Il faisait chaud à la Station de Jérémie. Plusieurs camions étaient arrivés de diverses villes, bondés de monde. Tout sur la cour étaient à la recherche d’eau a boire, de toilettes, d’un endroit ou charger leurs téléphones, des attroupements par-ci-par-là laissaient voir les bonnes fritailles chaudes le riz cuit à point, les montagnes des pikliz sur des cuvettes colorées et des promeneurs de boissons glacées.

Il faisait chaud à la Station de Jérémie. Plusieurs camions étaient arrivés de diverses villes, bondés de  monde. Tout sur la cour étaient à la recherche d’eau a boire, de toilettes, d’un endroit ou charger leurs  téléphones, des attroupements par-ci-par-là laissaient voir les bonnes fritailles chaudes le riz cuit à point, les montagnes des pikliz sur des cuvettes colorées et des promeneurs de boissons glacées. La  chaleur aidant le tintamarre s’accentuait avec les vendeurs de Comparet se chamaillant avec les  passeurs de camions en vue d’allécher un client peut-être au milieu de ces allées ou des voyageurs à moitié endormis essayaient de se remettre de la fatigue des mauvaises routes. 

Reinette, le visage tiré de sa nuit blanche attendait sous un soleil de plomb la voiture qui devait arriver  incessamment. Ronald, son fiancé, ne devait plus tarder. Le groupe de passagers qui lui avaient barré le  soleil jusqu’ici s’étaient déplacés la laissant désolée. Elle ne s’était jamais sentie si seule et déroutée. Elle  n’avait même plus envie de revoir Ronald, sa famille, ses amis. Ce retour a Jérémie la rongeait jusqu’à  l’os, mais personne ne l’entendrait le dire. 

Elle tira de sa poche son téléphone, retenant de l’autre main le petit peigne avec miroir qui était un cadeau de sa mère. Comme elle lui manquait. Depuis sa mort il y a cinq ans, les choses n’étaient plus les  mêmes, son père s’était remarié à une opportuniste de renom qui répondait au nom de Sheila, lumina  de son état et qui lui avait livré une guerre sournoise et mortelle pour gagner le cœur de son père. Elle  n‘avait plus de place et s’était réfugiée chez sa tante Carmelle, la sœur de sa mère qui l’avait accueillie à bras ouverts, mais elle n’était pas a l’aise car la situation financière s’était détériorée dans une famille si  aisée autrefois. Elle avait travaillé dans un magasin de vêtements pendant quelque temps pour  subvenir aux besoins grandissants de la famille, mais cela n’avait pas suffi. C’est pour cela qu’elle était rentrée à Port-au-Prince suivant cette annonce sur les réseaux sociaux qui recrutait des artistes pour un  spectacle d’envergure cette fin d’année. A cause de ses talents bien connus de pianiste. Elle avait  décroché le poste voulu, mais elle revenait les mains vides et le cœur désabusé...  

Les larmes piquaient ses paupières mais elle les retint de justesse. Ronald, a bord de son pick-up Toyota  gris, souriait largement. Il descendit l’enleva de terre et l’embrassa avec fougue. 

- Reinette, ma belle enfant, mon adorée ! tu m’as manqué, mon amour! 
- Oh toi aussi tu m’as tellement manqué, Ronald ! 
- Viens ! Tu as soif, tu veux de l’eau s’enquit-il en fermant la porte du cote de Reinette - Non, ça va, merci ! 
- Merci, « chéri » lui répliqua-t-il ou blye se pou rélem cheri ? hein ? 
- Merci chéri ! 
- Et le voyage, raconte? Tu me parleras du séjour quand on sera arrivés a la maison. Tante  Carmelle t’a prepare un Tomtom avec ciriques, comme tu l’aimes ! 
- Tu lui as donne l’argent, comme d’habitude, c’est toujours toi qui commandes le Tomtom 


- Mais elle le fait si bien ! Mpral manje vant deboutonnen ! Apres je vais te laisser te reposer et je  passerai plus tard, ce soir… Je dois retourner au magasin. 
- D’accord… cheri… 
- Apa wap vini ! J’aime quand tu mappelles cheri ! 
Ils se turent un instant. Il prit sa main et serra ses doigts contre sa poitrine. Combien il l’aimait ! Elle  restait silencieuse à regarder défiler le ruban d’asphalte ponctué de motos. 
Ils arrivèrent au cœur de la ville, passant la cathédrale puis bifurquèrent jusqu’à la villa de Tante  Carmelle qui les attendit derrière le fer forge de la galerie. Ronald prit ses bagages. 

- Ah Tante Carmelle Reinette est fatiguée ! Mem pale li paka pale ! Elle n’a pas dit deux mots… - Tu t’es levée très tôt, Reinette, bon retour lui dit-elle en l’embrassant.  
- Merci ma tante ! Bonjour tante Philomène ! Elle embrassa la meilleure amie de sa tante assise  près d’elle. Elle avait pris l’habitude de l’appeler tante, cette femme brune, mince au regard d’aigle. Elle et Carmelle ne se quittaient plus, deux veuves solidaires. 
- Il faut que tu ailles te reposer… dit Philomène 
-Oui ma tante ! 
- Tu ne manges pas maintenant s’enquit tante Carmelle 
- Non, je mangerai plus tard, ma tante ! 
_ Je viens plus tard pour le Tomtom dit Ronald 
-Nap kite Tomtom la fret, li pap bon, murmura Tante Carmelle 
_ Lap koupe dwet . ma tante Carmelle ! Tu réchaufferas la sauce Kalalou ! J’y vais! A plus ma chérie ! 
-Il embrassa hâtivement Reinette et sortit à grands pas. Elle était lasse. Elle ne voulait plus rien  qu’un peu d’eau pour un brin de toilette et le calme le plus complet. 

Maryse, la servante prit sa valise, Elle la suivit dans l’escalier et rentra dans sa chambre. Elle remercia Maryse et ferma la porte derrière elle. Les persiennes étaient fermées à cause de la poussière. Elle fit un coup d’œil et referma les rideaux. 

Un soupir mourait dans sa gorge. Elle respira a petits coups pour ne pas se mettre à hurler 
Elle s’assit sur le lit et releva sa jupe et desserra le bandeau de toile au haut de sa cuisse. Le  pansement avait un peu saigné. Elle remit le bandeau à sa place et déboutonna sa blouse. Son torse  était couvert d’ecchymoses bleuâtres, de morsures et de brûlures de cigarettes. Elle détourna les  yeux en gémissant. Les garda ouverts pour ne pas retourner en arrière par la pensée . Oui, elle était lasse, poignardée, brulée, séquestrée depuis dix jours … Elle revenait de l’enfer de Port-au-Prince. 

Nul ne savait ce qu’elle avait enduré… LA seule chance qu’elle avait était de s’en sortir vivante… Si  on pouvait le dire… 

Elle n’avait pas dormi depuis, rien ne pouvait lui rendre le sommeil… Ces images qui la hantaient lui  donnaient à penser qu’elle ne pourrait plus jamais s’endormir toute seule. Elle tira de sa valise un  petit flacon de rhum, en but presque la moitié et s’étendit soigneusement sur le lit pour ne pas  réveiller la douleur… Elle guettait, là, avec les larmes qui se mirent à couler de par elles-mêmes, en  silence, elle les laissa couler et graduellement sombra dans le sommeil de l’alcool… 

(ASUIVRE)