Pourquoi doter le Sud d'Haiti d'un Aéroport International ?

Une Organisation, une Vision, un Combat

Aujourd’hui, la Plateforme de la Société Civile Organisée du Sud  a pris l’engagement de faire la recherche des voies et moyens qui doivent permettre à chaque citoyen du Sud de s’approprier les enjeux   que met en relief le projet de construction d’un Aéroport International dans cette partie du pays. Le Sud-est, l’ouest, le Centre et le Nord disposent tous de points de contacts avec la République Dominicaine qui est une terre étrangère. La distance qui sépare l’Artibonite et le Nord-ouest  de ces points de passage par voie terrestre est insignifiante au regard du trajet à parcourir par un habitant de la presqu’ile du Sud pour atteindre le plus proche d’entre eux dans les mêmes conditions .A la lumière de ce constat nous pouvons dire que le Sud,  en dépit d’être une presqu’ile, donc ouvert sur la mer, est isolé du reste du monde. Or, il n’y a de développement     local  que  s’il  y  a  circulation  de  biens  et  de  personnes,  d’échanges économiques et culturels à une échelle plus grande. Pour placer le Sud sur cette voie, il lui faudra vaincre son isolement. Et notre région renferme les ressources naturelles et humaines susceptibles de la transformer en un pôle de développement crédible et viable. Cependant, elle souffre d’une absence de vision politique moderne et cohérente. Fini le temps des atermoiements, des hésitations morbides et de la procrastination. Le temps d’agir est venu. Car, nous devons vraiment laisser un monde meilleur à nos petits-enfants. Notre organisation se veut proactive autour de cette problématique .Et tant que les travaux de construction de cette infrastructure ne démarreront pas, elle fera, s’il le faut, le porte-à-porte pour convaincre jusqu’au dernier contribuable à réclamer des pouvoirs publics son édification. Pour nous donner les moyens de notre politique, nous avons élaboré ce document qui méthodiquement présente avec clarté les raisons  qui expliquent, d’une part,  l’absence d’infrastructure à haut potentiel économique dans la presqu’ile du Sud et, de l’autre part,  celles qui justifient  la création d’un aéroport international dans cette même région. Aussi imparfait qu’il puisse être, nous avons la conviction qu’il s’agit d’un outil capable de réveiller les consciences et de mettre ce rêve à notre portée. Les suggestions de ses lecteurs nous permettront assurément de mieux le calibrer, et c’est avec un esprit d’ouverture que nous vous le présentons.

OBJECTIFS PRINCIPAUX

Les principaux objectifs visés par la construction de l’Aéroport International  des Cayes se résument  à travers les sept points suivants et ils constituent en quelque sorte l’armature de ce document :

I. Faire accéder  la Péninsule du Sud à l’autonomie en matière de circulation de biens et de personnes à l’échelle internationale.

II.    Transformer  le Sud en un pôle de développement durable sur le plan national.

III.    Renforcer  la sécurité et la souveraineté nationale

IV.    Contribuer à la décentralisation d’Haïti en matière d’infrastructures de transport

V.    Contribuer au décongestionnement de Port-au-Prince

VI.    Aider Haïti à optimiser ses échanges économiques, politiques  et culturels au sain de la CARICOM.

VII.    Donner     une  impulsion  significative  au  lancement  de  l’industrie touristique nationale.

Les Cayes : Une Région, une Capitale

Localisée géographiquement à 194 kms au sud-ouest de Port-au-Prince, l’actuelle ville des Cayes fut édifiée durant la période coloniale vers 1720 entre les embouchures de la Ravine du Sud et de l’Islet. Il s’agit d’une agglomération côtière baignée par la mer des Antilles.

Les navigateurs espagnols, qui avaient contourné l’île d’Haïti durant l’expédition de reconnaissance totale de leur nouvelle possession entreprise par Nicolas Ovando dirigée par l’astronome Andres Morales[1], avaient repéré dans la baie de cette vaste plaine côtière, qui allait devenir le site de la nouvelle ville, une multitude de récifs coralliens.

Cette ville créée par les conquistadores en 1503 a porté le nom d’Antonina, selon les cartes auxquelles se réfère Georges Condé[2] (1996). Cependant, le bourg de Salvatierra de la Zavana, vraisemblablement construite plus à l’ouest d’Antonina selon les ordres du gouverneur Ovando vers la même époque et dont l’emplacement figure maladroitement dans la carte d’Anville (1731), a semé le doute entre les historiens pendant de nombreuses années. Une analyse minutieuse de la carte d’Andres Morales, reproduite par Bernado Vega, situe Zavana à mi-chemin des Cayes et de Torbeck. Les travaux des archéologues de la Smithsonian Institute qui ont mis à jour les vestiges de cette l’agglomération hispano-indienne de Salvatierra en 1935 semblent avoir résolu définitivement le malentendu. Mais les deux agglomérations furent abandonnées comme beaucoup d’autres dans toute Hispaniola selon une ordonnance royale vers le milieu du 16e siècle. C’est donc sur les ruines d’Antonina que furent aménagés les Cayes par l’administration coloniale française au début du 18e siècle .Mais avant l’abandon définitif d’Antonina, les espagnols la changèrent de nom. La profusion des affleurements de coraux observés dans sa baie lui avait valu le long patronyme de Los cayos del fundo de la isla-de-vacas. Affleurement de coraux se traduit par cayo  en espagnol.  La troisième carte d’Anville l’indique clairement sous ce nom selon Télémaque qui est cité par G. Condé. Par ailleurs, l’île d’en face portait longtemps avant l’arrivée des espagnols comme tous les endroits d’Haïti un nom arawak : Iabaque[3]. Les conquérants dans leur souci de s’approprier de manière intégrale l’île d’Haïti et sa culture, pour plus tard l’anéantir complètement,  avaient   fait   d’Iabaque :   Isla-de-vacas.   Pourtant,   certains voient dans cette métamorphose l’envie de sauvegarder même approximativement la consonance patronymique Macorix.

 

Plus tard, les successeurs des conquistadors, les français, à partir de la signature du traité de Ryswick en 1697, ont traduit dans leur propre langue les noms des lieux cédés par l’Espagne. D’où le nom officiel de cette ville : Les Cayes du fond de l’Ile-à-vaches.

Son tracé en échiquier, donc de lecture aisée, est l’œuvre de l’urbaniste français monsieur de la Lance. Son quartier le plus oriental, communément appelé la Savane à l’époque contemporaine, était connu des colons français sous l’appellation de Petite Guinée  et était réservé aux gens de couleur, c’est-à-dire aux affranchis noirs et mulâtres.

Le malentendu évoqué précédemment quant à l’ancien nom des Cayes semble avoir été le fait de ce rapprochement fortuit. Mais, la Savane n’a pas grand-chose à voir avec pas la Salvatierra de Zavana qui fut un comptoir où se négociaient les peaux du gros gibier chassé par les premiers boucaniers de l’île.

