L’inoxydable poète et patriote français, Charles Péguy, en matière de conviction et de pari enchanteur sur l’avenir de l’humanité, tué lors d’une opération militaire au cours de la Seconde Guerre mondiale, écrivait dans l’un de ses poèmes majestueux : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance ».

Par ailleurs, nul n’ignore que pour le chrétien, les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité ne sauraient être considérées ou envisagées séparément mais embrassées et pratiquées ensemble.  Les hommes et les femmes de foi sont aussi des hommes et des femmes d’espérance et d’amour.  Celui ou celle qui vit de l’authenticité de sa foi et de sa bonne foi et dont les justes convictions sont profondes et inaliénables est aussi celui ou celle qui aime et qui espère.

Le Grand Sud : une frémissante épopée

Le Grand Sud qui contient les départements de la Grande Anse, du Sud proprement dit, des Nippes, du Sud-Est et une bonne partie du département de l’Ouest est un héritage légendaire de l’ancien caciquat du Xaragua dirigé par la sublime reine Anacaona.  En fait, il n’est pas question que de légende mais d’histoire réelle de gens paisibles passant leur existence au sein d’une nature plutôt luxuriante et amène à travailler tout juste pour s’assurer du nécessaire mais appliqués par-dessus tout à faire la fête, s’amuser follement, chanter, danser, partager publiquement leurs contes et leurs poèmes.  Nous nous doutons que leur quotidien ne fût comparable à un long fleuve tranquille car le Grand Sud n’a pas commencé à se retrouver sur le chemin de prédilection des tempêtes, des inondations et autres catastrophes naturelles d’une certaine envergure après l’extermination des Indiens.

Le Grand Sud : une terre d’épreuves et d’élection

Ainsi, depuis l’époque pré-colombienne jusqu’à nos jours, le Grand Sud a toujours vécu entre peine et espérance, affaissement et promesse de relèvement, destruction des acquis et signes avant-coureurs de saisons nouvelles, porteuses de grains innombrables et d’abondance.

Cette vertu, cette corne d’abondance est caractéristique du Grand Sud malgré tout, malgré l’étiquette de pauvreté abjecte, sans doute vraie en partie qui nous est collée à la peau.  Malgré la réduction alarmante de la couverture végétale et forestière, malgré les inondations et les cyclones, malgré le transport inique des couches de terre arable vers la mer, les communes avoisinantes de Jacmel demeurent foisonnantes en production d’agrumes, les cannaies de Léogâne tarissent à peine; Petit-Goâve et toute la grande plaine de Chabane à Oliviers foisonne de manguiers, de cirouelliers, de kénépiers de toutes sortes.  La Plaine des Baconnois et les terres intérieures de l’Anse à Veau, de l’Asile et de Petit Trou de Nippes ont vu au cours des ans leur production de citron réduite à une peau de chagrin, terrassée par des chancres, des puces et des vermines de quelle provenance nul ne sait; toutefois Sudre, Plaisance, Au Saut, Lièvre, Sanaȉ continuent Dieu seul sait par quel miracle! d’être des pourvoyeurs du pays en cassaves replètes en oranges, chadèques , pamplemousses bien sucrées si ce n’est en poivrons, en épices et en piments rouges!  Les hauteurs de Paillant et de Salagnac favorables aux légumes, les arrhes de Fonds des Nègres parmi les plus onéreuses du pays à cause de leur fertilité, il faut aussi toujours compter, parfois même, contre vents et marées, avec les surfaces de la grande Anse et du Sud proprement dit en raison de leurs facilités de diversification et d’adaptation.

Le Grand Sud ne doit pas mourir

Le Grand Sud est souvent frappé par les intempéries et les vicissitudes de toutes espèces.  Les cyclones, les inondation et les ouragans destructeurs de la deuxième moitié du 20eme siècle comme du premier quart du 21ème ne lui ont laissé aucun répit.  Hazel, Flora, Cléo, Inès, Frederic, Allen, David, Georges, Gilbert, Hugo, pour ne citer qu’eux, ont décapitalisé une grande une frange substantielle de ses populations en emportant leur bétail, leurs habitats, leurs ascendants, leurs alliés et parfois même des adolescents et des enfants.  Les maladies des végétaux et les parasites indécrottables ont souvent détruit leurs cocotiers, leurs bananiers, leurs pistachiers, leurs cacaotiers alors que des tentatives de relance dans ces filières ne se sont jamais révélées tout à fait conluantes.  Des compagnies sont venues des terres du Grand voisin pour exploiter l’hévéa et la beauté de Miragoȃne.  L’exploitation une fois épuisée, elles ont regagné leurs pénates sans laisser la moindre trace, la moindre possibilité d’une vie nouvelle. 

En fait, les filières des arbres fruitiers et forestiers sont toutes devenues portion congrue, les guildiveries, les usines de vétiver, de pate de tomate, de jus de fruit ont toutes progressivement fermé leurs portes.   Le cochon créole, principale arme de combat des paysans de Jacmel, de Grand Goȃve, de l’Anse-à-Veau, de Chantal, de Camp-Perrin, des Roseaux et des Abricots leur a été enlevé pratiquement sans compensation.  Pour enfoncer le clou, l’ouragan Matthieu d’octobre 2016 et le tremblement de terre du 14 aout 2021 n’ont fait qu’accélérer le train d’enfer dans lequel les gens du Grand Sud semble avoir été jetés d’autant plus que plus des 80/100 des secouristes lancés à la maitrise du bolide, habités par le cynisme de l’insouciance et de l’irresponsabilité, demeurent toujours les bras croisés, les yeux rivés ailleurs.

Fin de communication

Le Grand Sud ne doit pas périr.  La déveine de l’invasion de la sargasse, de la pollution maritime peut être exorcisée pour que les plages d’Aquin et de Port Salut, les Anses d’Azur et Duclair, les belvédères naturels de Carrefour Sanon, de la descente du Morne Saint Georges et de l’étang de Miragoane du hublot d’un avion ou d’un hélicoptère se remettent en valeur et se repeuplent en touristes émerveillés.  Nous rêvons de voir les voitures et les motocyclettes filer à vive allure sur le goudron de Martissant ou de Titanyen pour la détente ou la cure de jouvence à  Raymond les bains, à Bassin Bleu de la Montagne, à Fauché, à Ça-Ira, à Lully ou à Montrouis.  Le lambi de l’Ile-à-Vache, le requin des Bonbons, la truite de Petit Trou de Petit Trou de  Nippes, le « Komparet » de Jérémie, le clairin de Darbonne, le « dous Macoss », de Petit Goȃve sont parmi les meilleurs specimen de la terre habitée.  Les petits enfants de Vilaire, de Moravia, de R. Bernard, d’Othello Bayard, d’Antoine Simon, de Jean-Jacques Acaau, les enfants spirituels de Pasteur Beauvil Jeune, de Père Roger Cassagnol ou pourquoi pas? de l’étincelant voyant Antoine Nan (des) Gommiers ne sont pas appelés à vivre sans fin dans la pauvreté, la misère et le découragement comme les enfants du Grand Nord et de partout.  Ils sont aussi les enfants de la terre, les enfants du bon Dieu.  D’une terre nourricière, d’un Dieu aimant et compatissant.