Ce samedi 14 août, c'était la veille de la Notre-Dame à Gelée. Ce n’est pas que j’avais le cœur en fête mais je me préparais à passer des moments sereins, entre la foire sur la place d’Armes des Cayes et le pèlerinage aux différents points de festivités offerts par la ville pour l’occasion. Au petit matin, je me réveillai avec ce refrain sur les lèvres : « Nòtredam Manman, banm yon ti chans poum bwè tafya m manman… ». Il y avait bien des groupes musicaux affichés pour ce jour-là et pour le lendemain, mais j’avais l’état d’esprit plus champêtre que d’ordinaire.

 

Ce samedi 14 août, c'était la veille de la Notre-Dame à Gelée. Ce n’est pas que j’avais le cœur en fête mais je me préparais à passer des moments sereins, entre la foire sur la place d’Armes des Cayes et le pèlerinage aux différents points de festivités offerts par la ville pour l’occasion. Au petit matin, je me réveillai avec ce refrain sur les lèvres : « Nòtredam Manman, banm yon ti chans poum bwè tafya m manman… ». Il y avait bien des groupes musicaux affichés pour ce jour-là et pour le lendemain, mais j’avais l’état d’esprit plus champêtre que d’ordinaire. 

A ma montre, il était environ 8 :25 du matin, et j’avais fini de me préparer pour aller faire mes courses du samedi. Avant de sortir, comme à mon habitude, je me rendis sur le balcon pour voir la route principale d’entrée de la ville, bien visible en contrebas. J’accomplissais ce rituel quand brusquement j’entendis un bruit infernal. Comme celui d’un camion à bascule en train de déverser son chargement de roches. Puis, vinrent s’ajouter des secousses qui semblaient vouloir broyer toute la maison. 

Je fus projetée à gauche par cette force d’une puissance inouïe. En perdant l’équilibre, je me retrouvai le corps allongé sur le sol. Avec peine, je me mis debout pour tenter d’aller chercher ma fille qui dormait encore dans sa chambre.  Je devais parcourir une distance équivalente à plus ou moins 10 pas. Mais, sitôt debout, je fus projetée vers la gauche. Je mesurai toute ma faiblesse face à ce phénomène terrifiant. De toute la force qui me restait en moi, j’appelai ma fille par son nom. Je criai très fort dans l’espoir que toute l’énergie de ma voix qui devenait une invocation pouvait amener ma fille à moi miraculeusement.

Après un temps interminable qui furent estimés plus tard en secondes par les sismologues, je pus enfin courir vers ma fille. Je la trouvai transie de peur, à la porte de sa chambre. Je la pris par la main et, ensemble, nous dévalâmes l’escalier aussi vite que nous le pouvions, pour franchir la porte d’entrée au rez-de-chaussée.

Une fois dehors, nous nous embrassâmes avec effusion avant de partager nos émotions avec les voisins, tous avec nous réunis dehors, le plus loin possible des maisons.

Plus tard, nous devions apprendre l’ampleur des dégâts, le nombre de victimes qui était d’heure en heure, revu à la hausse. Plus les informations venaient, plus nous même, survivants de cette catastrophe, nous prenions conscience de notre chance de pouvoir continuer à contempler le ciel sur nos têtes, de pouvoir rire ensemble, manger ensemble. Nous prenions beaucoup plus conscience de la valeur de la vie et de sa fragilité. Nous cherchions à générer autour de nous des sentiments et des valeurs qui s’érigeaient en vrai avenir de notre humanité : l’amour, l’amitié, la solidarité, la générosité…Le plus important, nous devrons trouver le moyen de garder les faits en mémoire pour nous et les générations futures, pour construire mieux, pour respecter plus la nature, pour protéger l’environnement, pour vivre comme des frères et des sœurs

 

A propos de

Fonie Pierre

Fonie Pierre est médecin avec une spécialisation en médecine communautaire, préventive et sociale.
Elle détient aussi un diplôme d’Etude avancée en Population et Développement/ Genre.

Elle est, par ailleurs, membre fondatrice de la Chambre de C…

Biographie