Endormie sous ses lauriers de première république noire, de joyau tombé des mains de Dieu…, Haïti s’est réveillée en guenilles de clochard, dépossédée de sa gloire, de sa brillance, de ses richesses, de son identité, et incertaine de son avenir quasiment hypothéqué. Encore groggy sous l’effet d’incessantes piqûres de parasites internes et externes désireux de la garder en permanence dans cet état de somnolence et de lui sucer son sang, la Perle des Antilles peine à retrouver son allant.
Endormie sous ses lauriers de première république noire, de joyau tombé des mains de Dieu…, Haïti s’est réveillée en guenilles de clochard, dépossédée de sa gloire, de sa brillance, de ses richesses, de son identité, et incertaine de son avenir quasiment hypothéqué. Encore groggy sous l’effet d’incessantes piqûres de parasites internes et externes désireux de la garder en permanence dans cet état de somnolence et de lui sucer son sang, la Perle des Antilles peine à retrouver son allant. Cette situation de torpeur transforme la grande majorité des Haïtiens en de vrais moutons de Panurge, marchant à grands pas vers le précipice, dans un pays pourtant vierge, mais où la paresse et la mal gouvernance ne permettent ni d’explorer ni d’exploiter des options plus élogieuses.
L’inertie qui caractérise l’Haïti d’aujourd’hui est telle que les projecteurs du monde sont éternellement éteints sur ce coin de terre pour se rallumer à chaque fois qu’il est en feu, que du sang y coule ou qu’un cataclysme naturel vienne mettre à nu sa pauvreté légendaire.
Quelques-uns, pour échapper au supplice de l’échec ou du désespoir qui guette la grande masse, mettent le cap vers l’étranger. Ainsi, c’est par millions qu’on compte, de nos jours, les expatriés d’Haïti en quête de cieux plus cléments. Si les fils et filles d’Haïti vivant hors de ses frontières constituent une vraie manne pour le pays à travers les transferts de fonds effectués aux parents restés au pays, on ne peut minimiser cependant le tort que l’exil des cadres bien préparés a fait au pays au cours des ans.
En effet, selon des données fournies par l’Agence universitaire de la francophonie en mai dernier, 85% des universitaires diplômés en Haïti finissent par quitter la terre natale à destination de pays comme le Canada, les États-Unis ou la France. Au départ, cette décision s’appuyait sur une conception culturelle faisant croire que voyager ou vivre à l’étranger était une preuve de réussite sociale. De nos jours, même si cette conception n’a pas trop changé, le désir de laisser le pays à tout prix s’est amplifié. Il s’est accru en raison de l’incertitude et du désespoir auxquels font face les jeunes évoluant dans un espace où la possibilité de monter sa propre entreprise ou de trouver un travail n’est nullement garantie, même en étant qualifié. Ajouté à cela, le phénomène de l’insécurité qui prend de l’ampleur au fil des jours sans que cela ne préoccupe outre-mesure les autorités concernées.
C’est bien dommage quand on sait que le pays regorge encore de ressources naturelles et humaines assez importantes et suffisantes pour permettre à ses habitants de vivre dignement. Prenons l’exemple du département du Sud qui, malgré ses innombrables atouts dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la pêche, le tourisme, l’agro-industrie, l’artisanat, le commerce, souffre encore davantage que les autres régions de cet état de dépérissement du pays. Cela explique grandement pourquoi ce département, la ville des Cayes principalement, éprouve tant de mal à voir grandir et vieillir ses natifs en son sein. La question ne se pose plus.
Force est de constater que, comme le Sud, toutes les autres régions du pays ont leurs potentialités propres et disposent de ressources distinctes qui, si elles sont bien gérées, peuvent sortir Haïti de son état de dépendance chronique à l’importation de produits et de services étrangers. Ce qui contribuerait grandement à atténuer le profond déséquilibre de la balance commerciale au désavantage d’Haïti et, par ricochet, à freiner l’instabilité récurrente du taux de change et ses corollaires très nocifs comme la dépréciation de la gourde et l’effritement du pouvoir d’achat d’une population très fortement touchée par le chômage.
Cette situation, loin d’être prise en charge et traitée par les dirigeants locaux, est plutôt exacerbée par les crises à répétitions, l’instabilité sociopolitique et l’insécurité généralisée à travers le pays. La plupart des stratégies de sortie de crise (rache manyok, barricades de pneus enflammés, saccages, casse et incendie des entreprises, des véhicules, grèves à répétition, etc) envisagées jusqu’à présent se sont révélées plus pernicieuses que la crise elle-même. Il s’ensuit que l’espoir d’un renouveau se raréfie de plus en plus surtout au niveau de la jeunesse qui ne trouve son exutoire que dans le dépaysement.
Malheureusement, près d’un demi-siècle d’expériences nous a amenés à la conclusion que la panacée de la croissance et du développement n’est pas dans l’exil et encore moins dans les protestations violentes. C’est fort de cela que Xaragua Magazine essaie de joindre sa voix à celle de la sagesse pour crier Halte-là. Nous avons assez creusé la fosse de notre propre ensevelissement. Le temps de se crêper le chignon est bien révolu. La guerre inter haïtienne a assez duré. Pourquoi devrions-nous la maintenir si à la fin personne n’en sortira gagnant? Pourquoi ne recourrons-nous pas une fois de plus à l’unité qui a été scellée au Bois-Caïman, celle qui a été baptisée au Camp-Gérard ou celle qui a accouché de Vertières ?
Toutes les grandes réalisations haïtiennes sont le fruit d’un engagement solidaire qui a pris naissance dans les profondeurs de nos adversités, avant de nous hisser sur le toit du monde. Nous devons nous inspirer de tout cela pour pouvoir mieux embrasser notre rêve d’une Haïti ragaillardie, requinquée.
S’inspirant de la grandeur d’âme de nos héros qui ont fait fi de leur origine ethnique, de la couleur de leur peau et de leur appartenance sociale pour constituer une mosaïque unitaire à la conquête de notre souveraineté, Xaragua Magazine veut se faire aujourd’hui le catalyseur de la communauté du Sud dans la quête de son renouveau social, économique et culturel. Pour ce faire, nous devons compter sur trois éléments essentiels : l’unité, la mise en commun et le travail. C’est le sacrifice ultime qu’il nous faudra faire pour remettre le Sud sur la carte du développement. En effet, après avoir tenté tout et le contraire de tout, il nous reste l’alternative de cette troisième voix qui nous commande d’unir nos forces, nos compétences et nos idéaux pour le sauvetage du Grand Sud.
Gageons de ne pas rater le train de l’unité qui nous mènera sur le grand chantier de la relance du Sud. Le temps presse. Nous avons une communauté à construire, une jeunesse à instruire, une population à nourrir, un héritage à sauvegarder.