Dès sa création, et ce, progressivement par ailleurs, la ville des Cayes a supplanté celle de St Louis du Sud, créée elle-même en  1699, comme capitale régionale. Son rôle dans la lutte pour l’Indépendance nationale est loin d’être négligeable. Ce n’est que quand ses chefs, convaincus de la nécessité de fusionner les anciens et les nouveaux libres, se rallièrent, au Camp Gérard le 5 juillet 1803, à Dessalines que les conditions propices au déclanchement de la bataille décisive furent réunies. Vingt-neuf ans plus  tôt,  durant  la guerre  de  libération  des Etats-Unis d’Amérique , en  1776, de  nombreux affranchis  des  Cayes,  dont  André  Rigaud,  montèrent  à  bord  des  navires  du  marquis  de Lafayette et du général Lincoln pour aller combattre l’armée britannique. Plus tard, en 1816[4], la ville des Cayes fit un accueil enthousiaste à Simon Bolivar ,qui était venu querir l’aide du gouvernement d’Haïti pour libérer l’Amérique latine du joug colonial espagnol.

A l’échelle d’Haïti,   les Cayes sont une vaste plaine côtière arrosée par deux grands cours d’eau : la Ravine du Sud et l’Islet. L’aqueduc construit par l’ingénieur français Jean-Baptiste d’Avezac vers 1759 joue encore un rôle important dans l’agriculture de la zone.  De la période coloniale française jusque vers la fin du 20e siècle, cette ville a vécu principalement de la culture de la canne-à-sucre. Installée au milieu des années 50 dans le quartier de Simon, son usine sucrière a produit pour la consommation interne et externe des millions de tonnes de sucre brut. Et, plus accessoirement, en raison de la grande disponibilité du vesou, une certaine quantité d’alcool y était produite et en partie exportée à travers son port aujourd’hui fermé au commerce extérieur. Mais, ses usines de vétiver contribuent encore, dans une certaine proportion, au renforcement du PIB national. Selon la FAO, la plaine des Cayes produit actuellement près de 65% du maïs cultivé en Haïti. Des légumineuses et une importante quantité de riz sont récoltées durant toute l’année aux Cayes. Le plus important marché de bovidés de la République, qui compte 1 300 000 têtes, se tient une fois par semaine dans la localité de Ducis à moins de 10 kms de la ville. Avant sa disparition vers 1985, la Beurrerie du Sud, implantée à l’entrée de la ville à proximité de l’emblématique Croix des 4 Chemins, fabriquait pour le marché intérieur des produits laitiers de grande qualité.

La ville des Cayes est sensiblement à égale distance des deux autres chefs-lieux de département qui forment sa zone d’influence. Miragoâne se trouve à 100 kms au nord-est des Cayes et Jérémie à 99 kms dans son nord-ouest. Miragoâne est le chef-lieu des Nippes, département  récemment créé et en grande partie rural. Mais la route nationale No 2, asphaltée depuis la fin des années soixante-dix et régulièrement retouchée, passe par le Carrefour Desruisseau, porte d’entrée du port de Miragoâne. Tandis que la Nationale No 7, dont le terminus  ouest  est  Jérémie  ,  chef-lieu  de  la  Grande-  Anse, se  trouve  être  en  voie  de construction.

De façon directe, la ville des Cayes, chef-lieu du département du Sud, administre les 17 autres communes de sa juridiction. A l’exception de 4 d’entre elles qui ne sont pas côtières, les autres sont toutes baignées par la mer des Antilles. Seules les communes non côtières et les trois dernières agglomérations  de la côte Sud ne disposent pas de voies d’accès asphaltées pour les relier à la grande métropole méridionale. Au dernier recensement général qui remonte à 2003, la commune des Cayes accusait une population de 123 857 habitants.


[1] Vega Bernardo, « Les caciquats de l’île de Quisqueya », UNESCO, Paris,1997.

 

[2] Condé Georges, « La ville des Cayes », Port-au-Prince,1996.

 

[3] Carte de Corronelli (1696) citée par B. Vega. P.56.

[4] Hall ,Louis Alin (2014), «La péninsule républicaine »,col.Estafette, Port-au-Prince.

JUSTIFICATION DU PROJET

De  l’aéroport Antoine Simon à l’aéroport international des Cayes

Quand le samedi 7 mai 2005 le Premier ministre Gérard Latortue flanqué  de son ministre des TPTC ,Fritz Adrien, procéda en grandes pompes à l’inauguration de l’aéroport Antoine Simon des Cayes, nombreux furent ceux qui ont cru

que la décentralisation effective du pays allait devenir une réalité tangible et mesurable.

L’administration publique haïtienne avait acquis au fil des décennies la triste réputation d’être hyper centralisée, lente et inefficace. De surcroit, la capitale haïtienne était devenue à l’échelle caribéenne et longtemps avant le séisme du 12 janvier une mégapole tentaculaire, glauque, où le chaos règne sans partage. Mais en dépit de ses effluves malodorants, Port-au-Prince faisait rêver car, il symbolisait à la fois la puissance politique et la richesse matérielle.

Le Premier ministre de la période de transition avait fait du thème de la décentralisation de son administration le cheval de bataille de sa politique interne. Au départ d’Aristide le 29 février

2004 en pleine célébration du Bicentenaire de l’Indépendance nationale, le pays était économiquement ruiné et politiquement divisé. En automne 2002, le crash financier des coopératives dont le mode opératoire était la chaine de Ponzi avait entrainé la paupérisation quasi-irréversible d’une bonne frange de la classe moyenne urbaine. Dès son entrée en fonction au printemps 2004, le Premier ministre Gérard Latortue savait que la gouvernabilité du pays devrait passer d’abord par la restauration de son unité. La débâcle aristidienne lui avait sans nul doute suggéré que cette unité ne se fera pas autour d’un homme   providentiel mais autour d’une vision de la Res publica  pensée et articulée avec clarté et finesse. D’un autre côté, les citoyens des grandes villes de la province avaient finalement compris qu’il n’y avait rien de bon à attendre des politiciens de Port-au-Prince. Les différents événements qui se sont succédés, de 1986 à 2004, les ont convaincus qu’ils étaient de simples jouets manœuvrés à leur insu depuis la capitale. Alors, quand le Premier ministre Latortue annonça qu’il allait moderniser l’administration publique en la décentralisant, il n’y avait aucun doute que l’annonce de cette disposition fit un moment oublier les désaccords qui minent les relations existant entre les diverses fractions de la population. La décentralisation, tout compte fait, ne saurait avoir que des partisans. Un thème hautement fédérateur était trouvé. Il ne restait qu’à lui donner forme et visibilité. Décentraliser le pays, c’est le rendre plus grand avait tonné le chef du gouvernement dans les forums étatiques durant ses deux ans de service à la Primature. Pour atteindre cet objectif, le Premier Ministre avait esquissé un plan de redécoupage territorial articulé autour de quatre grands pôles de développement. En fait, cette disposition est contenue en substance dans le décret-loi du 18 septembre 1982 relatif à la nouvelle politique territoriale de la République. Ce décret prévoyait le regroupement autour d’un centre de décision autonome plusieurs départements géographiques. Ainsi, le Grand Nord, structuré dans l’orbite de la ville du Cap-Haitien, comprendrait les départements du Nord, du Nord-Ouest, et du Nord-Est. Les départements du Centre et de l’Artibonite graviteraient autour des Gonaïves. L’Ouest, le département de loin le plus peuplé d’Haïti, garderait sa configuration actuelle sous le leadership de la Capitale nationale : Port-au-Prince.

