Le marché communal, dans le contexte « ayisyen » est un lieu pluriel. Outre le rôle ordinaire qui lui est connu comme espace d’approvisionnement il est aussi un espace social où les gens se rencontrent, se divertissent. C’est aussi un espace de thérapie psychologique et d’entraide morale malgré son aspect désorganisé.
Constats et perspectives
Le marché communal, dans le contexte « ayisyen » est un lieu pluriel. Outre le rôle ordinaire qui lui est connu comme espace d’approvisionnement il est aussi un espace social où les gens se rencontrent, se divertissent. C’est aussi un espace de thérapie psychologique et d’entraide morale malgré son aspect désorganisé.
Toutefois, ceci n’a pas toujours été comme tel. Les marchés communaux dans les villes, logés dans des bâtiments érigés à cet effet, répondaient à un concept précis, approprié à leur objet, avec des zones réservées à chaque type de marchandises.
Dans les espaces ruraux, ils étaient moins organisés. Aujourd’hui, les commerçants laissent les bâtiments pour exposer leurs marchandises à même les trottoirs, pensant se rapprocher de la clientèle. Dans les milieux ruraux, c’est encore pire.
Le manque d'emplois et la nécessité de se rapprocher le plus possible du client fait que nos marchands et marchandes, petits producteurs et consorts colonisent les trottoirs et même les chaussées de façon anarchique, les jours de marché.
Cette situation rend la circulation automobile très compliquée aux abords des marchés et le côté anarchique de l'organisation de ces espaces met à nu la démission, l'incompétence ou tout simplement le manque d’intérêt des responsables. Sans parler de l'image que cela projette pour les visiteurs. D'où le manque de confiance qui se manifeste face à l'offre touristique « ayitienne ». Cette image fracassante des sardines dans les culottes et des souliers dans les patates, presqu’à même le sol, a besoin d’être corrigée.
Pour avoir parcouru routes, pistes et sentiers, pour avoir vu et vécu beaucoup de scènes de marché, en particulier au cours de randonnées avec des touristes, je m’étais mis à réfléchir sur l’organisation des marchés et leur rôle dans l’espace social et dans le quotidien des « Ayitiens », plus particulièrement dans les milieux ruraux.
De passage à Ottawa, à l’été 2019, j’ai visité un marché dont la structure m’a conforté dans le produit de mes réflexions. Les denrées brutes, fraiches et de bonne facture s'étalent sur des étagères le long des larges trottoirs en laissant un espace de circulation raisonnable sans obstruer les accès aux boutiques qui pour la plupart vendent des produits transformés, sauf dans certains cas, où produits transformés cohabitaient avec produits de la ferme.
Le marché est organisé par zone, (comme en Ayiti, jadis) les fruits et légumes, l'artisanat, les vêtements, etc., qui de temps à autre, laissent la place à un « pub » ou à un restaurant.
C'était aussi l'occasion de causer avec des marchands, de comprendre le mode de fonctionnement, d'apprendre sur les produits transformés, en particulier l'érable qui est la marque de fabrique du Canada.
Pour redresser la situation et faire d'une pierre plusieurs coups, il m’était venu l'idée de proposer l'établissement de partenariats publics-privés intelligents pour refaire l’Institution "Marché communal” en Ayiti. Il s'agirait pour les municipalités de monter des projets de construction de marchés, bien organisés avec des zones préétablies : céréales, fruits et légumes, vivres alimentaires, boucherie et charcuterie, artisanat, mode etc., le tout accompagné d'atelier de transformation et de boutique de produits transformés disponibles pour être emportés ou consommés sur place dans un espace de restauration, genre café et bien sûr, des aires d’approvisionnement pour recevoir les fermiers.
Du côté des privés, il faudrait un regroupement d'investisseurs, dans chaque commune, qui lèveraient des fonds pour constituer un centre de collecte d'achat, au prix du marché, les produits fermiers classés grade A pour la vente à l'étalage et les produits marqués ou fracassés de grade B et C, à moindre coût pour être transformés.
On ferait un recrutement sur mesure, pour trouver les employés devant assurer la vente directe, une équipe pour la transformation, une autre pour le démarchage et la livraison. Ainsi, les producteurs auraient la garantie de l'écoulement de leurs produits, les personnes qui viennent au marché avec une « entreprise de 12 tomates » trouveraient des emplois décents, les rues seraient débarrassées et les marchés deviendraient aussi des stops sur les routes touristiques.
Ceci aurait aussi l'avantage de les protéger contre les incendies et autres méfaits possibles parce que devenus propriétés et gagne-pain des habitants des localités. Les mairies joueraient leur rôle de régulateur et pourraient bénéficier à double titre, en tant que partenaire et collecteur de taxes à la fois.
Cette équation sociale déboucherait sur des emplois, un espace urbain organisé, de la stabilité sociale et finalement jouerait un rôle important dans le fil dont on a besoin pour recoudre le tissu social « ayitien ».