sortes. Elle en fit part à Philomène. Tante Philo n’allait, elle, jamais par quatre chemins. Elle alla tout  droit vers Reinette un matin qui attendait l’arrivée de sa bonne amie Fabienne. 

- Kamel dim ou gen poblem domi, mvinn konn sa kap peze w ? 
- Oh se pa anyen non tante Philomène se dwe vè mwen genyen , mpral fe tante Kamel fe yon lok  pou mwen… 
- Vè pa bay mon move rev, Reinette, ki poblem ou vre ? Depi w tounen mwè ou pa mem moun  nan anko, se komsi ti bonanj ou te sot sou ou ? Ou paka bay Tant Philo manti non tifi ! - Tante Philo mwen byen, mte fatigue lem tounen an . 
- Gade m nan je dim tout bagay byen… Ou paka bay Tant Philomène anyen kenbe, dit elle d’un  ton sombre. 
Les yeux de Reinette s’emplirent de larmes, elle éclata enfin en sanglots. Philomène la prit dans ses  bras. On dirait une tempête tant les larmes l’étouffaient.  
- Lem rive Potoprens, yo kidnapem yo bat mwen yo vyolem...Mpa anyen anko… mpa vle viv  ankò… 
- Kiles ki fe krim sa , pitit mwen ? 
- Yon mesye yo rele Geoff, se li met travay la… li te gen lot zanmi avel. Yo tout pase sou mwen…  Mwen pase 5 jou mare ate nan yon twalet, yap janmbe m pou yo pipi….yo bat mwen, yo  modem…yo boule m ak sigaret… Mpa kapab ankò… 
Elle releva son maillot et lui montra son dos. Philomene retint son souflle un instant. 
- Ou konn kote pou jwenn mesyea ? 
- Wi …men mpaka tounen Potoprens ankò… Elle se remit a pleurer 
- Lap peye, pitit mwen ! Yo tout ap peye ! Osnon mpa rele Philomène Janat ! 
Elle continuait de répandre son chagrin. Philomène la berça un long moment, Elle pleurait puis faisait  des silences méditatifs qui la faisaient tomber davantage dans le chagrin… elle lui caressait doucement  les cheveux et attendait qu’elle retrouve son calme.
Fabienne arriva et comprit tout de suite que quelque chose s’était passé. 
- Bonjour ma chérie dit-elle à Reinette.  
- Oh Fabienne ! Elle se remit à pleurer. Fabienne l’enlaça et la laissa pleurer sur son épaule.  Philomène, le dos vouté par ces nouvelles soudaines se dirigea vers la cuisine. 
- Elle va tout dire à Tante Carmelle, constata Reinette impuissante, comme si elle voulait la  retenir… 
- C’est mieux comme ça, Reinette, lui intima Fabienne 
Elle se tut comme si le moment de vérité était arrivé. Elle regardait loin devant elle, Fabienne lui  tenait la main.  
Ronald, sur ces entrefaites s’amena. Il venait en fait dire à Reinette qu’il avait décidé de ralentir leur  relation, vu que, depuis son retour elle paraissait absente, il n’arrivait plus à se connecter avec elle,  leur intimité avait disparu, elle ne se comportait plus en amoureuse. Et si tout cela, comme il le  soupçonnait, était dû au fait qu’elle avait rencontré quelqu’un d’autre à Port-au-Prince, il venait  l’informer de sa décision de s’effacer et de laisser la place. Il n’en pouvait plus de souffrir tout ça. Sa  patience était à bout et la jalousie le rongeait de nuit comme de jour. Il devait en avoir le cœur net. 
Un cri déchirant venant de la cuisine suivi d’un tintamarre de casseroles émana de la cuisine.  Ronald regardait Reinette dans les bras de Fabienne et ne comprenait plus rien. 
- Reinette, Reinette, Reinette, sa yo few ??? Tante Carmelle travras le salon les bras ouverts en  larmes enlaça Reinette et les deux se mirent à pleurer.  
Fabienne expliqua a Ronald, ahuri, ce qu’elle venait d’apprendre. Les mains de Ronald tremblaient.  Son pied tapotait nerveusement le sol. Il avait compris mais il n’en croyait pas ses oreilles. Il ne  savait comment réagir. Son avenir s’en allait en fumée, devant ses yeux impuissants. Et Reinette,  son amour, le centre de sa vie ! 
Ronald embrassa Tante Carmelle et Reinette. Ils se turent, n ‘ayant plus de mots. Fabienne alla vers  la cuisine pour demander a Maryse de préparer un the verveine pour tout le monde. Philomène,  silencieuse était sur le pas de la porte. Elle s’était ceint les reins. 
- Yap peye tout sa yo fe, Fabienne, nou paka kite l konsa ! 
- Wi matant ! 
- Lanmò pa sifi. 
- Non matant 
- Demen maten mpral Nan Gonmyen,mpral chache jisitis pou ou Reinette. Carmelle ap vinn  avem.  
- Ou kwe lap vle vini ? Te kwe l se pwotestant ? 
- OO se pou l mete pye l nan dlo, rete ! Nou angaje wi la ! 
- Si w vle map monte avek ou matant. 
- Ok pitit fi mwen. Byen bonè wi !
**** 
Ronald n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Revenu a sa chambre il avait pleuré comme un enfant. Resté sans souper, il ne faisait qu’imaginer mille fois dans sa tête le scenario. Il avait vu les morsures dans le  dos de Reinette, les traces de coups, les marques d’ongles qui l’avaient griffée. Il perdait la raison tant  ces images crues se choquaient dans son imagination. Reinette, sa Reinette, il aurait dû la retenir, ne  pas avoir hésité a la demander en mariage a sa tante, n’avoir pas tant attendu, maintenant c’était la  catastrophe ! L’aimait –il assez pour ne pas la lâcher comme on rejette une fleur fanée ? Passerait-il le  restant de ces jours à contempler les cicatrices de son martyre ? Reinette serait-elle une femme après tout cela ? Pourrait-elle oublier, fonder un foyer, avoir des enfants ? 
Tout cela remuait sans cesse dans ses pensées, tour à tour, mais quelque chose bouillonnait encore  davantage dans son ventre : Il devait la venger ! Il devait sauver son honneur et le sien terni par ce drame. Il n’aurait jamais dû accepter qu’elle aille faire ce boulot temporaire, ce theatre ! Il gagnait bien  sa vie et aurait bien pris soin d’elle. Mais il avait préféré respecter son indépendance… A quel prix ? 
Il se leva, alla au bas du placard et tira son pistolet. Oui il allait la venger. Ce Geoff allait payer sans plus.  Il se sentait tout a coup meurtrier,, sans réserve, il ferait ce qu’il y avait à faire. On avait détruit toute  réserve en lui… Mais que faire ? Comment trouver ce Geoff ? Allait-il y aller seul tandis qu’il savait que  ce Geoff ne marchait pas seul ? Déjà il fallait planifier tout ça... Au lever du jour, au lever du jour… 
*** 
Il était quatre heures du matin lorsque Philomène rejoignit Fabienne sur la place. Elle lui remit quatre  baleines noires, de l’huile de palma christi, un demi gallon de clairin. Fabienne mit tout dans son sac à  dos. Elles partirent silencieusement a pied, l’une derrière l’autre vers le littoral d’abord, puis vers la  montagne sans causer, sans bruit. Le soleil se leva a l’horizon sur leurs tètes couvertes de chapeaux de  paille , leurs pieds frôlant la rosée des grandes herbes du chemin escarpé qui menait à la Vengeance.