Le Grand Sud formé des départements du Sud, du Sud-Est, de la Grande Anse et des Nippes serait placé sous la tutelle des Cayes, qui sont par ailleurs, au regard de la qualité de la vie des citoyens qui y vivent, l’agglomération la plus urbaine de la sous-région. Aussi l’inauguration de l’aéroport Antoine Simon  en mai 2005 a été entreprise, vue des Cayes, comme l’acte fondateur de cette décentralisation.

La  construction  de  sa  structure  d’accueil avait démarré au début de l’an 2000 sous l’administration  de  René  Préval.  Tôt  en

2004, la Caribintair   y ouvrit un comptoir et ses premiers passagers dans le Sud montèrent à bord de ses avions pour Port-au-Prince. Plus d’un an plus tard, une autre compagnie nationale, la Tortug’air, créée à la faveur de la disparition de la Tropical Airways, y établit un second comptoir.

La plupart de ceux qui fréquentent cet aéroport sorti des cartons de la firme « Ingénieurs et architectes réunis » ont du mal à repérer sur ces  mêmes lieux les vestiges des infrastructures aéroportuaires militaires, plutôt sommaires, héritées de la période de l’occupation américaine (1915-1934) et qui ont été exploités plusieurs décennies durant par la force aérienne nationale. Il est loin le temps où les DC-3 de la COHATA, la Compagnie haïtienne de transport aérien gérée par l’aviation militaire nationale, planaient en vrombissant dans le ciel avant de se poser

en douceur sur la pelouse bien entretenue de cet aérodrome situé  à Laborde ,4e  section communale des Cayes.

Non loin de la nouvelle piste d’atterrissage goudronnée par les soins du consortium « Vorbe et fils »  Dessalines, l’artisan principal de la victoire louverturienne sur Rigaud, rencontra   le 5 juillet  1803  sur  les  terres  du  marquis  de

Laborde   au   Camp   Gérard   le   leader   des anciens libres dans le Sud : le général Nicolas Geffrard, pour sceller l’entente qui allait faire de lui le chef suprême de l’armée indigène révolutionnaire. Mais  le  jour  de  l’inauguration  de  l’aéroport interurbain  Antoine  Simon  des  Cayes,  une autre  histoire  a  commencé.  La  présence  de l’ambassadeur   de   Taiwan,   son   excellence Yang Cheng-Ta, n’était pas du tout anodine ce jour-là. La route poussiéreuse qui reliait cette infrastructure à la ville des Cayes était à peine carrossable. Les innombrables crevasses qui la jonchaient étaient une  preuve de trop de l’incohérence de l’action gouvernementale. Il fallait y remédier sans plus tarder car, les accès routiers constituent de fait un élément capital de la bonne articulation entre l’aéroport et la ville. Le chef de la Primature avait requis et obtenu une aide financière de Taiwan pour la réfection totale et en dur de cette voie d’accès. Aussi, quelques  minutes après la cérémonie d’inauguration du petit aéroport, le premier ministre de la République et l’ambassadeur taiwanais ont vite fait de procéder au lancement des travaux de construction de l’axe routier Laborde/Cayes confiés à la firme asiatique OECC dont le siège est à Taipeh. Mais au fil des ans les sudistes se rendirent compte que l’exploitation de cet aéroport n’a pas résolu le problème de la décentralisation. D’ailleurs, la liaison interurbaine Cayes/ Port- au-Prince et Port-au-Prince/ Cayes fut la seule qui exista jusqu’à la cessation des opérations de ces deux compagnies, successivement en 2008 et en 2011.

Pour se rendre en terre étrangère, il faut inévitablement passer par Port-au-Prince. Or, peu de gens comprennent qu’il soit impossible pour un petit aéroport interurbain d’assurer leur transport à destination d’un pays étranger. Pour ceux qui savent que les lignes commerciales internationales utilisent de gros avions pour transporter leurs passagers d’un point à un autre du globe,  il  leur  parait  seulement  nécessaire  d’allonger  la  piste d’atterrissage.  Comme  si l’élongation de la piste est une condition suffisante pour transformer ce minuscule aéroport interurbain en aéroport international. Mais, ce qui est certain, c’est que les sudistes en général, et les cayens en particulier, ont fait de la construction d’un aéroport international dans leur région l’emblème suprême de la décentralisation de l’administration et des infrastructures de leur pays.

« Le plus important en Histoire, ce ne sont pas les faits. Ce sont les relations qui les unissent, la loi qui les régit et la dialectique qui les suscite ». In Toussaint Louverture d’Aimé Césaire

I.     Liquider le clivage Nord/Sud, héritage de l’époque coloniale.

II.   Faire accéder la péninsule du sud à  l’autonomie en matière de circulation de biens et de personnes à l’échelle internationale.

Les intellectuels et les hommes politiques du Sud cultivent depuis plus de deux siècles l’impression que le Nord du pays impose sa loi au reste du pays. Cette perception est légitimée par le fait que l’initiative de l’insurrection générale des esclaves est partie du Nord, et que par la suite, la bataille  décisive qui a conduit à l’indépendance nationale se soit déroulée à Vertières non loin de la ville du Cap, ancienne capitale de la colonie de St Domingue. Les généraux qui l’ont gagnée sont tous principalement de cette région qui fut, par ailleurs, l’une des plus riches de l’empire colonial français du 18e  siècle. Dès lors, il parait évident aux yeux de nombreux sudistes, en raison de la tournure des faits d’armes ayant conduit à la libération du pays, que  le nord dicte sa loi à Haïti toute entière. Mais, quatre ans avant la proclamation de l’Indépendance haïtienne, une sanglante guerre a opposé deux des principaux personnages qui sont à l’origine du   clivage  Nord/Sud :   Toussaint   Louverture   et   André   Rigaud.   Attisée   par  la   France métropolitaine  pour  briser  l’élan  émancipateur  des  esclaves,  cette  longue  guerre  que  les écoliers étudient sous le nom de La Guerre du Sud   s’est terminée en 1801 à l’avantage du brillant stratège du Nord : le général T. Louverture, un noir d’ascendance royale africaine.

