On n’a pas vécu si à sa mort, on ne laisse pas une histoire. Voila donc un récit trop court pour trois histoires pour trois vies.

 

On n’a pas vécu si à sa mort, on ne laisse pas une histoire. Voila donc un récit trop court pour trois histoires pour trois vies. 

Jean B.
Militaire de carrière, Jean, à sa retraite, a mené une vie calme, l'opposé de tout ce qu'il avait vécu dans l'armée. À son second mariage, il avait déjà un fils, Joël. Ensemble, Joël, sa femme et lui ont suivi des classes de Bible avec Sr Micheline. Voila comment toute la famille de Jean devint adventiste du septième jour. Suite à ce second mariage, Jean eut trois enfants. Mais cette histoire ne les concerne pas. 

Jean avait constamment peur. Même de son ombre. Mais il avait surtout peur de mourir. Comment peut-on être en vie et craindre l'unique évidence qui frappe tout être vivant?

Pourtant, il n'arrivait pas à comprendre que son fils Joël soit autant poltron. Aie des couilles ! Le sermonnait-il. Tu as fait une brillante carrière en droit. Tu aurais pu être sénateur, député voire même président de la République! Et qui ne le sait pas? Il faut bien moins pour être président, ici. 

Joël 
Joël tenait de son père. Il  avait aussi constamment peur. Même de son ombre. Il craignait autant que lui la mort. Mais ce qu’il redoutait le plus, c'était de mourir sans avoir pleinement vécu. Quand le premier mai 2019, il perdit son père, il s'est promis d’affronter ses peurs, pour son père. Non, il ne comptait pas se lancer en politique, son courage avait des limites. Mais il se disait qu'il devrait reprendre sa vie en main. Il avait trop de rêves abandonnés dans le sous-sol de sa vie que les poussières du temps abimaient. 

Il avait lancé “droits humains, tout en un". Une rubrique pour partager tout ce qu'il avait appris durant sa carrière. Il comptait publier son premier recueil de poésie. Il avait des rêves, des plans. Il n'avait même pas remarqué que Sr Micheline n'était pas aux funérailles de son père. Pourtant elle était restée proche de la famille. Deux années après la mort de son père, Joël faisait de son mieux pour tenir sa promesse. Mais la mort eut raison de lui.

Sr Micheline
Elle avait le coeur sur la main. Et malgré le fait qu'à chaque fois qu'elle tendait la sienne pour aider son prochain, ce dernier ne faisait que lui arracher le coeur, elle restait la même. Cette femme calme et chaleureuse, compatissante et généreuse. Si elle n'était pas une fervente adventiste, elle aurait sans nul doute été nonne. Et on l'aurait sûrement comparé à Sr Thérésa. Sa vie était tellement dédiée aux autres qu'elle n’eut pas le temps d'avoir la sienne. Elle avait ses petits cousins lointains pour qui elle payait des études. Elle avait à sa charge ses grandes tantes qui n’avaient aucune famille sinon elle… Sr Micheline, elle, n'avait peur de rien. Même pas de la mort. Croyante, elle savait qu'une place lui était sûrement réservée au Paradis. Elle ne craignait rien. Sinon les funérailles. Elle avait la phobie des funérailles depuis qu'elle avait assisté aux obsèques de son frère. Et depuis, à chaque fois qu'elle perdait un proche, elle restait chez elle à pleurer. Et elle attendait quelques temps après pour aller voir la famille. Elle avait fait de même quand Jean perdit la vie. Et quand ce fut Joël, c'était encore plus dur. Jean mourut rassasié de la vie mais avec Joël, c'était comme si le destin lui volait sa vie. Joël ne mourut pas. Sa vie lui a tout simplement été brutalement arraché. Mais elle prit son courage à deux mains. Deux semaines plus tard, elle rendit visite à la famille. Ce dimanche après midi, fut calme et serein. Elle et l'épouse de Jean, belle- mère de Joël se remémoraient de bons vieux souvenirs d'antan. Et le mercredi qui suivit, Sr Micheline s'éteint dans un accident de de la route…

Jean Berteau, Joël et Sr Micheline sont sûrement quelque part à se dire que la vie est ironique.

“Quand on perd un être cher, on perd aussi une partie de sa propre vie" Youssoupha.
À papa, Jean Berteau, mon frère Joël, et à Sr Micheline, qui a toujours été là.