Le carnaval de Jacmel, ancré dans de fortes traditions de la fête païenne avant le temps de l’Avent, a été cette année un casse-tête pour plus d’un, vu que la situation politique et sociale, minée par le chahut des millions de voix de la presse à laquelle les réseaux sociaux font écho, les unes plus agressives que les autres.
Le carnaval de Jacmel, ancré dans de fortes traditions de la fête païenne avant le temps de l’Avent, a été cette année un casse-tête pour plus d’un, vu que la situation politique et sociale, minée par le chahut des millions de voix de la presse à laquelle les réseaux sociaux font écho, les unes plus agressives que les autres. « Faut faire ou faut pas faire le carnaval de Jacmel ? » : telle fut la grande question que tout le monde se posait perplexe, avec l’espoir que la situation politique s’améliorerait. Après un incendie suspect contre le stand de Frantz Pierre-Louis, Secrétaire General de la Délégation du Sud-est, la ville était vraiment prostrée et consternée. Cependant, comme le phénix qui renait de ses cendres, en deux jours, ce stand était déjà entrain d’être reconstruit. La mairie, donna le ton en faisant une campagne corsée à la radio pour rassurer les carnavaliers avec son thème Carnaval Jacmel se patrimwan nou, pa kitel pèdi !
Pour reconnecter avec les grandes traditions annuelles du Cocktail poétique, il fut organisé à l’Hôtel Cap Lamandou, le samedi 6 février 2021, une fête du tonnerre sous le thème Le Juif-errant et son appartenance dans les traditions carnavalesques jacmeliennes Les organisateurs prirent donc le texte du Docteur ès-Lettres, Wilson Decembre, intitulé Le Juif errant : du mythe à la figure carnavalesque, comme récitative de la soirée. Avec le texte du Professeur Wilson Decembre, toute la contingence antisémitique du Juif-errant est exorcisée. Il est devenu cette figure mythique qui traverse le temps et l’espace, un homme-racine, un homme-tout-monde, dans le sens que lui aurait donné Edouard Glissant, évoluant au soleil tropical, pour devenir un des nôtres. Il est devenu comme nous les haïtiens : multiformes, multicomplexe, résilients et debout sous le poids de ses contingences humaines, morales, sociales, philosophiques avec ce poing levé vers le ciel pour lui dire : A nous deux !
Aussi, est-ce pourquoi la 15eme édition du cocktail poétique 2021, fut au goût du modernisme ancré dans la tradition. Un spectacle de qualité avec des groupes de jeunes, les uns plus talentueux que les autres : La troupe culturelle Explosion, Grand Soleil,
Stars Girls, Promo Stars, Stars du Jour, Crème, Fresh Style et, le clou de la soirée, le Juif-errant. Une quinzième édition pour le plaisir des yeux, hauts en couleur, sons et lumières, souvenirs, mémoire collective en éveil.
Les discours des personnalités qui se sont succédées sur le podium, au bord de la piscine de l’hôtel, voulaient tous que les jacmeliens puissent reconnecter avec les traditions carnavalesques, tout en se souvenant que le Covid-19 reste et demeure une réalité. Et, le lendemain matin, la ville s’est réveillée avec le bruit que le Président de la République, Jovenel Moise, était dans nos murs pour prendre son bain de foule à l’ouverture de ces évènements, le dimanche 7 février.
Le chatoiement des paillettes des habits aux milles couleurs, les sons des vaccines, des tambours, des grelots, des tambours, des cornettes ; des chapeaux de pailles et des masques de toutes formes, contours et provenances ; un défilé interminable de déguisements traditionnels suivi des nouvelles créations des artisans ; des va-et-vient incessants, des groupes qui se forment ici et là, rires aux éclats, étalage de beauté féminine et masculine, jeunesse a fleur de peau, gestes complices, grouillades endiablées, lascives presque jouissives ; bandes à pied aux fanatiques ruisselant sous leurs sueurs ; le soleil qui tape fort. Tout le monde est acteur. Tout le monde fait son petit commerce : pistaches, fresco, bières glacées, crème à la glace, sodas, sachets d’eau jonchant le sol après breuvage ; apothéose des décibels des DJ et meringues carnavalesques qui prennent les carnavaliers par les tripes et les font s’animer comme des automates ; feux d’artifices pour couronner le tout, quand la nuit commence à se faire épaisse. Un carnaval dont les gens avaient grande soif après le peyi lock, en plein COVID-19, pour exorciser leurs frustrations, leurs misères l’espace d’un cillement. Tout cela sous haute sécurité policière et une population qui surveille aussi, vu que sur les réseaux sociaux, beaucoup de jacmeliens appelaient au boycott du carnaval, en fonction de leurs opinions politiques. Cependant, les jacmeliens ne l’entendent pas de cette façon-ci car, pour eux, en tant que ville du carnaval, personne ne peut se permettre au défi de leur dire que faire en temps de carnaval.
Le carnaval national de Jacmel vient de fêter ses 29 ans d’existence et, les jacmeliens ont prouvé, une fois de plus que les traditions sont bien vivaces en matière de créativité artistique, imagination et organisation d’un carnaval qui a permis à certains de faire leur beurre dans la subvention de l’état accordée pour la circonstance et à d’autres d’oublier leurs misères quotidiennes, de jouir des jeux du sexe et de la séduction avec des conséquences graves qui ne se remarqueront que quelques 9 mois plus tard. Quoi qu’il en soit, le carnaval national de Jacmel reste un beau sujet de conversation, parfois de guerre mais , au bout du compte, il reste et demeure un moment agréable qui donne chaud au cœur, dans la vie des habitants de cette ville.
Credit Photos * Direction departementale de la Culture du Sud'Est