Quoique signataires à part entière de la déclaration d’Indépendance pour avoir conquis au profit de la révolution haïtienne des places fortes stratégiques occupées par l’armée expéditionnaire de Napoléon  Bonaparte , le rôle des officiers du Sud a toujours été tenu pour accessoire dans la longue et cruelle guerre de libération nationale. En conséquence, les rares grands projets de développement national, quand ils ne sont pas concentrés dans la capitale haïtienne, sont invariablement implantés dans le Nord. Ce lamentable constat semble nous autoriser à dire, à l’instar de Napoléon, que la connaissance de l’Histoire ne sert vraiment à rien. Car, il est évident que les autorités contemporaines semblent encore appliquer à la lettre des principes injustes hérités du 19e  siècle et qui ont engendré des frustrations morbides aux séquelles encore palpables. Le parc industriel de Caracol, l’Université du Roi Christophe et l’enclave touristique de Labadie font figure de témoignages éloquents de cette politique aux relents régionalistes.

Durant le dix-neuvième siècle, le Sud et le Nord se sont affrontés à plusieurs reprises pour la question de la suprématie. Mais le Sud a surtout joué la carte de la contestation. Les chefs d’Etat haïtiens sont majoritairement originaires du Nord. Rares sont les fois, comme en 1908, avec le général sudiste François Antoine Simon où le Sud a donné l’assaut au   siège du gouvernement et pris le pouvoir. La contre-attaque nordiste, en dépit de la mise en chantier rapide et efficace du pays, n’a attendu que quatre ans pour débouter du palais présidentiel le tombeur du président Nord Alexis.

Dans la conscience collective régionale, le pays est gouverné incessamment par une oligarchie constituée  par la bourgeoisie mulâtresse de Port-au-Prince et d’habiles manœuvriers du Nord. Tant que l’équilibre, en termes d’infrastructure, n’est pas construit entre le Nord et le Sud, on trouvera   toujours   une   raison   suffisante   pour   attiser   les   passions   et   rendre   le   pays ingouvernable.

Le lundi 22 octobre dernier, un Boeing en provenance des Etats-Unis d’Amérique avec à son bord deux illustres passagers, William Jefferson Clinton  et son épouse Hilary, a atterri sur la piste de l’aéroport international du Cap Haïtien. Le Président de la République et son Chef de gouvernement, présents également dans le Nord pour cette grande première, se sont relayés à tour de bras pour annoncer les différentes mesures administratives et financières qui vont être prises pour le développement de cet ambitieux projet. Celui-ci, comme tant d’autres dans le Nord, loin d’être perçu comme un éléphant blanc, projette l’image d’un pays aux déséquilibres monstrueux et injustes. La réalisation dans un futur proche du Port international de Fort Liberté ne fera que raviver des conflits de basse intensité qui opposent les deux régions. Aucun haïtien ne doit s’offusquer de voir se matérialiser des projets aux effets d’entrainement certain en termes d’investissements et de création d’emplois dans un lieu ou dans un autre du pays. En dépit de tout, Haïti n’est pas un pays multiethnique où chacun parle un dialecte différent de celui de son voisin ou de son collègue de bureau. Et, les haïtiens dans leur grande majorité veulent une distribution équitable des ressources nationales. Or, les infrastructures comme une autoroute, un port ou un aéroport par exemple génèrent des ressources, des emplois et  surtout confèrent  une  grande  autonomie  à  leur  lieu  d’implantation  en  matière  de  circulation  de personnes et de biens. L’autonomie est la clé indispensable au développement harmonieux et durable des ensembles régionaux.

III.    Renforcer la sécurité et la souveraineté nationale.

IV.     Contribuer à la décentralisation d’Haïti en matière d’infrastructures de transport.

V.     Contribuer au décongestionnement de Port-au-Prince

Le sismologue Eric Calais et l’ingénieur-géologue Claude Preptit sont formels : «  d’autres puissants séismes localisés  sur la faille Enriquillo peuvent encore frapper Haïti dans un avenir pas  trop  lointain ».  Personne  n’ose commenter  l’avis  des deux éminents  scientifiques  aux lendemains du séisme ravageur du 12 janvier 2010. Les indices qu’ils ont évoqués sont éloquents de vérité. Selon les Nations Unies, le puissant séisme du 12 janvier a causé près  de 250 000 morts. Ses mutilés sont innombrables, ses déplacés dépassent le million et les pertes matérielles qu’il a engendrées se chiffrent à plus de 8 milliards de dollars américains. Port-au- Prince est aujourd’hui dans un état de délabrement qui n’a aucun équivalent en Amérique.

Avant le séisme, Port-au-Prince c’était 1 million d’âmes dans une fourmilière qui grandissait à vue d’œil dans l’anarchie la plus crasse. Cette méga structure faussement urbaine croît le plus souvent au gré des élans d’un exode rural chronique entretenu par l’appauvrissement des terres agricoles, l’absence d’une politique d’aménagement du territoire et celle de la recapitalisation de la paysannerie. Mais, il n’y a pas que les déshérités de la campagne qui perçoivent la capitale haïtienne comme une sorte d’Eldorado. Les écoles et les universités les plus réputées du pays y sont implantées. Port-au-Prince, siège du gouvernement central, est  l’épine dorsale de l’administration publique haïtienne. Tout ce qui incarne un tant soit peu de modernité s’y développe. Institutions financières, concessions de technologies en tous genres… Aussi, comme le miel attire les mouches, Port-au-Prince attire tous ceux qui sont à la recherche de pouvoir, d’emplois rémunérateurs,  de  consommateurs  et  de  savoir.  Les  investisseurs  étrangers  qui  font  des affaires au pays le connaissent très bien, et y ont élu domicile. Les ambassades et consulats des puissances amies ont leurs quartiers dans son enceinte. Les multinationales et les chargés de mission de la coopération internationale y sont présents. La région métropolitaine de Port- au-Prince concentre dans ses tentacules les sièges sociaux de l’écrasante majorité des entreprises industrielles et commerciales d’envergure nationale qui fonctionnent en Haïti. La proximité   des services centraux gouvernementaux avec cette diversité d’acteurs politiques, culturels ou économiques n’explique pas de manière satisfaisante leur concentration dans un endroit à l’image si exécrable. Port-au-Prince dispose de deux atouts majeurs qui le rendent incontournable : son port et son aéroport international. Les voies de communication sont des infrastructures indispensables au développement des affaires, de la culture et des relations internationales.

Quel président de conseil de gestion aurait la singulière idée d’implanter le siège social de son entreprise dans un endroit dépourvu de port ou d’aéroport international ? Quel gouvernement serait assez fou d’ouvrir un consulat dans un pays insulaire loin des installations portuaires ou aéroportuaires ? En cas de coup dur, par quel moyen évacuer le personnel expatrié, le matériel sensible et les ressortissants ordinaires installés au pays d’accueil ?

