Octobre 1937. Sur la rive droite de la rivière du Massacre qui porte bien son nom, carnage épouvantable! Plus de trente mille Haïtiens assassinés par ordre du sanguinaire dictateur Trujillo! Les réactions du côté haïtien se révèlent insignifiantes. Une incursion au capitaine Chassagne à partir de Ouanaminthe en territoire dominicain où il aurait abattu quelques-uns des criminels. Un dévouement surhumain du docteur Monestime qui sauve les blessés en opérant avec des moyens de fortune, sans anesthésie, pour faire les amputations indispensables. Une conjuration avortée de quelques officiers de valeur en vue du renversement du président Vincent, coupable d'inaction, face à l'insulte ennemie n'aboutit qu'à l'exécution de l'un d'eux, le lieutenant Pérard.
Octobre 1937. Sur la rive droite de la rivière du Massacre qui porte bien son nom, carnage épouvantable! Plus de trente mille Haïtiens assassinés par ordre du sanguinaire dictateur Trujillo! Les réactions du côté haïtien se révèlent insignifiantes. Une incursion au capitaine Chassagne à partir de Ouanaminthe en territoire dominicain où il aurait abattu quelques-uns des criminels. Un dévouement surhumain du docteur Monestime qui sauve les blessés en opérant avec des moyens de fortune, sans anesthésie, pour faire les amputations indispensables. Une conjuration avortée de quelques officiers de valeur en vue du renversement du président Vincent, coupable d'inaction, face à l'insulte ennemie n'aboutit qu'à l'exécution de l'un d'eux, le lieutenant Pérard.
On parle de service militaire obligatoire. Chose irréalisable. Utopie. C'est alors qu'un ministre de l'éducation nationale envisage pour la jeunesse une éducation para militaire et civique. A cet effet, Dumarsais Estimé décrète l'organisation d'une parade annuelle, chaque 18 mai, suite à une formation physique à réaliser dans toutes les écoles. De plus, il organise un concours pour le choix d'un poème exaltant des vertus patriotiques et d'une musique pour permettre de le chanter au cours des manifestations de la jeunesse.
A cette époque là, j'étais un membre actif de la Jeunesse universitaire catholique où nous chantions des couplets comme:
"C'est nous qui sommes les étudiants
joyeux et purs, fiers, conquérants."
"oyez sans peur.... à vingt ans oui la Vie est belle".
J'eus alors l'idée de composer, sans prétention, un poème répondant aux objectifs du concours. Je l'avais fait, je pourrais dire, pour m'amuser sans idée de l'envoyer devant la commission de sélection.
Mais, un après midi, quelques membres de notre organisation de jeunes, après une réunion, s'étaient rendus avec moi au Ciné Variété actuellement Paramount. Nous étions
à peu près cinq: Jean M. Lescouflair, Félix Garescher, Roger Mortes, un autre et moi- même.
Avant la projection du film, Jean M. Lescouflair nous fit part de son intention d'aller au concours et nous lut son poème. Timidement, je dis alors: j'ai composé quelque chose aussi en voici la copie ".
Après l'avoir lue, mon ami Jean s'écria: "Edouard, il faut le présenter, tu vas être lauréat. Je déchire mon texte. Je ne veux plus l’envoyer. Face à mes protestations, il déclara: "je prends ton poème, je vais le faire taper par ma soeur Edèle, pour le présenter pour toi".
