Après l’erreur sur la personne qui a fait passer en 1924 un signataire de l’Acte de l’Indépendance, l’officier Malet, pour un colon français de race blanche, voici que se produit une erreur du même genre au sujet de Catherine Flon. La lumière a été faite sur la véritable identité de Malet dans un article que l’historien et généalogiste Peter Frisch a publié en cette année 2022 dans la Revue de la société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie (pages 112 à 123 d’une livraison spéciale contenant les numéros 275 à 282).

Après l’erreur sur la personne qui a fait passer en 1924 un signataire de l’Acte de l’Indépendance, l’officier Malet, pour un colon français de race blanche, voici que se produit une erreur du même genre au sujet de Catherine Flon. La lumière a été faite sur la véritable identité de Malet dans un article que l’historien et généalogiste Peter Frisch a publié en cette année 2022 dans la Revue de la société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie (pages 112 à 123 d’une livraison spéciale contenant les numéros 275 à 282).

De mon côté, j’étais parvenu aux mêmes conclusions que Frisch dans mon plus récent livre Haïti : Extermination des Pères fondateurs et Pratiques d’exclusion, rédigé à peu près en même temps que l’article  en question. C’est finalement par la généalogie qu’on a pu corriger cette erreur sur la personne de Malet. Le vrai signataire de l’Acte n’était pas le colon français Nicolas Mallet, surnommé Malèt Bon Blan, mais l’officier de couleur Jean-Louis Malet.

Dans un souci sans doute louable de faire la lumière sur le cheminement de Catherine Flon, certains chercheurs, trop pressés à mon goût, ont rédigé ces derniers temps diverses notes dans lesquelles ils précisent les dates de naissance et de décès de cette obscure couturière de l’Arcahaïe. Jusqu’au début de l’actuelle décennie, personne ne s’était aventuré à se prononcer même timidement  sur ces deux points. L’hypothèse la plus plausible retenue par la tradition orale au sujet de son décès est qu’elle aurait péri en mer en retournant à Léogâne le soir du Congrès du 18  mai. Soudainement, deux dates sont apparues : le 2 décembre 1772 pour la naissance à Léogâne et le 27 août 1831 pour le décès. Et il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que cette information soit présentée pour vraie et diffusée officiellement.

 

En effet, le 15 octobre 2021, la délégation permanente d’Haïti  auprès de l’UNESCO à Paris diffusait ces informations dans un communiqué qui ne resta pas lettre morte. Forte de l’appui du Chili, de Cuba et de l’Uruguay, la mission proposait au Conseil exécutif de l’Organisation d’inscrire au calendrier de célébrations de l’année 2022-2023 une proposition relative au  250e  anniversaire de la naissance de l’héroïne. Celles-ci ont commencé le 18 mai en cours et devraient se poursuivre jusqu’en 2023. 

Il y a toutefois un problème. Dans la précipitation du moment, personne ne s’est pas donné la peine de considérer ces informations comme des hypothèses à valider et à confirmer et on est passé tout de suite à l’étape des célébrations. Ces deux dates étant contraires à tous les témoignages oraux et écrits que j’ai obtenus dans le cadre de mes récents travaux, j’ai demandé à mes collaborateurs de diverses disciplines s’il serait possible d’en vérifier l’authenticité. La réponse ne s’est pas fait attendre. Il y a eu, une fois de plus, erreur sur la personne.

En histoire, les noms et prénoms ne peuvent être qu’un point de départ et il faut toujours concilier les données recueillies avec tout ce que l’on sait d’autre au sujet d’un personnage donné : ses fréquentations, ses activités personnelles, sociales, professionnelles et politiques et, le cas échéant, les actes d’état civil qu’il a signés ou qui le concernent. Manifestement,  ces précautions n’ont été prises dans ce cas-ci. Les vérifications faites dans les dossiers et les registres d’état civil ont montré que les dates de naissance et de décès données pour Catherine Flon sont celles d’une toute autre personne : une Française du nom de Catherine Levrin, née et décédée dans la commune de Coutiches, dans le Nord Pas-de-Calais, cultivatrice, mariée le 25 octobre 1803 à André Joseph Flon, lui aussi un cultivateur. Ces données sont consignées dans leur acte de mariage qu’on peut  consulter en cliquant sur l’adresse :

https://archivesdepartementales.lenord.fr/ark:/33518/3n589lwrsfz1/fbe19f7e-3389-4289-a940-3a7afb31452b .

En outre, rien n’indique que la Catherine Flon de France ait jamais foulé le sol de Saint-Domingue. L’erreur en la personne est donc flagrante et elle mérite d’être signalée, puis rectifiée immédiatement. Sinon, elle bénéficiera sous peu d’une autorité comparable à celle de la chose jugée et elle deviendra une vérité historique.

 

Les divers visages attribués à André Rigaud

Dans le même ordre d’idées, il y a lieu de signaler une erreur très grave relative aux portraits trouvés pour ce général qui a chassé les Anglais du Sud de Saint-Domingue, perdu la Guerre du Sud contre Toussaint et tenté sans succès une scission du Sud pendant la présidence de son ami et allié Pétion. Une simple interrogation à partir de Google révèle l’existence des trois portraits ci-dessus du personnage : la première qui semble authentique, avec un nez assez court; une variante de cette photo dont le nez a visiblement été allongé, ce qui lui donne un air de Pinocchio; une troisième qui n’a aucune ressemblance avec les deux premières. En retraçant l’origine de la dernière photo avec la fonction Reverse Image Search (Recherche-image inversée) de Google, on arrive au général français  Jean-Charles Pichegru (1761-1804) qui n’a aucun lien avec André  Rigaud :

www.juramusees.fr/decouverte/jean-charles-pichegru/

Considéré comme un des généraux les plus populaires de la Révolution française,  Pichegru est mort en 1804 dans la Prison du Temple, à Paris,  où il était incarcéré sous l’accusation d’avoir comploté contre la France à l’époque où il était général en chef de l’Armée du Rhin. Il était accusé également d’avoir comploté avec les royalistes pour tuer Napoléon et ramener les Bourbons au pouvoir en 1803. La rumeur veut qu’il ait été assassiné sur ordre de Napoléon, mais, selon l’enquête officielle, il se serait plutôt suicidé pour éviter l’opprobre d’une exécution publique. Les recherches menées à l’aide de la fonction Reverse Image Search indiquent que la photo en question a été pour la première fois associée au nom d’André Rigaud dans le livre de Claude Ribbe intitulé Une autre histoire, paru en 2016. 

Quant à la photo correctement identifiée du général  Pichegru, elle figure au frontispice de la quatrième édition du dixième tome de l'Histoire de la Révolution Française publié en 1834 par Adolphe Thiers et accessible à l’adresse : 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1415594r/f37.item.r=Pichegru%20Thiers

Ces mises au point n’auraient pas été possibles sans la vigilance ni le concours initial du chercheur et généalogiste Jean-Édouard Stam, de Montréal. Elles ont pour but premier d’aider à découvrir d’importantes vérités historiques, tout en encourageant les auteurs et les chercheurs à utiliser avec circonspection les données non vérifiées qui leur parviennent trop souvent. Je souhaite sincèrement que nos démarches ne froissent la susceptibilité de personne et, surtout, qu’elles ne déclenchent aucune polémique inutile.

 

A propos de

Eddy Cavé

Eddy Cavé est un écrivain haïtiano-canadien qui s’est établi à Ottawa en 1971 après un début de carrière à la banque centrale d’Haïti et des études en droit, en banque, en affaires internationales et en statistiques économiques. Mettant à profit sa formation  multidiscip…

Biographie