La première réaction des puissances amies d’Haïti après la confirmation de l’avènement du séisme   du 12 janvier était d’évacuer leurs ressortissants. La seconde était de secourir les rescapés. La réalisation de ces deux objectifs dans un temps record s’est heurtée à un obstacle majeur : l’effondrement partiel de la tour de contrôle et de la piste d’atterrissage de l’unique aéroport international du pays. Pour remédier à la situation, les autorités fédérales de l’aviation civile américaine ont dépêché sur place un commando d’aiguilleurs du ciel muni de matériel adéquat. Désemparées par l’ampleur de la catastrophe et par la rapidité de la réponse, il est peu probable que les autorités haïtiennes aient été consulté, au regard du droit international régissant la matière, sur la légalité de cette décision. Sans aucun doute, le droit d’ingérence humanitaire eut été évoqué pour la légitimer. Or, il s’agit de manière péremptoire, au-delà de l’expression de la responsabilité d’une nation envers une autre que sous-tend l’acte en soi, d’une violation de la souveraineté nationale. Or justement, l’aéroport est un lieu politique et diplomatique. Comme le palais présidentiel, il est un symbole de la souveraineté d’un Etat. D’ailleurs, les journaux de l’époque avaient rapporté que les forces aériennes de certaines puissances  occidentales  se  sont  fait  la  concurrence  sur     la  piste  même  de  l’aéroport international Toussaint Louverture pour le contrôle de ce haut lieu de l’expression de la souveraineté nationale. Outre la US Air  Force, les russes et les français se sont rencontrés sur ce « front » dans les minutes qui ont suivi le séisme. Les stratèges militaires de l’époque contemporaine savent pertinemment que celui qui a le contrôle d’un aéroport dispose d’un atout considérable sur ses adversaires. Toutes les guerres modernes le confirment. Dans les années quatre-vingt à l’Ile de la Grenade, dans les Caraïbes, les américains se sont empressés de débarquer le Premier ministre Maurice Bishop quand ce dernier, de confession marxiste notamment, soutenu  financièrement par Cuba s’apprêtait à lancer la construction d’un aéroport international dans son pays et dont la piste d’atterrissage devrait faire 4000 mètres de long. Grosso modo un aéroport fait nécessairement partie du dispositif sécuritaire de la région où il est implanté.

Dans les heures qui ont suivi le séisme du 12 janvier, les organisations internationales impliquées dans l’acheminement des secours ont fait transiter leur personnel, la logistique, les médicaments et d’autres produits indispensables à la prise en charge des sinistrés par la République Dominicaine. Des dispositions particulières ont été prises dans les aéroports dominicains pour simplifier les procédures de dédouanement et réduire les délais d’attente. Cependant, il est peu probable que le dédouanement des milliers de tonnes d’aide multiforme à Haïti ait été fait sur la seule présentation de la carte de visite de missionnaires bienveillants et impatients de se retrouver de l’autre côté de la frontière. Entre temps, les amputés mourraient en grand nombre dans des hôpitaux surpeuplés et mal équipés de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Les autorités dominicaines ne pouvaient tout de même pas laisser le champ libre aux criminels de gabarit international qui auraient pu vouloir profiter de la situation en exploitant à leur avantage la baisse de vigilance des agents de sureté et des douaniers dominicains pour donner libre cours à toutes sortes de trafic.

Or, en matière de séisme, Haïti a encore un long chemin à parcourir. Port-au-Prince restera jusqu’à la fin des temps sujet aux aléas sismiques. Pourtant les prédictions qui ont été faites avant le 12 janvier avaient pour origines des modèles sismologiques relatifs à la faille Enriquillo qui traverse le Nord du pays. Cette faille avait provoqué en 1842 un séisme formidable et un tsunami qui avait englouti la moitié de la population de la ville du Cap.

C’est le caractère attractif de Port-au-Prince qui est responsable de sa surpopulation .La région métropolitaine de Port-au-Prince concentre à elle seule près du tiers de la population haïtienne. Son port et son aéroport international ont attiré de nombreux investisseurs tant nationaux qu’internationaux. Leurs activités ont généré des dizaines de milliers d’emplois, suscité des espoirs immenses et engendré de criantes inégalités. L’absence d’un Etat stratège à la tête du pays, dont les interventions en matière de justice sociale auraient pu réduire considérablement les frustrations de ces laissés-pour-compte, se trouve être à l’origine des accès de violence qui alimentent  l’insécurité  dans  une  mégapole    transformée  en  jungle  urbaine.  En  outre,  la criminalité ambiante provoque un exode accru de capitaux et de cerveaux. Mais, la migration interne vers Port-au-Prince, paradoxalement, se poursuit inexorablement. Pour le sauver, il faut le décongestionner. Le meilleur moyen d’y parvenir est de dupliquer dans d’autres endroits du pays, tout en les modernisant, les infrastructures qui l’ont rendu attractif par le passé.

Comme  nous  venons  de  le  démontrer,  la  construction  d’un  aéroport international  dans  le Sud est aussi une question de sécurité et de souveraineté nationales. Mais, son développement englobe une thématique plus vaste.

VI.    Aider Haïti à optimiser ses échanges économiques, politiques  et culturels au sein de la CARICOM.

VII.    Donner  une impulsion significative au lancement de l’industrie touristique nationale.

« Le rôle de l’aviation ne se limite pas à une simple fonction de transport. [..] C’est un moyen de communication entre les Etats. Son exploitation se ressent de cette double vocation commerciale et politique, aux aspects étroitement imbriqués ».

Jean Pierre Chardon

A l’échelle du bassin des Caraïbes, la CARICOM est une association régionale qui regroupe 16

Etats membres. Elle succède à l’association de libre-échange des Caraïbes (CARIFTA). Elle est issue du traité de Charaguamas qui est entré en vigueur le 1er aout 1973. Ce traité qui créait un marché et une économie uniques a été ratifié en 2005. Outre le commerce, il contient des dispositions prévoyant la mise en place d’une cour de justice des Caraïbes. Haïti a fait son adhésion à la CARICOM en 1997.

En devenant membre de la CARICOM, Haïti doit placer ses institutions et ses infrastructures au niveau des standards de cette organisation. La faiblesse de ses institutions et de ses infrastructures ne peut que la désavantager par rapport aux autres membres de l’organisation qui sont également ses concurrents. La création de marché, de monnaie et de document de voyage uniques au sein des Etats de la CARICOM entrainera dans un futur proche notre pays dans une lutte intra régionale pour laquelle rien n’indique qu’il soit déjà prêt. Par ailleurs, les sommets Cuba-CARICOM qui se succèdent depuis 2002 n’ont d’autre objectif que de rapprocher les deux entités. Ce qui laisse supposer que Cuba deviendra à terme membre à part entière de ladite structure. Le potentiel économique, la diversité et la qualité des infrastructures de l’ile ,aujourd’hui communiste , en feront un mastodonte au poids écrasant quand le moment sera venu pour lui d’intégrer l’organisation régionale. Donc, Haïti n’a d’autre choix que d’investir intelligemment   et   massivement   dans   la   création   d’infrastructures   de   transport.   Le développement des relations internationales à travers un marché commun exige une diversité de voies de communication de grande qualité et bien réparties sur un territoire donné. Comme cela se fait au sein de l’Union Européenne, chaque nouveau membre bénéficie d’un moratoire dont il en use pour l’ajustement de ses infrastructures et de ses lois aux normes en vigueur au sein  de  l’organisation.  Or,  il  ne  peut  pas  en  être  autrement  dans  la  CARICOM.  Les engagements internationaux sont contraignants et des mesures coercitives peuvent être adoptées par les autres pays signataires à l’encontre de l’entité qui refuse de se plier aux exigences des traités librement paraphés par ses représentants légitimes. Donc au regard des engagements pris par l’Etat haïtien dans la CARICOM, il lui est crucial de développer par anticipation ses ports et aéroports internationaux. Puisque les deux aéroports internationaux existants en Haïti s’avèrent aujourd’hui insuffisants, il convient au gouvernement de la République de doter le pays d’un troisième  aéroport international.

