Dans l’histoire de la femme haïtienne, ce qui la rend attrayante, merveilleuse, solide et, -pour rejoindre le poète André Breton qui voulait, dans son admiration du deuxième sexe « qu’elle soit l’avenir de l’homme ! » - c’est sa résilience. Cette résilience qui la rend potomitan de notre économie et de la préparation des futures générations. 

Si nous prenons les femmes qui ont contribué comme fondatrices de cette nation et comme pionnières dans leurs métiers de femmes, de mères, d’égéries, d’intellectuelles, d’artistes, de commerçantes, d’épouses : Madame Jean-Jacques Dessalines, Sanite Belair, Grann Toya,  Défilée la Folle, Joute Lachennais, Cora Geffrard, Dr Suzanne Sylvain-Comhaire, Mona Guerin,  Edwige Danticat, Michele Pierre-Louis, Emmeline Michel, Daniel Saint-Lot, Ketly Mars,  ….,  la madan Sara et la lavandière inconnues : toutes, elles accomplissent leurs rôles dans nos communautés . Ces femmes, qu’elles fussent hétéros ou lesbiennes, elles ont eu leur lot de merde et la société ne leur a jamais fait de cadeau. Et, quand l’épidémie de sida est arrivée, notre société machiste accusait toujours la femme comme celle qui propageait la maladie, au même titre que les homosexuels, pour la simple et bonne raison que les hommes sont toujours absouts par leurs pairs de leurs fautes. Dans ce 21eme siècle où la femme haïtienne est mieux éduquée, plus sophistiquée avec beaucoup plus d’expériences et de voyages en République dominicaine, aux USA, au Canada, Europe, Brésil, Chili … à la recherche de la vie, ces femmes n’acceptent plus d’être victimisées et, n’acceptent pas les manières dont leurs mères et grand-mères furent traitées pour avaler des couleuvres de l’ordre social masculin, au nom des Droits de la Femme.  Les attitudes du féminisme tonitruant, flamboyant et libérateur fait partie de leur vocabulaire et, avec ledit mouvement, le militantisme intellectuel avec des figures de proue telles que : Magalie Marcelin, Myriam Merlet, Anne-Marie Coriolan, Marie-Laurence Jocelyn Lassègue, …. pour ne citer que celles-là qui se sont battues, car elles n’ont pas toujours été comprises, mêmes par celles qu’elles défendaient. Elles ont dû compter leurs bénédictions et accomplissements sous les coups-d ’Etat militaires des Généraux Raoul Cedras, Prosper Avril et Henry Namphy. Cette période fut tellement difficile pour les femmes battues, violées par les « zenglendo » mais, elles n’avaient pas peur de leurs agresseurs. Elles dénonçaient les exactions commises contre elles à l’organisation SOFA (Solidarity with Haitian Women), elles se sont battues avec une telle détermination et véhémence que le Parlement Haïtien, sous les instigations d’instances internationales concernées ont fini par rendre le viol punissable par la loi. Aristide créa le Ministère A la Condition Féminine pour affirmer une présence plus politique de leurs causes et, la première ministre de l’époque, Claudette Werleigh, aidait la cause féminine à maintenir son cap. Des journalistes-femmes puissantes, écrivaines et activistes ont mis le meilleur de leurs talents au service de la gent féminine, afin qu’Haïti puisse élever la femme, dans toute son intégralité, bourgeoise ou femme du peuple, au niveau humain et, par là casser le moule de sa domesticité comme esclave de l’homme haïtien. La femme haïtienne a généralement du caractère, et, seule sa force lui a permis de survivre à une société ingrate qui ne la mérite pas quelquefois. C’est ce que Myriam Merlet, dans le livre d’Essais intitulé « Walking on Fire: Haitian Women's Stories of Survival and Resistance," publié en 2001 par Beverly BELL quand elle dit : 
« We're a country in which three-fourths of the people can't read and don't eat properly. I'm an integral part of the situation. I am not in Canada in a black ghetto, or an extraterrestrial from outer space. I am a Haitian woman. I don't mean to say that I am responsible for the problems. But still, as a Haitian woman, I must make an effort so that all together we can extricate ourselves from them. While I was abroad, I felt the need to find out who I was and where my soul was. I chose to be a Haitian woman   …."  
 Traduction : (Nous vivons dans un pays où ¾ de la population ne peut manger a sa faim. Je fais partie intégrale de cette situation. Je ne suis pas au Canada dans un ghetto pour negres ou dans un espace extraterrestre. Je suis une femme haïtienne, je dois faire un effort pour que nous puissions toutes, femmes, nous extirper de cette situation…. Quand je vivais en terre étrangère, je me questionnais sur mon identité profonde et, de toute mon âme, j’ai choisi d’être une femme Haïtienne…). 

