J’en avais assez de rester là à fixer le plafond d’un blanc terne ou de tourner le regard vers ces quatre mûrs immobiles et sans attraits. Mes pensées s’enlisaient dans ce décor immuable. J’avais parcouru et reparcouru tant de fois ce petit univers.

J’en avais assez de rester là à fixer le plafond d’un blanc terne ou de tourner le regard vers ces quatre mûrs immobiles et sans attraits. Mes pensées s’enlisaient dans ce décor immuable. J’avais parcouru et reparcouru tant de fois ce petit univers. Il n’avait pas le temps de se regénérer et moi, avec mon esprit confiné, je finissais par trépigner de l’intérieur. Il fallait me changer les idées pour ne pas sombrer dans une humeur sinistre. C’est alors que je sautai sur une planche de salut à ma portée. Je décidai d’entreprendre un voyage imaginaire à travers les dédales de mes souvenirs.

Ma première escale m’emmena dans les hauteurs de Moron pour humer et délecter le fameux café de feu ma grand-mère. Un arôme incomparable. J’entendais souvent ce commentaire fuser ce à propos du café de Man-Jan-Na : « Kafe saa ka reveye mò ». En effet, la senteur et la saveur étaient corsées. C’était un café « tache tas ». Enfant, je n’avais pas le droit de boire ce café à sa concentration initiale. Il fallait qu’il subisse une dilution avec de l’eau chaude. Dans mon petit gobelet d’aluminium, on me servait de « l’eau de café ». Mais je ne m’en plaignais pas. J’étais satisfaite une fois que le liquide noir clair qu’on me servait était bien sucré et que j’avais ma « Kabiche» pour tremper dedans. 

Je fermai les yeux pour boire ma tasse de café et je fus transportée sur un terrain de football, en pleine partie d’un match de « championnat quartier ». Ce jour-là, les deux équipes en compétition se trouvaient être « Pa Kole » et « Zantray ». J’étais une des trois marraines de « Zantray ». Comme marraines les rôles étaient multiples : organisatrice de campagnes de levées de fonds pour couvrir les dépenses de l’équipe, thérapeute sportive, Pom-pom girls...Le match du jour avait beaucoup d’enjeu. Chacune des équipes avait pour capitaine un frère jumeau. Le public était toujours plus nombreux pour ce que l’on considérait comme un « Derby ». Les marchands de pistaches, de « fresco », de « piwouli », de « tito », de tablettes, de « pate kòde » affectionnaient particulièrement ces rencontres. Elles étaient lucratives. Les deux meneurs de jeu avaient aussi beaucoup de succès auprès des filles. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, étaient bien bâtis physiquement, avaient un visage attirant et ils parlaient le langage qui plait aux filles. Par un curieux « hasard », les rencontres entre « Pa Kole » et « Zantray » se terminaient toujours par un score nul. Pour cette fois, un départage net devait se produire. La compétition était au stade de quart de final. 

La première mi-temps s’acheva sur un score vierge : 0-0. A la sortie des vestiaires, pour lancer la deuxième mi-temps, la tension était palpable. Les visages des joueurs étaient crispés à l’extrême. La partie redémarra avec un jeu fermé des deux côtés. Il y eu de rares sorties offensives mais sans grande conviction. On s’approchait de la fin quand soudain, contre toute attente, sur un long dégagement de son gardien de but, le Jumeau-Capitaine de « Pa Kole », accéléra la balle au pied, se retrouva seul devant le but adverse, et, calmement fit glisser le ballon dans les filets. Il y eu des micro secondes de stupéfactions puis les cris de joie des supporters de « Pa Kole » fusèrent de toute part. Le temps règlementaire était révolu. On jouait les minutes additionnelles. La partie s’acheva 1-0. Les discussions d’après match entre les fanatiques étaient très animées. On parlait des changements qu’on aurait dû faire, des joueurs qui ne s’étaient pas reposés assez, du match à venir.

Pour moi, le plus intéressant dans tout ça, c’est qu’il allait y avoir une fête pour célébrer la victoire et à coup sûr, je serai parmi les invités. J’avais même déjà oublié la défaite de mon équipe. 

Pour mon envol suivant, mon atterrissage me déposa sur les lieux d’une cérémonie de clôture de jeu de correspondance. C’était un dimanche 5 :00pm, dans l’auditorium d’un collège. Une trentaine de jeunes filles et garçons avaient passé 6 semaines à s’écrire derrière une identité voilée par un pseudonyme poétique : « Fraiche aurore », « Cœur solitaire », « Sourire de soleil »…J’étais comme les autres très excitée comme participante. J’étais « Source inspirante » et mon partenaire « Aigle farouche ». Le programme du jour se divisait en trois étapes : l’introduction par les organisateurs, la partie culturelle avec des artistes invités, la rencontre des couples de correspondants court dialogue à micro ouvert et échange de cadeaux. Quand on appela « Source inspirante » et « Aigle farouche », mon cœur eu un battement un peu plus rapide. Je me levai et cherchai du regard quel garçon allait se diriger aussi vers l’estrade. Nos regards se croisèrent, je lui souris, il me sourit aussi. Il me tendit sa main et nous nous dirigeâmes ensemble vers l’estrade main dans la main. Une nouvelle amitié était née. Devant un parterre de témoins, nous venions de la sceller. 

J’étais au bout de ce voyage. J’y avais pris plaisir. Il y en aura d’autres. Plein d’autres….

 

A propos de

Fonie Pierre

Fonie Pierre est médecin avec une spécialisation en médecine communautaire, préventive et sociale.
Elle détient aussi un diplôme d’Etude avancée en Population et Développement/ Genre.

Elle est, par ailleurs, membre fondatrice de la Chambre de C…

Biographie