Selon une enquête réalisée en 2010 à l’échelle caribéenne, Haïti compte seulement 14 liaisons aériennes internationales directes au départ de Port-au-Prince et, à l’exception de la République Dominicaine qui compte pour deux d’entre elles, notre pays n’est relié au départ de l’aéroport T. Louverture à aucun autre membre de la CARICOM par des vols réguliers. A l’heure actuelle la République Dominicaine compte près d’une dizaine d’aéroports internationaux dont celui de Catey est construit spécifiquement pour recevoir les avions de type Air Bus dernière génération (sa piste d’atterrissage fait 4000 mètres). Ça fait au moins cinq fois   plus d’aérogares comparativement à Haïti et, en plus, pour une population comparable. Et la Jamaïque pour une superficie qui fait moins que la moitié d’Haïti compte au moins trois aéroports internationaux. Nombre de  pays  de la  CARICOM pourtant  de  très  loin  beaucoup  moins peuplés qu’Haïti disposent de plus d’un aéroport international. Et ces aéroports sont financièrement autonomes. Une fois mis en exploitation, ils génèrent les ressources financières indispensables à leur incessante modernisation. Cette situation contraste beaucoup   avec la précarité financière à laquelle nombre d’entre eux ont dû faire face durant les années quatre-vingt.

L’aéroport, attribut essentiel de la fonction urbaine, doit être au plus près de la capitale qu’il dessert. Et, un aéroport international est une infrastructure gourmande en termes d’espace. Il faut disposer de 100 hectares pour accueillir un million de passagers. A ce titre, les Cayes peuvent tabler sur un triple avantage : géographique, topographique et politique. Les Cayes sont l’une des plaines les plus vastes d’un pays dont le nom en Arawack signifie terre montagneuse. De plus, la construction d’un aéroport international aux Cayes ne serait pas foncièrement préjudiciable  à l’agriculture et aux écosystèmes de la région. La terre abonde et la faible dénivellation de son relief par rapport au niveau de la mer est de nature  à minimiser les couts des travaux d’exécution.

N’oublions pas que  la troisième  ville  du pays est la capitale  régionale du  Grand Sud  qui regroupe quatre départements géographiques. Si la proximité du Sud-Est avec Port-au-Prince le place naturellement dans son orbite, la Grande Anse et les Nippes peuvent difficilement échapper à l’emprise des Cayes. La zone d’influence de la capitale régionale du Grand Sud regroupe environ 1,276 296 habitants dans trois départements.  Presque tous les ministères et la plupart des services déconcentrés de l’Etat sont représentés dans cette ville. Toutes catégories confondues, il en existe 35 dont le bureau de l’immigration, la direction des impôts et les douanes. A l’exception notable de la Banque de la République d’Haïti et la Scotia Bank, tous les établissements financiers qui sont opérationnels à Port-au-Prince disposent de succursales aux  Cayes.  En  matière  d’enseignement  supérieur, l’Université  Publique,  l’Université  Notre Dame d’Haïti, l’Université Américaine de la Caraïbe, l’Ecole de Droit & des Sciences Economiques, la plus ancienne de toutes, dispensent aux jeunes de la région une formation universitaire de premier cycle. Cependant, d’autres facultés indépendantes et de nombreuses écoles professionnelles agrémentent l’offre de formation dans des domaines assez variés. Dans l’ensemble, leur rayonnement va au-delà du seul département du Sud. Et dans le registre culturel,  la  Métropole  méridionale  a  démontré  sans  ambages  sa  capacité  à  organiser  de manière professionnelle les deux plus grands événements festifs d’Haïti qui sont le Carnaval national et le festival de Gelée.

Les pays de la région ont depuis les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix développé leurs infrastructures aéroportuaires. Cependant, tous les territoires de la Caraïbe ne bénéficient pas des mêmes niveaux d’accessibilité aérienne. Haïti est jusqu’ici le seul membre de l’organisation régionale  dans sa composante insulaire dont l’évolution des infrastructures aéroportuaires ne coïncide pas nécessairement avec le développement  de l’industrie touristique. Pourtant, il fut le premier pays de l’espace caribéen à se positionner  en destination touristique après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, la plupart des pays caribéens ont une économie axée sur le tourisme. A titre indicatif les Bahamas reçoivent chaque année  la bagatelle de 4,6 millions de touristes en provenance des Etats-Unis d’Amérique. C’est la destination balnéaire préférée des américains. Cependant, depuis quelques années des études prospectives dont l’objet est le potentiel   touristique   de   la   côte   Sud   d’Haïti   sont   menées   tantôt   par   des   agences gouvernementales tantôt par le secteur privé des affaires et parfois par des organisations internationales.  Les  conclusions  de  ces  enquêtes  sont  unanimes  à  reconnaitre  que  les richesses naturelles de la région combinées à son patrimoine architecturale historique constituent des attractions capables de rivaliser avec les atouts des destinations touristiques caribéennes les plus prisées. Pour beaucoup de spécialistes, le Sud est un diamant à l’état pur. Plages au sable blond, mer turquoise, grottes, forêt de montagne, chutes d’eau, forteresses des périodes coloniale et postcoloniale foisonnent.

Le bureau départemental du tourisme a recensé en décembre 2011 près de quinze établissements  hôteliers  établis  sur  la  Côte  Sud.  Naturellement,  il  s’agit  d’investissements locaux réalisés en l’absence de tout plan d’aménagement du territoire. La plupart d’entre eux sont bien évidemment   concentrés à Port-Salut et accueillent pour l’instant des touristes nationaux. L’aménagement en 2010 de la plage de Pointe Sable à Port-Salut selon le schéma retenu par le Plan Directeur Tourisme révisé avait par ailleurs bénéficié d’un investissement de près de deux millions de dollars américains de l’administration du Président Préval. Ces fonds ont été mis à la disposition d’Haïti par Taiwan.   D’une manière plus globale, il existe pour le moment dans le Sud près de soixante hôtels de gamme incertaine dont la moitié dessert l’agglomération des Cayes.

