Le mois d’octobre est riche en journées internationales consacrées à des causes nobles. Il est même entièrement dédié aux cultures et langues créoles. Chez nous, il devrait revêtir une double importance non seulement comme gens créoles mais aussi et surtout qu’il porte une cicatrice éternellement douloureuse dans notre existence en tant que peuple.

Le mois d’octobre est riche en journées internationales consacrées à des causes nobles. Il est même entièrement dédié aux cultures et langues créoles. Chez nous, il devrait revêtir une  double importance non seulement comme gens créoles mais aussi et surtout qu’il porte une cicatrice éternellement douloureuse dans notre existence en tant que peuple. En effet, en 1806, il a été témoin d’une tragédie inoubliable qui a marqué à jamais la vie de la toute jeune république venant à peine de voir le jour. Le 17 octobre de cette année-là,  le Père Fondateur de la nation fût lâchement assassiné. Le corps mutilé de cet homme d’une extraordinaire bravoure qui nous a conduits sur les chemins de la liberté, brisant ainsi les chaînes de l’esclavage fut abandonné à la merci des chiens . Ses restes n’eurent de sépulture que grâce à l’attachement sans bornes, inconditionnel que lui vouait une femme qui dit-on n’avait pas toute sa tête. Cette créature surnommée « Défilé la folle», n’avait-elle pas fait montre de bien plus de  lucidité que ses congénères?
 

Malgré les turpitudes qui entachent notre vie de peuple, depuis le 1er Janvier 1804, date mémorable à laquelle Dessalines proclama l’indépendance de notre pays sur la Place d’armes des Gonaïves, le  rebaptisant de son nom « indien » Haïti, nous avons été, nous sommes  et resterons la Première République Noire indépendante du monde. N’en déplaise à certains ! Sous la houlette de ce héros,  nos valeureux ancêtres tombés sur les champs de bataille ont réalisé l'une des plus grandes épopées de tous les temps. Ils ont écrit la liberté en lettres d’or sur toutes les murailles du monde. Ils ont écrit à l'encre indélébile de leur sang les chapitres glorieux de notre histoire gravée dans la mémoire de nombreuses générations passées et qui  devrait l’être aussi à jamais dans celle des générations à venir. Une histoire universelle qui aura changé la face du monde car ouvrant la voie de cette même  liberté à de nombreux autres peuples. 

Malheureusement, depuis plusieurs décennies, nous, les descendants de ces vaillants  guerriers semblons tomber en chute libre dans un gouffre infini. Et remonter la pente paraît impossible. Cependant, nous répétons machinalement les solutions qui pourraient nous aider à nous en sortir. Souvent, nous chantons notre hymne national pour accompagner la montée de notre drapeau vers le ciel. Nous devrions porter plus d’attention à la valeur inestimable de ses mots tels : 

« Pour le Pays et pour nos Pères,
Formons des Fils, formons des Fils.
Libres, forts et prospères
Toujours nous serons frères.
Formons des Fils, formons des Fils
Pour le Pays et pour nos Pères
Formons, formons, formons des Fils
Pour le Pays et pour nos Pères. »

Quand en notre âme et conscience, pourrons-nous dire que nous formons des fils et des filles libres, forts et prospères ? De nos jours, la médiocrité règne en maître dans tous les domaines de la vie courante. Pire, on observe une baisse continue au niveau de l’éducation. Pourtant, ne dit-on pas : « Tant vaut l’école, tant vaut la nation » ? De surcroît, on enregistre un pourcentage assez considérable d’enfants non scolarisés. Comment peut-on former des fils, des filles, libres, forts et prospères sans les éduquer quand nous savons que « L’éducation élève l’homme à la dignité de son être. » ? Même du point de vue psychologique, certaines pratiques sont à bannir. Beaucoup d’enfants sont élevés en parfaits soumis, interdits d’émettre leurs opinions. Il n’est pas coutume chez nous de permettre aux enfants  de se défendre, voir revendiquer leurs droits, de porter un jugement personnel. On ne leur apprend pas à penser par eux-mêmes. Qu’on ne s’étonne pas qu’il en résulte des adultes «  zonbi » incapables de se révolter contre leur condition de misère inhumaine. Dans un pays qui s’est fait le symbole de la liberté, des enfants vivent des situations qui s’apparentent à l’esclavage. Aujourd’hui, le civisme résonne comme un vain mot. Son enseignement a été relégué à l’arrière-plan. On n’entend plus nos petits écoliers répéter à tue-tête « Haïti est mon pays, je dois l’aimer, la chérir, travailler à sa grandeur et à sa prospérité », laquelle prospérité est solidement liée à celle de ses citoyennes et citoyens. 
Par ailleurs, apprenons-nous vraiment à nos enfants à être frères et sœurs ? Quand nous regardons les multiples fossés qui nous séparent : moun anwo ak moun anba, moun andeyò ak moun lavil, Dessalines ak Pétion, et j'en passe, y a-t-il société plus divisée ? Comment pouvons-nous en espérer le moindre progrès ? On dirait qu’une main invisible et malfaisante a effacé cette belle phrase de notre drapeau : «L’union fait la force ». À présent, le mot d’ordre semble être devenu «Chak koukouy klere pou je w» en oubliant que «Men anpil chay pa lou».

Si nous voulons vraiment sortir ce pays qui nous est cher de ce bourbier où il est plongé depuis trop longtemps, si nous voulons éviter de répéter sans cesse les bévues de notre histoire ; c’est plus que le moment de rectifier le tir. 

Pour une Haïti nouvelle, joyau des Antilles, celle dont nous ses enfants authentiques rêvons, « Formons des filles et des fils, libres, forts et prospères » !