Michoutoutou ! Ainsi son maître aimait-il appeler ce beau chien blanc d’une hauteur qui pourrait lui valoir une inscription dans le livre Guinness des records. Tous les bouchers du quartier lui réservaient quotidiennement une grosse portion de viande.

Michoutoutou ! Ainsi son maître aimait-il appeler ce beau chien blanc d’une hauteur qui pourrait lui valoir une inscription dans le livre Guinness des records. Tous les bouchers du quartier lui réservaient quotidiennement une grosse portion de viande. Même les écoliers de l’école Louverturienne aimaient l’avoir dans l’autobus qui les conduit à Saut- Mathurine lors des excursions parce qu’il lui suffisait d’aboyer trois fois pour indiquer au chauffeur qu’ils étaient finalement arrivés à destination. Jeannine, sa maitresse, aimait toujours qu’il se tienne à ses côtés. Même si elle laissait un plat de viande à la cuisine, sans prendre le soin de le recouvrir, il se contentait de se coucher et de chasser les mouches et les ravettes qui rôdaient à la ronde. 

Michoutoutou avait un lit cotonneux sur lequel se plaisaient à s’étendre tous les chats du quartier, venus lui raconter les moindres faits de la journée. Puis, un beau jour, en sortant de sa maison pour se rendre chez Claude le boucher, qui lui préparait au quotidien son plat du midi, Michoutoutou tomba sur son visage en plein milieu de la rue Laferrière, et il gémissait à n’en plus finir. Ses terribles cris ont alerté tout le quartier au point que des gens venaient de toutes parts pour constater ce qui se passait. On versa de l’eau sur sa tête ensanglantée pour l’aider à se relever, car « les chiens ont le souffle assez long » disait la foule qui l’entourait. Malheureusement ce jour-là, le fidèle Michoutoutou s’écroula pour l’éternité. 

En le sortant du pavé où il gisait, sa maitresse Jeannine trouva tout près de lui une grosse pierre pleine de sang et recouverte de poils. Elle la ramassa sans dire un mot à personne et la mit dans son sac, puis retourna chez elle. Le lendemain à midi sonnant, Ligondé allias Lwijanbojé, revenant du marché en fer, ressentit subitement une forte douleur à la tête et tomba en pleine rue à la même place que Michoutoutou. Il saignait abondamment du nez et, quand il voulut parler, on n’entendait que des aboiements. 

À ce moment précis, Jeannine sortit dans la rue avec un mouchoir d’un aspect rougeâtre autour de sa tête, dansant sur un air que nul n’a pu deviner jusqu’à ce jour. Lwijanbojé, la voyant venir, ouvrit grand ses yeux. Ensuite, il rendit l’âme. Les spectateurs étaient vraiment émus. Aucune larme ne fut cependant versée. Les pompes funèbres du coin et d’ailleurs refusèrent de le recevoir puisque son corps se recouvrait graduellement de poils blancs, ses ongles s’effaçaient pour laisser pousser des griffes terrifiantes. 

Enfin, on décida de l’enterrer secrètement. Le gardien du cimetière raconta que pendant son inhumation, on entendit des aboiements incessants. Et, la dépouille de Lwijanbojé disparut dans un tourbillon de vent pour ne plus jamais revenir.

La violence sur les animaux est tellement banalisée en Haïti qu’elle est loin d’être considérée par la majorité des gens comme une violence. Pourtant, bien des associations se lancent à leur défense et à leur protection un peu partout dans le monde. Il est temps pour nous Haïtiens de démontrer un peu plus de considération pour les animaux, et particulièrement pour les animaux domestiques.