Quelle ne fut pas ma surprise de lire, quelques semaines après, dans le "Le Nouvelliste", que le lauréat pour le concours du chant sportif de la jeunesse était Pierre Jean Deutria, pseudonyme choisi par son auteur, Edouard. A. Tardieu, On demanda à l'auteur de passer à la Secrétairerie d'Etat de l’éducation Nationale pour récupérer son texte en vue de quelques corrections. Celles-ci étaient relatives à la césure qui devait être partout égale, exigeait le père Gorée, président du jury, lui-même poète et musicien, auteur des drames patriotiques. Christophe Colomb, Caonabo, Cacique Henri. Il avait raison, car l'on constate que pour la Dessalinienne, à cause de l'illégularité dans la césure au vers:
"Notre passé nous crie..."
la pose ne peut se faire avantageusement à la troisième syllabe comme:
"Dans nos rangs point de traitres, et les autres vers analogues. On s’arrête alors à « pas » (sé) ce qui coupe un mot inintelli-gemment ou on s'arrête à la quatrième syllabe le "sé" qui suit "pas" dans "passé". C'est cette fois un changement d'harmonie.
Aidé de mes amis Jean Lescouflair et Marcel Dauphin, je mis tout en ordre et retournai les paroles du chant au jury sous le pseudonyme Guy Gérard.
C'est sous cette signature que fut publié le poème. C’est pourquoi beaucoup de personnes, jusqu'à ce jour, ignore qui est l'auteur de FIERE HAITI.
Après la publication, le Chef de division du Département de l'Education Nationale, Thésan, me présenta au ministre Dumarsais Estimé qui me félicita en me révélant que je l'avais emporté sur de très grands poètes.
On m'offrit alors un chèque de VINGT CINQ dollars, montant prévu pour le lauréat du concours.
Mais on se rendit compte que c'était trop peu. Alors on offrit cinquante dollars à l'auteur de la musique, Desaix Baptiste de Jacmel. Moi je restais avec les vingt-cinq dollars.
Le 18 mai 1938, à Port-au-Prince, une fête patriotique impressionnante, devant les tribunes du Champs de Mars où défilèrent jeunes garçons st jeunes filles en excellente discipline, offrant des évolutions gymnastiques, en chantant fièrement:
"C'est nous, jeunesse étudiante, Demain. la gloire d'Haïti...."
"...A tous ceux-là qui veulent tendre A te salir on dira: NON".
"S'il nous faut; faire la guerre... Nous irons tous comme à Vertières Combattre pour la liberté".
On déplore la suppression de ces parades civiques ponctuées des vers patriotiques de "FIERE HAITI". Notre jeunesse aurait besoin de cela, pour se ressaisir, affirme-t-on de partout.
Le 18 mai 1938, j'assistais comme Monsieur tout le monde à l’évolution de la jeunesse qui chantait mes vers avec quel enthousiasme! Il n'y avait pas de la place pour moi sur les tribunes.
Par contre quels compliments élogieux d'hommes remarquables comme Antoine Bervin. Thomas Lechaud Beaucoup affirmaient même qu'il faudrait choisir "FIERE HAIT1" comme hymne national à la place de la Dessalinienne.
Dumarsais Estimé, devenu président de la République d'Haïti, m'avouait qu'il avait effectué sa campagne électorale au chant de "FIERE HAITI". C’est que c’est en
modulant les paroles de cet hymne que les jeunes de 1946 parcouraient les rues de Port- au-Prince lors de la révolution des cinq glorieuses.
C'est aussi avec les airs! de FIERE HAITI que pour la restauration du drapeau bleu et rouge notre glorieux bicolore fut à nouveau hissé sur tous les édifices publics.
Pour terminer, je donne- le dernier refrain ajouté par 1a suite à l'hymne de la jeunesse haïtienne :
"Nous sommes la race vaillante, Nous sommes les fils des titans. D’Haïti les fiers conquérants. Nourris de leur gloire éclatante, Toujours en avant nous irons,
La tête altière et hauts les fronts".
Et je renouvelle mes témoignages de reconnaissance à mon très cher ami. et camarade de combat, Jean M. Lescouflair, sans qui "FIERE; HAITI" n'aurait pas eu ce succès inespéré de la part de son auteur.
Ici rappelons-nous le vers de La Fontaine: "Qu'un ami véritable ost une douce chose!
Édouard A. Tardieu, octobre 1987