À l’accoutumée, ces adorables jouets vivants dont raffolent les jeunes mamans sont traités avec grand soin. Primordiales spectatrices de l’engouement dont fait preuve leur progéniture féminine, les mamans de ces « petites mamans » se sentent aux anges, émues du fait que de tels esprits si jeunes et candides puissent – dès ce bas âge – distinguer les multiples corvées incombées aux mères, du moment que leur fœtus est sorti de leurs entrailles. Alors elles-mêmes, pour les encourager, placent à leur disposition toute une panoplie d’ustensiles pour la prise en charge de leurs petits, et parfois même celle de toute la famille ; lorsque la petite fée du foyer rentre dans la scène son frère qu’elle transforme en père ou oncle.

    À l’accoutumée, ces adorables jouets vivants dont raffolent les jeunes mamans sont traités avec grand soin. Primordiales spectatrices de l’engouement dont fait preuve leur progéniture féminine, les mamans de ces « petites mamans » se sentent aux anges, émues du fait que de tels esprits si jeunes et candides puissent – dès ce bas âge – distinguer les multiples corvées incombées aux mères, du moment que leur fœtus est sorti de leurs entrailles. Alors elles-mêmes, pour les encourager, placent à leur disposition toute une panoplie d’ustensiles pour la prise en charge de leurs petits, et parfois même celle de toute la famille ; lorsque la petite fée du foyer rentre dans la scène son frère qu’elle transforme en père ou oncle.  Dans certains cas, l’amie du voisinage remplissait le rôle de tante, aïeule, marraine ou autre. Par ailleurs, une scène encore plus étonnante est celle du frère -aîné le plus souvent- exécrant ces activités féminines, et refusant de jouer son rôle n’arrive pas à décourager sa petite sœur. Cette dernière se démène alors pour doter sa maisonnée d’un chef de famille en la personne d’un quelconque petit garçon du quartier. C’est plutôt fatigant d’élever seule et de sitôt son bébé. Et on pourra même retrouver ces deux jeunes parents seuls, à huis clos, jouant à la maman et au papa, sans la surveillance des parents adultes, occupés d’autres tâches que vigiles.

    Et ainsi va la vie, jour après jour, ces moments de jeu se faisant de plus en plus interminables, sans que l’on ne pense ne serait-ce qu’une fois, à remettre en question ces démonstrations d’amour qui font rêver. Mélancolique, on se remémore même ces moments passés, d’il y a quelques années, où c’était à nous de prendre soin de l’enfant assis là, à nos pieds – jusqu’au jour fatal où, une décennie plus tard, son vœu d’enfant le plus cher se réalise tout en constatant que bien trop tard pourtant – ce rêve chéri durant des lustres n’était point une priorité. En fait, à un certain âge, certains jeux non surveillés peuvent entraîner de graves conséquences, particulièrement pour la maman imaginaire qui pourrait accidentellement en devenir une réelle. La parfaite solution alors est de réparer les dommages en se débarrassant au plus vite du vivant petit fardeau. On fait donc appel dans la majorité des cas à ces charlatans sans état d’âme qui font le sale boulot de découper en morceaux le petit jouet humain ou à des guérisseuses qui administrent des potions tératogènes. Malheureusement, certains de ces individus, désinvoltes jettent n’importe où les restes du petit jouet sacrifié, indifférents ou peut-être ignorant face aux séquelles psychologiques de ce spectacle affreux sur un jeune esprit.

    Une fois, j’en ai été moi-même victime, étant enfant. Jamais de ma mémoire ne pourra s’estomper l’image de cette poupée garçon, inerte, qui gisait à présent au fond de ce caniveau où coulait une eau boueuse. Cela s’était passé au cours de l’année précédant le funèbre séisme du 12 janvier 2010, à l’angle des Rue du Peuple et Auxillius Fougère. Apparemment, je n’ai pas été le premier à tomber sur l’horrible scène. Sorti faire des emplettes pour mère, de loin, cet attroupement que j’apercevais au coin de la rue m’avait tout de suite attiré. Arrivé sur les lieux, je tombai nez à nez avec lui, étendu dans une boîte en carton, le crâne à moitié rôti par le soleil du midi. Il était clair qu'il s’agissait d’un accouchement prématuré ; la très fine peau de sa tête témoignait de l'immaturité du petit corps. « Pourquoi a-t-on fait cela ? Pourtant il y en a qui cherchent sans pouvoir en trouver ? ». Les badauds commençaient. « Qui sait ? C’était sûrement un futur président. » Président de la République !  « Il est quand même très chanceux d’avoir pu éviter de naître par ici. Pas une seule année de misère pour lui ». Moi, j’en étais à ma neuvième.

    La fin du spectacle m’avait échappé. Mais, le lendemain, seule cette eau macabre coulait encore au même endroit. Mais ce dont je me rappelle encore, cette scène n’a pas été l’unique à laquelle j’ai eu droit. Neuf années plus tard, je me suis retrouvé face à une nouvelle poupée avec laquelle on avait refusé de jouer. Et le spectacle m’a autant marqué que le premier. 

Pour éviter de telles atrocités, ne serait-il pas temps de changer de mentalité chez nous ? Commençons à considérer la sexualité comme un aspect important de l’existence et non comme un tabou. L’éducation sexuelle dans notre société devrait être une priorité. La vie est bien trop sacrée pour qu’elle débarque par accident sur des autels où elle sera massacrée.