Jean-Jacques Dessalines, accompagné de Gabart, rencontra les officiers de l’Ouest dans une grande réunion militaire à l’Arcahaie du 15 au 18 mai 1803 dans la perspective d’unifier l’armée révolutionnaire. Lamour Dérance n’entendait pas reconnaître son autorité en tant que général en chef. Par le biais de Pétion, Cangé avait rencontré Dessalines d’abord à Frères, puis à l’Arcahaie. Les principaux militaires anciens partisans de Rigaud, tels Cangé, Lamarre, Marion, Sanglaou, Mimi et Cadet Borde, Isidore, Derenoncourt, Masson, Laporte etc. se démarquèrent de Lamour Dérance et se rendirent à l’Arcahaie afin de prendre les dispositions nécessaires pour chasser les Français dans l’Ouest et le Sud. Cangé avait le contrôle de Léogane, Lamarre de Petit-Goâve.
À L’ARCAHAIE
Jean-Jacques Dessalines, accompagné de Gabart, rencontra les officiers de l’Ouest dans une grande réunion militaire à l’Arcahaie du 15 au 18 mai 1803 dans la perspective d’unifier l’armée révolutionnaire. Lamour Dérance n’entendait pas reconnaître son autorité en tant que général en chef. Par le biais de Pétion, Cangé avait rencontré Dessalines d’abord à Frères, puis à l’Arcahaie. Les principaux militaires anciens partisans de Rigaud, tels Cangé, Lamarre, Marion, Sanglaou, Mimi et Cadet Borde, Isidore, Derenoncourt, Masson, Laporte etc. se démarquèrent de Lamour Dérance et se rendirent à l’Arcahaie afin de prendre les dispositions nécessaires pour chasser les Français dans l’Ouest et le Sud. Cangé avait le contrôle de Léogane, Lamarre de Petit-Goâve.
Le 18 mai 1803 à l’Arcahaie marquait la fin d’une grande rencontre militaire dans le but d’unifier, d’organiser, de planifier l’exécution et le déroulement, la voie à suivre de la guerre de l’Indépendance notamment dans l’Ouest et le Sud. D’une importance majeure, la réunion de l’Arcahaie garantit l’importante et stratégique intégration de Cangé et d’autres officiers dans l’armée, établit les plans d’attaque du Cul-de-Sac dont la Croix-des-Bouquets, permit la préparation du siège de Jacmel, et facilita le voyage pacificateur du général en chef dans le Sud.
Le 18 mai 1803, lors de cette rencontre, les diverses forces armées, incluant les cultivateurs, s’étaient unifiées et solidifiées. Des groupes armés fusèrent des régions avoisinantes pour répondre à cette convocation. Les trois phases essentielles pour une révolution, à savoir : prise de conscience, mobilisation et radicalisation, étaient bien en place. La lutte pour la liberté était à cette dernière phase violente et défiante ; les Français avaient rétabli l’esclavage, il n’était plus question de négociations, plus question de revenir en arrière, une armée organisée était fondamentale pour combattre la puissante armée française et, au nom de la liberté, tous mirent foi à la guerre de l’Indépendance.
La révolution haïtienne à cette phase ultime de radicalisation, l’inscription « Liberté ou la Mort » signifiant « Libre ou Mourir » fit son apparition sur le bicolore bleu et rouge. Le thème du drapeau avait certes été débattu à l’Arcahaie : par exemple, dans une lettre datée du 24 mai 1803 du Dondon, le général Christophe attestait avoir reçu le nouveau drapeau bleu et rouge suite aux dispositions prises avec le général Pétion à l’Arcahaie. La réunion de l’Arcahaie, si l’on peut dire, avait donc consacré le bicolore bleu et rouge qui avait été créé auparavant par Dessalines à la Petite-Rivière de l’Artibonite en février 1803. L’Ordonnance ou le mot d’ordre de la création du drapeau avait été envoyé par Dessalines à tous les commandements de l’embryon d’armée ; les généraux qui reçurent cette Ordonnance étaient : Capois, Toussaint Brave, Christophe, Vernet, Clervaux, Pétion et Geffrard...
