2019 s’en est allé, 2020 est déjà sur sa lancée. En dépit des souhaits du nouvel an, la couleur du temps n’a pas changé chez nous. Au contraire, la peur s’intensifie partout dans le pays au rythme de nos égarements. À la vitesse où nous allons, 2020 risque d’être l’année la plus sanglante et la plus désastreuse que nous n’ayons jamais connue.

2019 s’en est allé, 2020 est déjà sur sa lancée. En dépit des souhaits du nouvel an, la couleur du temps n’a pas changé chez nous. Au contraire, la peur s’intensifie partout dans le pays au rythme de nos égarements. À la vitesse où nous allons, 2020 risque d’être l’année la plus sanglante et la plus désastreuse que nous n’ayons jamais connue.  Une telle hypothèse ne tient pas d’une simple envie de proférer des imprécations à l’endroit de mon pays, elle est plutôt inspirée par cette tendance très haïtienne de ne tirer aucune leçon des malheurs et d’être toujours enclin à commettre les mêmes erreurs.  

Oyez plutôt ! Plusieurs dizaines de morts violentes sont déjà enregistrées pour le mois de janvier. Rien qu’au cours de la semaine du 20 au 25 janvier, pas moins de 6 écoliers ont perdu la vie de façon violente soit dans des accidents de la circulation (Lascahobas et Pétion-Ville), soit par balles (Croix-des-Bouquets). 

Plusieurs blessés graves ont été aussi enregistrés parmi lesquels, à la rue Romulus (Martissant), une gamine de 5 ans qui revenait du Jardin d’enfants, accompagnée par un de ses deux parents. Touchée à la tête et au poignet, elle est entre la vie et la mort dans un des centres hospitaliers de la capitale haïtienne. Les gangs armés sèment la terreur, défient l’État et acculent les forces de l’ordre à l’inaction. Fous de panique face à la toute-puissance des bandits, la majorité des Haïtiens, comme jamais auparavant, n’ont d’yeux que pour l’exil.

Ceux qui croyaient qu’après l’opération “Pays lòk”, le pays allait connaître une ère de pacification et de stabilité, ne sont pas au bout de leurs surprises. En effet, au menu très varié de l’instabilité, des braquages, des assassinats, des incendies, des casses, des vols de véhicules et de détournements de camions de marchandises, s’ajoute encore le kidnapping qui fait un retour en force. Dans son dernier point de presse, la Police nationale a fait état de 15 cas de kidnapping enregistrés. À cela, il convient d’ajouter les nombreux autres cas que les parents des victimes n’osent pas ébruiter de peur de mettre leur vie en danger. 

Qui aurait cru que l’année de la décennie du séisme du 12 janvier aurait surpris Haïti dans une conjoncture aussi mortifère où des Haïtiens de même condition sociale, de même couleur, parlant la même langue, s’amusent à se crêper inlassablement le chignon ? 

Quand un peuple fait davantage la promotion de la division que celle de la mise en commun, quand l’honneur et le patriotisme deviennent des mots vains pour plus d’un, quand l’école n’est plus une priorité et que la connaissance devient une tare, quand l’argent et la réussite facile priment sur le travail et la conscience, quand ceux qui arrivent au pouvoir n’en connaissent que la jouissance sans se préoccuper de leur devoir, quand la jeunesse n’a comme modèles que les nouveaux riches, les corrompus et les dépravés, il faut craindre le pire pour l’ex Perle des Antilles qui, désormais, est plutôt perçue comme une menace par ses voisins. 

Parlant de menaces, le directeur du Bureau des Mines et de l’Énergie (BME), l’ingénieur Claude Prépetit, ne cesse de rappeler, depuis plus d’une année, qu’Haïti est sous la menace d’un autre séisme majeur. Intervenant récemment dans les médias haïtiens, à l’occasion de la commémoration des 10 ans du séisme du 12 janvier 2010, l’expert a laissé entendre que seulement pour l’année 2019, pas moins de 300 petites secousses ont été enregistrées sur le territoire national. « Leur magnitude variait de 1 à 4.8 sur l’échelle de Richter et nous en avons enregistré 2 d’une magnitude de 4.8. »

Si M. Prépetit a salué les progrès enregistrés dans le pays en ce qui concerne la surveillance sismique, il n’a pas manqué de déplorer l’absence de volonté, de mesures et d’un système de défense capable de limiter les dégâts dans le cas où on aurait à faire face à un autre tremblement de terre majeur.

Aussi vives que soient encore aujourd’hui les blessures causées par la catastrophe du 12 janvier, aussi naïves et désarmées que soient les autorités et le pays tout entier face à la menace de ce même désastre, ce n’est nullement par faute de moyens financiers que le pays est resté si vulnérable au risque de secousses sismiques. En effet, le programme PetroCaribe et les fonds recueillis grâce à la générosité internationale après le 12 janvier auraient pu doter le pays de meilleures infrastructures, financer des formations et des préparations adéquates pour pouvoir atténuer les effets de pareils cataclysmes.

Malheureusement, la gestion calamiteuse qui a été faite des fonds du PetroCaribe et des dons des organismes internationaux à la suite du séisme de 2010 ne permet pas à Haïti de jouir d’un minimum de sécurité ni d’avoir l’assurance d’être épargnée, à l’annonce de la moindre intempérie, voire d’un phénomène naturel majeur.

Il s’ensuit que, en dépit des leçons apprises et des épreuves endurées avec le tremblement de terre, aucun effort n’a été fait dans le sens d’une amélioration dans la façon de construire, ni d’un changement dans la mentalité par rapport à la scientificité des phénomènes naturels.  Ainsi, trouve-t-on encore aujourd’hui des gens qui ne se sont pas gênés de prendre refuge dans des bâtiments endommagés et abandonnés par leurs anciens occupants aux lendemains du 12 janvier et, cela, sans que l’État ne les en dissuade. 
Forts de ce constat et de bien d’autres, de nombreux observateurs sont d’avis que, si un séisme de la même envergure que celui du 12 janvier devait se produire encore en Haïti, il y aurait quasiment autant de dégâts qu’auparavant.  

À côté de tout cela, il ne faut pas négliger des épidémies terribles qui menacent le monde entier dont Haïti n’est pas exempt. Le Coronavirus s’impose actuellement comme le nouveau défi sanitaire du monde. Le mode de transmission facile de cette épidémie en fait une arme de destruction massive pour un pays comme Haïti qui endure actuellement la pire crise sanitaire, économique et sécuritaire de son histoire.

Pire que ces menaces naturelles et sanitaires qui nous guettent, c’est la situation de discorde généralisée, caractérisant l’Haïti d’aujourd’hui, qui fait peur. La politique et son cortège d’inégalités, de préjugés et de frustrations a transformé le pays en un champ de bataille truffé de mines où chaque parti se retranche dans son camp, attendant le moment propice d’attaquer l’autre. « L’union fait la force » devient une chanson fade, hors du temps, qui n’a sa place qu’au musée de la mémoire.

Et c’est dommage ! Les multiples menaces qui planent sur Haïti et qui tendent à obscurcir davantage l’avenir du pays, ne peuvent être dissipées que dans la perspective d’une réconciliation des Haïtiens.  La justice, le pardon et l’entente sont les piliers sur lesquels doit définitivement s’ériger Haïti pour pouvoir contrer les nombreux défis qui le guettent et travailler pour que l’ange de la paix revienne parmi nous.

Ainsi, toute bataille visant le progrès du pays doit s’orienter dans le sens d’une unification de ses différentes couches pour la reconquête de notre dignité bafouée. Xaragua Magazine s’inscrit d’emblée dans cette lutte.