Le Président Michel Joseph Martelly, dès son entrée en fonction le 14 mai 2011, a dit avec une conviction apparente dans son discours d’investiture, sur les ruines emblématiques du Palais national  : « Haiti  is  open  for  business  ».  Pourtant,  les  investissements  directs  étrangers auxquels il faisait allusion se sont dirigés là où les infrastructures de transport existent. En République Dominicaine par exemple. Le miracle haïtien demeure possible à condition que les pôles de développement, sous l’impulsion des investissements directs  étrangers, émergent dans les régions selon une vision cohérente et globale. La transformation de l’aéroport interurbain des Cayes en aéroport international contribuera inévitablement et durablement à la création d’un troisième pôle de développement en Haïti. Le gouvernement Haïtien, à travers ce projet, peut et doit faire la démonstration de sa capacité à orienter positivement et de manière responsable le développement du pays entier.

Analyse des impacts de la construction de l’aéroport international des Cayes

Puisque l’Aéroport International Toussaint Louverture se trouve être quasi exclusivement au service d’une diaspora et qu’Haïti doit reprendre sa place parmi les destinations touristiques phares de la Caraïbe, on peut facilement déduire qu’un aéroport international dans le Sud sera le fer de lance de l’industrie touristique du pays. Un aéroport construit sur un terrain de 100 hectares, c’est pour recevoir 1,000 000 de passagers l’an. Autrement dit des touristes.

La construction de cette infrastructure génèrera des revenus fiscaux pour l’Etat haïtien de l’ordre de 1 768 121 dollars U.S. Et plus de 24 millions de dollars seront directement injectés dans l’économie nationale et locale grâce aux travaux de construction. Mais les bénéfices sur le moyen et le long termes seront plusieurs dizaines de fois plus conséquents et transformeront la région des Cayes en un véritable pôle de développement capable donc de donner l’impulsion nécessaire au rayonnement économique de la péninsule du Sud. D’ailleurs, les mesures d’accompagnement tant du point de vue administratif qu’infrastructurel entraineront dans les trois départements concernés au premier chef par cet aéroport international plusieurs milliers d’emplois directs et indirects. Le réseau routier intérieur de la Grande Anse et celui des Nippes en particulier nécessiteront des investissements du trésor public. Et l’offre sanitaire devra également s’améliorer de manière très significative dans toute la région.

Comme le fait remarquer une étude très fine sur la problématique de cet aéroport, les biens et services  consommés  par  un  touriste  dans  un  pays  comme  Haïti  sont :  les  transports, l’hébergement, la restauration, les achats en produits de l’artisanat et les divertissements. A sa descente d’avion, le touriste  pour se rendre à son hôtel aura besoin d’un taxi ou d’une voiture de location. Dans le cas où l’année de la mise en  exploitation de cet aéroport on enregistre   un afflux de passagers qui correspond à environ 30 % de ses capacités annuelles d’accueil, et que la demande de voiture de location correspond à seulement 10%  des visiteurs débarqués en un mois, il faudra multiplier par 47 l’offre de référence disponible dans ce secteur. Dans le département du Sud, les entreprises de location de voitures réunies ne disposent pas d’un parc qui dépasse 70 véhicules. Le taxi auto n’existe pas dans la zone.

En matière d’hébergement, le département du Sud compte actuellement et vaguement un millier de chambres d’hôtel. Selon les variations du taux d’occupation suite à la mise en service de cet aéroport, il en faudrait 10 à 15 fois plus. Pour chaque dizaine de chambres d’hôtel qui entre en exploitation, un emploi de plus sera créé. Au niveau de la restauration, l’arrivée de cinquante nouveaux clients entrainera la création de près de deux nouveaux emplois.

En dépit de ses faiblesses, comme le souligne   le rapport final du Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP), l’agriculture demeure le secteur le plus sûr de l’économie haïtienne. Son apport en devises est de l’ordre de 125 millions de dollars. Ce qui correspond à 38% des entrées de devises du pays au titre d’exportation. Elle fournit 80% des emplois en milieu rural. Mais, pour nourrir 1 000 000 de bouches supplémentaires, les exploitants agricoles du pays entier devront fournir 10% de plus de ce qu’ils produisent régulièrement à l’industrie touristique nationale. Et pour faire face aux exigences de cette catégorie de clients, non seulement, il faudra augmenter la production à l’hectare  mais encore spécifier  l’offre et  améliorer  sa  qualité. Cette  perspective  ntrainera également l’adoption d’une politique foncière et agricole agressive et rationnelle. Mesure qui à son  tour  permettra  au  pays  d’atteindre  son autosuffisance  alimentaire  et  de  sécuriser  les emplois dans ce secteur. Puisque, les produits de cette agriculture seront transformés   sur place et consommés par une clientèle étrangère, leur utilisation apportera une valeur ajoutée conséquente  à leur prix de vente. Ce seront près de 50 millions de plus qui s’ajouteront par ce biais au PIB de la République. Les volaillers et les autres éleveurs seront recapitalisés et renforceront leur productivité. La filière pêche engrangera des bénéfices très substantielles, mais devra comme les autres secteurs se moderniser et se construire sur une base scientifique pour résister à la concurrence de l’offre caribéenne.

D’autres emplois dans la fonction publique, la communication et la formation   devront être créés. Déjà, la police nationale devra réviser ses effectifs à la hausse dans toute la région. Des branches spécialisées comme la police touristique et les renseignements seront créées ou rendues opérationnelles dans toute la zone. Des dizaines de nouvelles entreprises, qui aujourd’hui n’existent pas, devront être créées dans la péninsule pour accompagner le développement du tourisme. De celles spécialisées dans le fret aérien   aux entreprises de transformations de produits agricoles ou d’élevage ou encore de pêche, leurs activités, structurées par l’exploitation de l’aéroport international des Cayes, génèreront plusieurs milliers d’emplois. Super marchés, boutiques artisanales, night-clubs viendront renforcer la création d’emplois dans divers endroits de la péninsule. L’assiette fiscale de l’Etat en ressentira très sensiblement  les effets.

Conclusion

Il  n’y pas que la Société civile du Sud qui voit la nécessité de doter Haïti d’un troisième aéroport international. La Banque Mondiale reconnait, elle aussi, le potentiel de développement d’une infrastructure de cette sorte dans une région aussi   isolée du reste du monde que la partie méridionale d’Haïti. L’institution financière internationale a supporté l’étude de préfaisabilité de la transformation de l’aéroport Antoine Simon en aéroport international commanditée par l’Autorité Aéroportuaire Nationale [AAN] et exécutée par l’ancien ministre des Travaux Publics, l’ingénieur Frantz Verella.