A la fin de cette réunion préparatoire, de ce congrès militaire de l’Arcahaie, le 18 mai 1803, Dessalines avait été reconnu par tous les combattants de la Liberté en tant que général en chef de l’armée révolutionnaire. Lamour Dérance fut l’objet du complot planifié ; pris au piège il fut garroté puis envoyé en prison à Marchand. Les plans d’attaque de Port-au-Prince avaient été élaborés. Cangé avait aussi reçu l’ordre de se porter sur La Coupe, actuelle Pétion-Ville ; Pétion, de l’Arcahaie, se porterait sur le Cul-de-Sac, et Dessalines, de Mirebalais, envahirait de même cette plaine. Vers la fin de juin 1803, Dessalines passa par La Coupe pour se rendre au Camp Gérard dans la plaine des Cayes afin de rallier le Sud.
En ce qui a trait au Camp Gérard, suite aux stratégies planifiées à l’Arcahaie du 15 au 18 mai 1803 :
Sur la route reliant les Cayes à Camp-Perrin dans le Sud se trouvent les ruines de l’ancienne sucrerie Gérard. A quelques mètres de celle-ci se trouve une petite colline où une fortification est à peine perceptible. C’est le Camp Gérard proprement dit. Stratégiquement positionné, le Camp Gérard domine toute la plaine des Cayes avec vue sur les montagnes avoisinantes et, en termes de communications stratégiques, est en ligne droite avec le fort des Platons.
Par ailleurs, la sucrerie avait appartenu pendant l’époque coloniale au colon Jean-Baptiste Gérard, qui fut notaire des Cayes de 1779 à 1785, puis député du Sud aux Etats Généraux, membre du comité colonial de la Constituante et commissaire dans le département du Sud en 1794 ; il fut arrêté sur ordre de Polvérel et de Sonthonax le 3 mai 1794, et fut réélu député du Sud en avril 1798 ; il se réfugia à New York en 1804.
Mais bien avant la réunion militaire ou le congrès militaire préparatoire de l’Arcahaie du 15 au 18 mai 1803, le bicolore bleu et rouge avait été remarqué en diverses occasions. Par exemple, en route pour les Cayes, les troupes de Geffrard, vers la fin de février 1803, reçurent une décharge et furent repoussées aux environs d’Aquin. Dans cette échauffourée, l’armée indigène perdit un drapeau, vraisemblablement un porte-drapeau y comprit. Puis, aux Cayes, quand le chef de bataillon Francisque, sous les ordres de Férou, y avait repoussé les Français le 6 mars 1803.
Geffrard arriva aux Cayes le 5 mars et accomplit sa jonction avec Férou à Charpentier. Rencontre qui, par ailleurs, provoqua des scènes émouvantes, car ce fut pour la première fois depuis la fin de la guerre du Sud (1800) que ces anciens partisans de Rigaud, alors dispersés, se rencontraient. En dépit de leurs appréhensions contre Dessalines à cause des actions de celui-ci dans ladite guerre, tous acceptèrent de reconnaître son autorité en tant que général en chef à Charpentier.
Le lendemain 6, le général noir Laplume, de l’ancienne armée de Louverture qui commandait les troupes françaises aux Cayes, opéra une sortie contre l’armée Indigène. Geffrard et Férou menèrent la défensive et l’armée française fut refoulée dans la ville. Chauffés à blanc par ce succès, les Indigènes contre-attaquèrent sous peu. Ce fut au cours de ce combat que le chef de bataillon Francisque planta le bicolore indigène bleu et rouge sur les remparts des Cayes, à proximité du palais du gouvernement. Francisque reçut ensuite une décharge de mitraille et fut blessé à la cuisse ; ses troupes furent repoussées ; Geffrard se retira au Camp Gérard et Férou prit la route des Côteaux.
Du Camp Gérard, Geffrard, assisté par ses lieutenants, conquit Torbeck, Corail, Anse-à-Veau, Miragoâne, le Petit-Trou, Saint-Michel, Aquin, Saint-Louis du Sud, Cavaillon et tous les autres bourgs jusqu’à Tiburon. Les Cayes et Jérémie restaient seuls en possession des Français.
Le Nord, l’Artibonite avaient quasiment reconnu l’autorité de Jean-Jacques Dessalines en tant que général en chef de la révolution. L’Ouest venait de rejoindre le mouvement au Congrès militaire de l’Arcahaie du 15 au 18 mai 1803. Pétion avait coordonné les défections d’anciens partisans de Rigaud, tels Cangé, Lamarre, Marion, Sanglaou, Mimi et Cadet Borde, Isidore, Derenoncourt, Masson, Laporte etc., qui jusqu’alors marchaient avec Lamour Dérance, se considérant général en chef et réticent à reconnaître Dessalines. Cangé avait le contrôle de Léogâne, Lamarre de Petit-Goâve, leurs troupes se trouvaient dans toutes les montagnes avoisinantes.