La situation de Myriam Merlet resume toute la situation des femmes haitiennes qui choisissent de se battre meme dans les situations les plus dangereuses et , elles sont souvent celles que l’on appelle a la rescousse quand la famille ou la societe ont perdu tout espoir. L’exemple le plus interessant arriva en 1990 quand le general Prosper Avril fut detronee par le General Herard Abraham dans un coup d’etat, ce fut Madame Ertha Pascal-Trouillot, Juge a la Cour de Cassation, qui devint, de Mars 1990 jusqu’au 7 fevrier 1991 , la premiere femme presidente de la Republique d’Haiti et, elle organisa les elections qui ont permis au pretre Salesien, Jean-Bertrand Aristide, de devenir president. Madame Trouillot permit a tous, admirateurs et detracteurs de la femme, de comprendre que « lorsque les femmes sont en charge, les changements prennent place ! ». 

Les femmes d’Haïti aujourd’hui ont besoin de repères car, lorsque Michaëlle Jean est devenue gouverneure générale du Canada, toutes les jeunes filles se referaient à elle comme un modèle d’accomplissements alors qu’elles ont des milliers de femmes ici même, leurs mères, les madan-Sara et autres femmes de combat comme modèles de résilience. A Jacmel, nous avons une plethora de cas de femmes qui sont des héroïnes du quotidien : mères monoparentales qui élèvent leurs enfants « sans papas », les lavandières, les mendiantes, les cuisinières, … mais aussi des cas très inspirants qui peuvent donner un ferment définitif dans la formation des caractères de nos filles. Prenons le cas de la fameuse Dr. Adèle Oriol, tante du célèbre écrivain Jacmélien, Rene Depestre, une graduée de la Faculté de Médecine de Paris-Sorbonne stigmatisée et mise à l’index par sa propre famille, parce qu’elle était lesbienne. On ne la laissait pas pratiquer son métier et elle fut exilée dans un coin des Orangers, dans la maison de campagne de la famille et lorsqu’elle vous recevait, les servantes vous chuchotaient toujours : « Attention, elle est folle ! Elle aime les femmes ! C’est une lesbienne ! », et sa conversation fabuleuse qu’elles ne pouvaient comprendre était ramenée au néant de leur niveau zéro. Pourtant, nous avions eu des présidents de la république homosexuels. Personne n’a jamais pensé à les isoler comme des malades.  On ne peut parler de la vie sociale haïtienne en mettant de côté les grands hommes et grandes dames qui furent homosexuels (lles). Cette obsession avec la sexualité des gens nous a fait passer auprès de gens formidables, que nous avons ignorés, à cause de jugements venant de personnes fort minables. Il y a aussi le cas de femmes telles que Mademoiselle Marie-Josèphe Célie Lamour, pianiste et éducatrice, qui a ouvert la première école laïque pour les filles de la bourgeoisie, en revenant de ses études brillantes du Conservatoire de Paris ; Madame Exina Gilles, une boulangère, qui sauva la ville de Jacmel sous le gouvernement du Président de la République, Lysius Salomon, ennemi acharné de la bourgeoisie jacmelienne, et qui fit assiéger la ville par son General, Saint-Surin Manigat.  Madame Exina utilisa la farine pour la fabrication des pains de sa boulangerie pour nourrir les soldats de la garnison qui résistèrent pendant un mois au siège de 1987-1988. Dénoncée par des délateurs lorsque la ville capitula, le General Manigat, lui pardonna son acte à cause de sa générosité et son engagement guerrier. Elle devint plus tard, la co-fondatrice de l’hôpital Saint Michel de Jacmel avec les Docteurs Nerva Gousse et Rodolphe Charmant. Mademoiselle Jeanne Lemaire de Jacmel, qui sera connue plus tard sous le nom de Jeanne Duval, est la seule muse femme qui a su inspirer les talents du poète homosexuel français, Charles Baudelaire. Madame Emmeline Carries-Lemaire, donna aux femmes de Jacmel leurs voix dans la Ligue Féminine d’Action Sociale. Madame Madeleine Perez, dite Madame Sterne Bauduy est la première politicienne de Jacmel qui fut députée-maire de Belle-Anse (Saltrou). Et, bien avant qu’il y ait un bureau de FEMME DECIDEE, il y avait a Jacmel, une dénommée Madame WILLIAMS, une femme de petite taille qui arrivait chez les parents des jeunes hommes qui enceintaient les jeunes filles et les faisaient arrêter par la police, s’ils ne voulaient pas prendre leurs responsabilités. Et, s’il fallait énumérer toute la kyrielle de femmes fabuleuses potomitan qui ne connaissent ni le jour ni la nuit, les veilles et les chemins tortueux sous la pluie nous n’en finirons jamais. Qu’elles soient catholiques, protestantes ou vodouisantes les pères haïtiens continuent de dire à leurs enfants quand ils ne peuvent pas résoudre un problème : « va voir ta mère ! » comme pour certifier que la femme haïtienne reste et demeure la vie et la réconciliation de tout ce qui fait entorse au bon fonctionnement de la société haïtienne. 


Occasion 8 Mars 2021, Journée Mondiale de la Femme. 

 

 

Crédit Photo: Planet Haiti

A propos de

Jean-Elie Gilles

Né à Jacmel, dans le  Sud-est d’Haïti, Jean-Elie Gilles vit aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années. Il détient un doctorat en littérature francophone de l’Université de Washington en 2002.  Sa thèse de Dissertation était Patriotisme, Humanisme, Modernité: Trois …

Biographie