Vertières. Cap-Haïtien. Deuxième ville haïtienne. Haut du Cap. Cap-Français. Autrefois. 18 novembre 1803. Donatien-Marie-

 

    Vertières. Cap-Haïtien. Deuxième ville haïtienne. Haut du Cap. Cap-Français. Autrefois. 18 novembre 1803. Donatien-Marie-

Joseph de Vimeur, Vicomte de Rochambeau, envoyé par Napoléon Bonaparte, Premier Consul ; Versus Jean-Jacques Dessalines, esclave né, selon le Code Noir. Ce fut la dernière bataille, la dernière de l’expédition de Saint-Domingue. Défaite des Français, victoire des Aborigènes. Une victoire consolidée par deux faits importants : la résistance des troupes de Dessalines et la neuvième brigade dirigée par François Capois, plus tard, surnommé Capois-La-Mort. Au matin Dessalines avait ordonné la prise du fort de Vertières, situé sur une colline, repère des Français. La demi-brigade de Capois était déjà décimée par les boulets Français en provenance du fort. Le téméraire avait déjà lancé trois fois l’assaut. Trois échecs consécutifs. Pour une quatrième fois il lança l’attaque. Son bonnet et son chapeau furent emportés par deux boulets. La bataille s’arrêta. Un messager du vicomte arriva : « Le général Rochambeau envoie ses compliments au général qui vient de se couvrir de tant de gloire. » ; et la bataille reprit encore avec beaucoup d’intensité. Les deux tiers des Français étaient morts à la tombée de la nuit. Un officier Français vint à cheval vers les sentinelles de Capois au petit matin et transmit le message suivant : « Le capitaine-général Rochambeau offre ce cheval comme une marque d’admiration à  l’Achille Noir » pour remplacer celui que son armée française regrette d’avoir tué. » Un accord fut signé et Rochambeau obtint dix jours pour évacuer l’île...

    Jusqu’ici nous sommes bien d’accord avec tout ce qui s’est passé, ou plutôt que l’on nous a raconté. Nous avions battu les troupes du général Rochambeau. Ce qui nous conduit  alors à une victoire contre l’armée du lion Napoléon. Sur le champ de bataille, le vicomte n’avait pu nier ce qui, aux yeux de tout être s’était fait bien net. Et nous pouvons sans grand comble déceler la véracité de ce fait par ses nombreuses initiatives entreprises à l’égard de Capois. Mais aujourd’hui nous nous rendons bien compte de l’hypocrisie des Français. Lors de la Seconde Restauration (1815-1830) le Royaume de France ne reconnaît pas cette indépendance acquise contre la République française. Et en 1826, le roi Charles X réclama à Haïti l’indemnité dont nous connaissons tous le montant. Cette dette allégée de 40% en 1846 par Louis-Philippe fut intégralement versée à la France.

    L’expression de leur toupet à l’égard du monde entier ne s’était pas arrêtée là. « Vertières », symbole de la lutte des esclaves et de la libération des noirs, est occulté dans l’histoire. Cette défaite qu’a essuyée la grande armée militaire de Napoléon Bonaparte, soit la plus puissante de l’époque, n’est pas mentionnée dans l’historiographie française. Ainsi on aura beau parlé de Valmy, Austerlitz, de Waterloo… Mais « Vertières », frappé du sceau de l’oubli, n’est pas racontée dans les manuels d’histoire. « Ceux qui connaissent cette histoire sont peu nombreux, car la France vaincue s’est employée à effacer les traces de sa défaite dès la bataille terminée. Depuis 210 ans (et même plus), Vertières est tour à tour occultée, à peine mentionnée ou encore mal datée. Sans parler de l’argument encore prévalent selon lequel les soldats de l’armée indigène n’auraient pu triompher, n’eussent été la fatigue, le découragement des soldats français, la fièvre jaune qui les décimait et également l’aide militaire britannique allié à Jean-Dessalines ».

Quelles conséquences découlent de cette lutte ? Jean-Pierre le Glaunec, professeur d’histoire à l’Université de Sherbrooke (Québec) soutient qu’elles sont d’ordre mémoriel. « La conséquence principale, c’est qu’en France, la bataille de Vertières n’existe pas. 18 novembre n’existe pas dans le calendrier français. Le mot Vertières n’existe pas dans l’histoire et la mémoire de cette ancienne Métropole. » Selon Jean-Pierre le Glaunec – auteur de « l’Armée Indigène : la défaite de Napoléon en Haïti » - le mot ne figure dans aucun dictionnaire français des noms propres. Cette bataille était scandaleuse : l’armée indigène  défia la grande armée militaire de Napoléon. Celle-ci fut vaincue par une bande d’anciens esclaves qui n’avaient pas, aux yeux des généraux français, droit à la citoyenneté.

C’est Dany Laferrière, académicien et brillant écrivain occupant le fauteuil numéro 2 sous la coupole, qui chambardera cette injuste exclusion. Il en a fait l’annonce dans l’édition du 18 février 2019 de l’émission « De vives voix » animée par Pascal Paradou sur RFI. De plus, le romancier, lors d'un court entretien avec la rédaction de Loop Haiti à Port-au-Prince, nous a raconté comment il a pu obtenir l'introduction du nom de ce lieu historique et symbolique pour les Haïtiens, dans ce prestigieux dictionnaire français.  « J’ai fait entrer Vertières dans un dictionnaire français pour la première fois ». Vertières, explique-t-il au micro de Pascal Paradou sur Radio France Internationale (RFI) est ce « petit lieu qui a vu la seule et vraie révolution nègre » où l’esclave a réussi à chambarder toutes les valeurs du colonialisme établi, pour devenir citoyen.

Voilà donc toutes les péripéties rencontrées pour porter « Vertières » au grand jour, ce funeste lieu pour les Français ouù ils ont vu filer entre leurs doigts la plus juteuse colonie que la France n’ait jamais eue à cette période et que les autres puissances colonialistes reluquaient tant. Pour la simple reconnaissance d’une défaite, nous dûmes payer injustement au prix fort, pour un deuxième acte d’indépendance qui, apparemment, n’avait été nullement scellé. Jusqu’à date, nous ne possédons  aucun de ces deux actes. Et entretemps, nous devons bien nous demander jusques à quand ils se décideront « tous » à nous restituer tout ce qu’ils nous ont ôté et qu’ils nous devront tant qu’ils n’auront pas payé ! Peut-être, devrions-nous plutôt leur forcer un peu la main…
 

 

 

The Battle of Vertieres - painting by Ulrick Jean-Pierre