Décembre allait lentement vers son milieu. Trop lentement à notre goût mes frères et moi. On avait beau nous répéter à la maison que Pâques était la plus grande fête, mais nous, nous adorions l’ambiance de Noël et spécialement le jour du 24 décembre.

Décembre allait lentement vers son milieu. Trop lentement à notre goût mes frères et moi. On avait beau nous répéter à la maison que Pâques était la plus grande fête, mais nous, nous adorions l’ambiance de Noël et spécialement le jour du 24 décembre. Il s’agissait pour nous du jour le plus beau de l’année. Nous avions ce jour-là le droit de jouer dans la cour des « Grands ». Nous participions aux audiences des adultes, on nous permettait de goûter aux liqueurs et « Crémasses », de rester éveillés tard dans la nuit, aussi tard que notre résistance au sommeil nous le permettait.

Puis, le jour tant attendu arrivait. Il y avait tant d’animation au dehors que l’émerveillement était dans tous les regards. Les oreilles aussi étaient dilatées pour intercepter toute cette explosion auditive. Les yeux n’avaient de cesse de contempler le ciel et ses myriades d’étoiles. Ils semblaient aussi moins inaccessibles. Comme s’il suffisait de longer la main pour en saisir une et aussi qu’elles avaient un message à nous communiquer.

Pour nous, les enfants, la féerie était multipliée par mille. Tous nos sens étaient éveillés. Chacun de nous, dans son petit groupe d'amis, visait un but ultime. Être spectateur ou spectatrice du maximum d’actes possible et le plus longtemps possible, de cette gigantesque scène qui se déroulait la veille de Noël. Nous imaginions toutes sortes d'activités d’éveil. Nous fuyions les bras de morphée. Il ne fallait surtout pas que nos paupières soient vaincues. Nous devions être de ceux qui avaient des choses à raconter au lendemain et non de ceux qui auraient à écouter sans pouvoir faire un commentaire savamment argumenté par des anecdotes croustillantes à souhait.

Nous avions des sous en poche, assez pour se sentir riche un jour ordinaire, mais, pour un 24 décembre, il fallait se montrer rationnel et prioriser. Car, tout invitait à dépenser. Les petits kiosques de fritures aux senteurs et allures appétissantes, l’ambiance de tonnerre créé par les tombolas de Noël, les crèmeries ambulantes, les étalages très achalandés, offrant toutes sortes de gadgets ludiques. Et par-dessus tout, toutes les chansons de Noel qui tournaient les têtes et créaient une magie incomparable. La vie réelle n’existait plus. Tout était beau, coloré, extatique. Tout nous portait vers l’autre, pour parler de sujets harmonieux et féériques, pour s’entendre dire que le monde a été créé par amour, pour être fier d’être une créature d’amour et un agent disséminateur de cet amour.   

Nous savions que les jouets viendraient à un certain moment pendant la nuit. Pendant notre sommeil ou alors que nous aurions baissé la garde. Ils seraient semblables à ceux des autres enfants. Quelquefois, avec un peu de différence. Nous allions être envieux l’un de l’autre, nous allions nous montrer jaloux de nos nouveaux joujoux. Mais, tout cela ne durerait que quelques heures. Les sentiments et émotions enfantins étaient si condescendants pendant la Noël… 
 

A propos de

Fonie Pierre

Fonie Pierre est médecin avec une spécialisation en médecine communautaire, préventive et sociale.
Elle détient aussi un diplôme d’Etude avancée en Population et Développement/ Genre.

Elle est, par ailleurs, membre fondatrice de la Chambre de C…

Biographie