Rallier le Sud devenait donc capital. Dessalines entreprit de se rendre au Camp Gérard dans la plaine des Cayes. Geffrard, lui, avait pour mission de faire reconnaître l’autorité de Dessalines à une armée composée en majorité d’anciens partisans de Rigaud. Tâche plutôt difficile après les excès de guerre commis par Dessalines dans le Sud au cours de la guerre civile Toussaint - Rigaud. Le 5 juillet 1803, Dessalines arriva au Camp Gérard avec des officiers de son état-major pour cette réunion historique. Après un moment de friction, Dessalines fut bien reçu et le calme fut revenu. Le lendemain 6 juillet, Dessalines rassembla les troupes et leur fit ce discours patriotique et unificateur (extrait dans son intégralité de Thomas Madiou, Histoire d’Haïti - Tome III).
Bien entendu, Dessalines s’exprimait alors en Créole :
« Mes frères, après la prise de la Petite-Rivière de l’Artibonite sur les Français, je fus proclamé général en chef de l’armée indépendante par les populations de l’Artibonite. Les généraux du Nord et de l’Ouest mus par l’amour de la liberté, oubliant les haines politiques qui les animaient les uns contre les autres, vinrent successivement reconnaître mon autorité. En acceptant le commandement en chef de mes frères, j’en ai senti l’importance et la haute responsabilité. Je suis soldat ; j’ai toujours combattu pour la liberté ; et si j’ai été pendant la guerre civile aveuglément dévoué à Toussaint Louverture, c’est que j’ai cru que sa cause était celle de la liberté. Cependant, après la chute du général Rigaud, n’ai-je pas maintes fois usé de mon influence pour sauver une foule de braves que le sort des armes avait trahis et qui eux aussi avaient vaillamment combattu pour la liberté lorsque tous nos efforts tendaient à écraser le parti colonial. Beaucoup de ceux qui m’écoutent me doivent la vie ; je m’abstiens de les nommer.
Mes frères, oublions le passé ; oublions ces temps affreux, alors qu’égarés par les blancs, nous étions armés les uns contre les autres. Aujourd’hui, nous combattons pour l’Indépendance de notre pays, et notre drapeau rouge et bleu est le symbole de l’union du noir et du jaune. Dessalines fut interrompu par toute l’armée qui s’écria « Guerre à mort aux blancs ! » Il continua : « Les factions qui pouvaient compromettre la cause de la liberté sont presque éteintes : Lamour Dérance, abandonné des siens, doit être arrêté à présent ; Petit Noël Prieur, dans les hauteurs du Dondon, ne commande plus qu’à quelques bandits. Je vais retourner dans ces quartiers, et je ferai rendre le dernier soupir à la faction expirante des Congos. Vive la liberté ! »
Ensuite, le Général en chef Jean-Jacques Dessalines révoqua des brevets envoyés aux militaires du Sud par Lamour Dérance, puis il octroya des nouveaux grades aux officiers supérieurs ; Geffrard fut promu général de division. Dessalines procéda ensuite à l’organisation des troupes, à la formation des demi-brigades et la mise sur pied d’une organisation militaire hiérarchisée dans le Sud pour mener à terme la guerre révolutionnaire contre le colonialisme.
Ce fut encore au Camp Gérard que Geffrard introduisit Boisrond Tonnerre à Dessalines. Peu de temps auparavant, Boisrond Tonnerre avait rejoint Geffrard, qui en fit son secrétaire. Animé par la fièvre révolutionnaire de l’époque, il avait retenu l’attention du général Geffrard qui le recommanda au général en chef et qui en fit de même son secrétaire.
* Publication originale dans Jean Ledan fils, A propos de l’histoire d’Haïti, saviez-vous que… Volume VI, Bèljwèt Publications, ISBN 976-95017-04, P-au-P, 2001.
* Jean Ledan fils, L’Histoire d’Haïti en toute simplicité, illustré, ISBN
978-99935-7-272-5 Bèljwèt Publications, Port-au-Prince, 2008, pp. 151-169. (Dernière revue en mai 2020).
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