Pas de pays sans peuple. Pas de terre fertile et prospère sans âmes fortes qui l’habitent et la gèrent. Toutes les civilisations, qui ont dominé le monde, ont eu en commun des hommes ou des femmes forts (es) ayant insufflé leur génie, leur magie, leur fougue à leurs congénères et à leur postérité.
Pas de pays sans peuple. Pas de terre fertile et prospère sans âmes fortes qui l’habitent et la gèrent. Toutes les civilisations, qui ont dominé le monde, ont eu en commun des hommes ou des femmes forts (es) ayant insufflé leur génie, leur magie, leur fougue à leurs congénères et à leur postérité. Des individus qui ont, à différents moments de l’histoire de l’humanité, fait œuvre qui vaille en se mettant, même au péril de leur vie, au service d’une cause qu’ils croyaient juste et bénéfique pour le plus grand nombre.
De tout temps et de partout, l’homme a toujours été cet être apparemment faible et singulier sur qui reposent le monde, sa gestion juste, son développement et son équilibre. Façonné par les épreuves de la vie, pétri d’expériences bonnes ou mauvaises et doté plus tard du pouvoir de l’instruction, l’homme est devenu un dieu terrestre capable de prévenir et d’orienter à sa guise le cours de son destin, de se prémunir contre les avatars naturels ou surnaturels qui lui tombent dessus, de transformer son enfer imposé, en paradis de son choix. D’où les grands changements qui se sont produits au sein de nombreuses communautés humaines au cours des ans.
Par exemple, les États-Unis ne sont pas devenus première puissance mondiale du jour au lendemain. Cette domination que la République étoilée exerce sur le reste du monde n’est pas le fait du hasard. C’est plutôt l’accomplissement d’un peuple qui s’est fixé un objectif noble et s’est donné les moyens pour y parvenir. Il en est de même de la République populaire de Chine qui, jusque vers le mi-siècle dernier, était un pays tellement pauvre qu’on l’identifiait par sa pauvreté. Des chiffres avancés par Dr. Thomas Lalime, dans un article paru dans Le Nouvelliste, démontrent qu’en 1960, Haïti était cinq fois plus riche que la Chine. C’est cette même Chine qui, aujourd’hui, est en train de ravir aux Etats-Unis sa place de première puissance économique mondiale.
D’autres pays, comme le Rwanda et le Singapour, représentent aujourd’hui des références en matière de croissance et de développement durable. Or, en 1994, le Rwanda avait été ravagé par un génocide qui a largement sapé les bases de son économie. Le pays, sous la férule d’un homme fort, Paul Kagamé, a repris son destin en main. C’est ainsi qu’en 2015, il occupa la première place dans le classement des pays en matière de développement humain. En 2017, son PIB par habitant était de 2 100 dollars. De son côté, le Singapour était un pays pauvre au moment de son indépendance en 1965. Pourtant en 2017 déjà, son PIB par habitant était de 90 500 dollars américains, soit au même niveau que celui d’un pays comme la France.
Pourquoi avec des potentialités quasiment égales à celles d’Haïti, ces pays arrivent à faire tant de miracle en si peu de temps tandis qu’Haïti s’enlise encore dans les méandres de l’extrême pauvreté ? La question est d’autant plus troublante que, comme nous l’avons souligné tantôt, Haïti jouit des mêmes privilèges (et même plus encore) que ces pays en ce qui a trait aux richesses naturelles. Le seul désavantage de cette presqu'île des Caraïbes, c’est son positionnement géographique la rendant très soumise aux aléas des intempéries qui y causent souvent des dégâts dans l’agriculture et au niveau de ses infrastructures agro-industrielles. Si cette situation peut constituer un frein à la relance économique, elle est cependant loin d’être la cause de cet état de marasme permanent qui compromet le développement d’Haïti depuis si longtemps. Sinon, comment expliquer qu’un pays comme le Japon soit à un tel niveau de développement alors qu’il est construit sur un amas de failles sismiques l’exposant continuellement à des secousses de forte magnitude.
Les grands maux d’Haïti proviendraient de préférence de ce déficit abyssal de vision, de leadership, d’intelligence et de représentativité qui caractérise à la fois la société civile et l’administration publique haïtienne d’aujourd’hui. De quoi se demander ce qu’il est advenu de ces hommes qui se sont faits les précurseurs de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen en terrassant le régime colonial esclavagiste, en faisant mordre la poussière à l’armée napoléonienne pour créer la première république noire? Où sont passés ces bras qui ont fait Vertières? Comment, après avoir vaincu l’armée la plus puissante au monde, ne pas pouvoir, deux siècles plus tard, se retrousser les manches pour résorber la faim et le sous-développement ?
C’est impensable que les héros d’hier se confinent à être les horribles valets des temps modernes vivant d’expédients grappillés sous les bottes des colonisateurs d’hier. Combien de temps nous faudra-t-il encore pour retrouver notre identité dégradée et notre flamme ternie ? À ce sujet, l’historien, professeur et écrivain, Mme Bayynah Bello se demande « comment un peuple qui a eu tant de génie pour sortir de terre une merveille comme la Citadelle La Ferrière, peut se retrouver deux siècles plus tard dans l’obligation de solliciter la compétence étrangère pour la construction de deux ou trois kilomètres de route. C’est la preuve que nous sommes en train de perdre notre identité ».
Rien de plus vrai. Peut-être que dans l’exultation ininterrompue de l’indépendance acquise au prix de hautes luttes, nous avons un peu baissé la garde et négligé notre identité qui s’est étiolée avec le temps. Ce faisant, nous n’avons pas pris le temps nécessaire pour enseigner aux générations présentes les leçons du passé et les imprégner de l’esprit des Aïeux. Il en résulte que les guerriers et sentinelles d’hier se sont métamorphosés en de vraies girouettes, laissant béants les portails de la cité.
Cela explique peut-être, pourquoi Haïti est devenue une décharge à ciel ouvert où les ‘’pays amis’’ viennent déverser leur surplus de production alimentaire de bas de gamme et souvent flanqué de l’étiquette «Destiné uniquement à Haïti»; pourquoi le pays ne peut pas choisir lui-même ses voies et moyens de développement ; pourquoi tous les ports sont fermés dans un pays aussi ouvert à l’importation; pourquoi les ressortissants du Sud continuent de grossir les chiffres de la migration massive vers la capitale haïtienne; pourquoi le Sud, avec toutes ses ressources agricoles, garde encore fermées ses usines de transformation agro-industrielles; pourquoi de tous les bienfaits de la démocratie, seules les élections nous sont exigées; pourquoi il n’y a pas d’université dans les provinces; pourquoi le “blackout” fait rage ; pourquoi tant d’insécurité; pourquoi tout le monde veut partir; pourquoi le pays se vide de sa substance ; pourquoi Haïti se meurt.