La distanciation sociale qui accompagne la lutte contre la Covid-19 met en exergue la formidable panoplie de technologies que la révolution numérique met à notre portée pour rester en contact avec ceux qui sont censés être nos proches.
La distanciation sociale qui accompagne la lutte contre la Covid-19 met en exergue la formidable panoplie de technologies que la révolution numérique met à notre portée pour rester en contact avec ceux qui sont censés être nos proches. La popularité des plateformes de téléconférence ou visioconférence explose avec le confinement. Zoom, Skipe, Messenger, Hangouts, Facetime, la profusion d’applications nous laisse dans l’embarras du choix. Si le courriel tend à se limiter au cercle professionnel, le bon vieux cellulaire a toujours la cote pour les échanges de textos, de photos, de voice notes, de blagues et les conversations, ces dernières étant, il faut le souligner, moins populaires chez les plus jeunes. Quant aux réseaux sociaux, ils offrent à toutes les générations le plaisir de poster les photos d’anniversaire, de graduation, de mariage et d’autres événements heureux...ou malheureux. Eh oui, il y a ceux qui n’hésitent pas à faire étalage d’images de cadavres dans des cercueils ou de malades sur des lits d’hôpitaux. Je ne suis pas convaincue de la pertinence d’une telle démarche. Il m’est aussi difficile de comprendre cette tendance à quémander des vœux d’anniversaire. Les auteurs des messages du genre « C’est ma fête, aujourd’hui ! Aidez-moi à fêter ! » ont-ils si peur d’être oubliés qu’ils ne réalisent pas que Facebook se charge de rappeler aux amis virtuels leur date d’anniversaire? Mais ce n’est pas là l’objet de mes lignes.
Rester en contact avec les autres est aujourd’hui chose facile grâce à la multiplication des moyens gratuits de communication. Et pourtant, il n’y a jamais eu autant de gens dans le monde à vivre isolés.
Dans le temps, les enfants marchaient en groupe pour aller à l’école et ils jouaient ensemble dans les cours quand ce n’était pas dans la rue, sous le regard protecteur des voisins. Les jeunes étudiaient dans leurs villes natales, se contentant des choix limités voire d’absence de choix de métiers. En ce temps-là, être femme au foyer n’était pas perçu comme un manque d’ambition. Pères et mères avaient le loisir de voir grandir leurs enfants. Les célibataires résidaient chez leurs parents. Les grands-parents devenus veufs étaient accueillis chez leurs enfants. Les familles déjeunaient, dînaient et soupaient ensemble. Elles regardaient les mêmes programmes à la télé.
La société était-elle exempte d’isolement ? Certainement pas. Mais ceux qui en souffraient étaient peu nombreux.
Et encore, ils pouvaient, le soir venu, s’installer sur leur perron ou balcon pour échanger avec les voisins jusqu’à ce que le sommeil les conduise au lit.
Aujourd’hui, avec ou sans distanciation sociale imposée, on vit isolé dans des villes pourtant surpeuplées. On ignore le nom du voisin d’à côté. On ne connait même pas le visage de celui d’en face. Les enfants ne savent jouer qu’avec leurs tablettes. Ils n’ont pas 18 ans, les jeunes, qu’ils partent déjà, pour leurs études, vers des destinations où ils n’ont aucune attache. Les frères et sœurs élisent domicile chacun sur un continent. Si d’aventure, ils se retrouvent dans le même pays, ils optent pour des provinces ou des états différents. Il suffirait parfois d’un petit détour pour permettre aux époux de sortir le matin et de rentrer le soir ensemble. Mais qui a le temps de faire un crochet ? Chacun sa voiture ! Les usagers des transports en commun préfèrent clavarder avec des copains à l’autre bout du monde ou produire une demande d’amitié virtuelle sur les réseaux sociaux, plutôt que d’engager la conversation, ne serait-ce que pour parler de la pluie et du beau temps, avec le potentiel ami, juste à côté. Au travail, un collègue ne va plus au bureau de l’autre pour discuter d’un dossier. Chacun son desktop et il y a le Drive pour travailler ensemble, à distance. La télé pourrait permettre à ceux qui vivent encore sous le même toit de passer des soirées ensemble. Mais il y a tellement de choix ! Pourquoi s’imposer une partie de foot avec l’autre alors qu’on peut voir sa série en rafale ? Chacun son téléviseur !
C’est vrai que la façon de vivre aujourd’hui nous inflige des horaires souvent inconciliables et c’est difficile de se retrouver à table. Mais les fins de semaine, on pourrait faire un effort. Non ! Pourquoi manger ce riz bourré de calories préparé par maman alors qu’on n’a qu’à passer sa petite soupe diététique au four à micro-ondes ?
La révolution numérique est formidable. Je suis la première à blâmer ceux qui ont des réticences à s’approprier les outils tellement efficaces qu’elle nous fournit. Mais elle ne devrait pas, selon mon très humble avis, nous déshumaniser. Remplir ses journées est le remède à l’oisiveté, mère de tous les vices, mais passer un instant avec la famille ou les amis est loin d’être une perte de temps.
Maintenant que la distanciation sociale est imposée, je souris quand j’entends les gens se plaindre de la difficulté à s’adapter. Il y a longtemps que notre société est en mode chacun chez soi. Vous vous sentez seul ? Vous l’étiez déjà avant et vous le serez encore après le confinement.