Selon les conclusions du rapport Verella, la péninsule du Sud regorge d’attraits suffisamment intéressants  pour  attirer  une  clientèle  touristique  de  classe  internationale.  Et  la  plaine  de Laborde située à une élévation sécuritaire moyenne de 62 mètres par rapport au niveau de la mer convient parfaitement à l’implantation d’une infrastructure de ce type. Toutes les opérations nécessaires à la matérialisation du projet y sont abordées de façon très technique et très détaillée. De la rectification limitée des tracés de la RN7 et de la route de Maniche à l’édification des immeubles administratif et les lieux d’accueil des passager en passant par les   travaux d’agrandissement de la piste d’atterrissage ou l’expropriation des voisins limitrophes, tout a été passé à la loupe. Les menaces et dommages collatéraux comme le péril aviaire et la réduction des espaces agricoles dans la plaine n’ont pas échappé à cette analyse méticuleuse de l’impact du projet. Le devis estimatif des travaux nécessaires  à sa réalisation accuse un montant total sensiblement égal à 30 millions de dollars américains.

On ne peut développer l’industrie touristique nationale sans investir dans le renforcement des infrastructures aéroportuaires du pays. Les effets d’entrainement du tourisme sur l’économie haïtienne   seront manifestement visibles dans tous les secteurs de la   production nationale. L’agriculture, la pèche, l’élevage et l’artisanat sont en première ligne. L’offre tertiaire en profitera comme jamais auparavant. Pourtant, l’impact de l’aéroport, pris isolément de l’industrie touristique, est encore plus difficile à cerner. Jean Pierre Chardon, l’auteur de « L’avion dans les Antilles »,   a   écrit   que   la      présence   de   l’aéroport   est   si   imposante   qu’elle   modifie significativement le comportement des citoyens de la ville qu’il dessert. Par ailleurs, le rôle qu’il est appelé à jouer en matière de sécurité est de nature à améliorer grandement l’image d’Haïti auprès des investisseurs et de la communauté internationale dans ses composantes régionales et mondiales. En outre, par-delà les possibilités de développement de l’industrie touristique nationale induites par la perspective du nouvel aéroport international des Cayes, il appartient aux autorités de la République et aux hommes d’affaires haïtiens   d’opérer des visites de prospection dans les pays de l’Isthme ( Guatemala, Nicaragua, Belize, Honduras , Salvador etc.) dans le but de déterminer la nature des échanges qu’Haïti peut réaliser avec cette partie de l’Amérique.

Entre autres fonctions, selon la vision de l’AAN, l’aéroport international des Cayes  devrait pouvoir accueillir les services d’entretien d’aéronefs délocalisés de Port-au-Prince. Ainsi, voilà qu’est projetée la création d’un centre de formation de techniciens en aéronautique. L’idée n’est pas nouvelle car, en automne 2010 aux Cayes, un missionnaire étranger avait annoncé à  un panel d’hôteliers la création imminente d’un centre de formation de ce type précisément à l’aéroport A. Simon et qui serait gracieusement offert par des hommes d’affaires américains en hommage aux   premiers pilotes militaires noirs de Thuskeege  d’origines haïtiennes et qui avaient efficacement  contribué à anéantir la Luftwaffe du 3e Reich.

La gouvernabilité et la stabilité du pays sont tributaires des investissements tant publics que privés qui se réalisent dans l’économie réelle. La reconstruction de Port-au-Prince coutera près de 10 milliards de dollars. Alors qu’il faut investir 30 millions dans la création d’un pôle de développement dont la croissance aiderait à terme Port-au-Prince de se relever. Il est nettement plus facile pour l’Etat haïtien de déposer sur la table cette somme que d’obtenir des bailleurs internationaux les 10 milliards nécessaires à la reconstruction de la capitale. Il est certain que la contribution des citoyens du Sud dans le PIB national dépasse de loin la somme requise pour la construction de cet aéroport. De plus, l’apport pour l’exercice fiscal 2012/2013 des fonds du Petro caribe, estimés à 400 millions de dollars américains, est une contribution indirecte des Cayes au budget de la République. Rappelons pour mémoire  que nulle autre ville du pays n’a consenti les sacrifices faits par les citoyens des Cayes pour aider Simon Bolivar à chasser les armées espagnoles de l’Amérique ibérique. Soldats, armes, munitions, presse à imprimer, goélettes, vivres et argent   furent généreusement offerts au Libertador. Aujourd’hui, la société civile sudiste estime au regard de ces arguments qu’il est impossible pour le gouvernement de la République de ne pas offrir à la péninsule du Sud ce qui lui manque le plus : son Aéroport International.

Les 7 et 8 décembre derniers deux conférences inspirées par ce document ont été présentées, sous les auspices de la Plateforme de la Société Civile du Sud notamment, par son auteur l’anthropologue Frantz Alix Lubin aux citoyens des Cayes et à ceux de la côte Sud. La première conférence a lieu aux Cayes, au Nami international restaurant en présence du Délégué départemental du Sud et du Directeur de l’Aéroport Antoine Simon. Des leaders politiques et d’autres citoyens y avaient pris part. Très satisfait de la pertinence de l’énoncé du conférencier, le délégué départemental, monsieur Serge Chéry a annoncé à la clôture de la rencontre que les travaux de construction de cet aéroport débuteront en janvier 2013 à Laborde. La question de son lieu d’implantation ne fait plus l’objet d’un débat puisque c’est l’Aéroport interurbain Antoine Simon qui sera transformé en Aéroport International. Pour corroborer les dires du représentant du Chef de l’Etat, le Directeur de l’aéroport A. Simon a fait la même annonce tout en ajoutant certains détails techniques. Soulagée par la révélation de cette information, l’assistance s’est mise debout pour ovationner à tour de rôle les deux hauts fonctionnaires.

La seconde conférence qui a lieu le samedi 8 décembre à Port Salut a réuni des autorités municipales et divers autres personnalités des Coteaux et des communes avoisinantes. L’un des  maires  qui  a  payé  de  sa  présence  sa  participation  à  cette  causerie  a  suggéré  à  la Plateforme de recueillir la signature de tous les autres maires des dix-huit communes du département du Sud au bas d’une pétition relative à notre démarche. D’autres envisagent d’entreprendre de rallier très rapidement à cette noble cause les sénateurs et députés des trois départements concernés au premier chef par la construction de cet aéroport.

L’accueil fait à notre démarche tant par les autorités que par les citoyens ordinaires à la suite de cette série de conférences qui n’est pas prête de terminer nous donne aujourd’hui le pressentiment d’être sur la bonne voie. Les recommandations qui nous ont été faites sur la manière de fédérer autour de ce projet grandiose  toutes les forces vives de la péninsule du Sud vont être mises à contribution pour son aboutissement dans des délais raisonnables.

 

Crédits Photos : Frantz Alix Lubin/ Mai 2005

 

Frantz Alix Lubin a pris naissance  aux Cayes, grande Métropole de la péninsule méridionale d’Haïti. Ancien élève des Frères de l’Instruction Chrétienne (FIC) de sa ville natale,  Monsieur Lubin est titulaire d’une Double licence en Anthropologie/Sociologie et d’une…

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