Comme elle se l’était promis depuis la journée, elle s’était confortablement installée sur une chaise longue dans un coin de son jardin. Isolée du reste de la maisonnée, elle allait s’octroyer 2 bonnes heures de lecture pour découvrir cette nouvelle auteure que la presse littéraire ne cessait d’encenser.

Comme elle se l’était promis depuis la journée, elle s’était confortablement installée sur une chaise longue dans un coin de son jardin. Isolée du reste de la maisonnée, elle allait s’octroyer 2 bonnes heures de lecture pour découvrir cette nouvelle auteure que la presse littéraire ne cessait d’encenser. Le livre ouvert à la première page attendait impatiemment qu’elle finisse par y déposer son regard car elle s’était une fois de plus perdue dans la contemplation des lieux. En effet, elle admirait béatement le bougainvillier qui serpentait au sommet de l’impressionnant mur gardant la splendide maison à l’abri des regards indiscrets. Lentement, elle glissa dans une douce rêverie . Ses pensées  se mirent à vagabonder dans le temps et dans l'espace. Elle fut transportée dans son bureau, au jour de la Saint Valentin. Elle se revit, souriante, recevant dans ses bras l’énorme corbeille de fleurs, signée de sa fleuriste préférée. Cette dernière avait pris soin de lui arranger harmonieusement une multitude de ces roses rouges aux pétales épaisses et veloutées qu’elle adorait tellement. Elle en approcha sa tête et huma à plein poumon une grande bouffée de leur odeur envoûtante. Elle se sentit à nouveau grisée rien qu’au souvenir de leur parfum. Une  petite enveloppe rouge était dissimulée entre les fleurs. Elle l’aperçut et la prit. L’ouvrant, elle en sortit une jolie carte sur laquelle son mari avait écrit un simple « Je t’aime, mon amour » suivi de son paraphe. À l’heure du retour chez elle, avec précaution, elle s'empara de son précieux colis pour l’emporter à son domicile. Arrivée à la maison, elle n’était pas au bout de ses surprises. Un panier énorme l'y attendait. En son centre, trônait un magnifique ours en peluche d’un blanc pur. Il tenait dans le cercle de ses bras un gros paquet de roses grenat artificielles à l’allure si naturelle qu’on pourrait facilement se méprendre et prendre pour telles. Il semblait les tendre à la dame au visage étonné qui le dévisageait. Autour de lui, étaient disposés dans un artistique désordre un grand flacon de sa fragrance préférée, des savons parfumés  aux senteurs de chèvrefeuille, de lilas et de jasmin, deux délicates bouteilles d’huile de massage à base de lavande et de citronnelle. Des bougies fleurant bon la vanille, la fleur d’oranger, le ylang-ylang embaumaient l’espace à l’intérieur du panier. La cerise sur le gâteau était représentée par un coffret en forme de cœur d’un fin cristal qui laissait entrevoir l’éclat d'or d’un bijou. Il était niché entre les pattes de l’ours qui affichait un tendre « I love you » sur sa poitrine d’un doux velours. Le tout était enveloppé dans un papier de cellophane parsemé d’une multitude de petits cœurs retenu par un long ruban, le tout d’un beau rouge vif. Elle était encore plongée dans ses pensées qui la ramenèrent au 8ème jour du mois de mars consacré Journée internationale pour la lutte des droits de la femme. Elle continuait à être gâtée. Clouée au lit par un vilain rhume, elle ne se rendit pas à son bureau et se réveilla assez tard. Il était 9 heures passées quand elle ouvrait ses paupières. Jetant un coup d’œil par sa fenêtre agrémentée de lourds rideaux aux tendres couleurs pastel, elle apercevait le soleil qui déjà inondait la terre de chauds rayons lumineux. Ramenant son regard à l’intérieur de la chambre, un  paquet gracieusement enveloppé, attira son attention. Il était déposé sur la gracieuse petite bibliothèque qui occupe le coin gauche en face d’elle . Curieuse, elle se leva pour le prendre. Elle devina d’après sa forme qu’il s’agissait d’un livre. Elle entreprit d’en enlever le joli papier d’emballage fleuri. Elle s’était trompée. Il ne s’agissait pas d’un bouquin mais plutôt d’un journal intime. La couverture élégante était imprimée d’un grand papillon aux ailes écarlates et portait cette inscription : Va, cours, vole. Elle l’ouvrit à la première page portant une dédicace précédée de la date du jour qui lui disait: Je serai toujours là. Et c’était signé : Ton mari.

Les minutes filaient à vive allure. Elle n’avait pas encore lu un seul mot du roman qu’elle avait inconsciemment fermé. Elle était prisonnière de ses pensées mais le cri strident d’un corbeau la ramena brusquement à la réalité. Dubitative, elle se demandait avec appréhension ce que tout cela voulait dire. Certes, elle appréciait les gestes, mais y avait-il quelque chose de caché ? Avait-il une maladie grave et voulait lui laisser quelques derniers bons souvenirs ? Mais non, il paraissait au meilleur de sa forme. Elle résolut de ne pas s'en inquiéter. Et en son for intérieur, elle se disait que le mec avait mis le paquet ces derniers temps.

 Depuis quelques années, l’amour semblait avoir fui leur couple et leur union était réduite à un contrat de mariage au strict sens du terme. Entre eux, s’était établie une simple relation de gens civilisés gérant une entreprise familiale. Chacun remplissant sa fonction dans l’éducation et pour le bien-être des enfants que la vie leur avait confiés. Évidemment, ils se racontaient une blague de temps à autre, partageaient les nouvelles de leurs activités professionnelles respectives…Mais, rien de plus ! Elle essuya furtivement ses yeux embués de larmes prêtes à déborder. Elle regrettait la complicité de leur jeunesse, les  nombreuses et longues journées qu’ils passaient ensemble sans se lasser l’un de l’autre. Elle aurait tout donné pour que rien ne change. Mais ce temps paraissait révolu. Elle aurait voulu qu’il comprenne que l’amour  même s’il est fêté en un jour se vit chaque jour. Elle aurait tellement  voulu qu’il comprenne que le soutien à une femme doit se manifester le 8 mars et tous les autres jours de l’année. Elle replongea dans ses pensées. Elle se revit, résignée, s'apostrophant, se disant que ces marques d’attention valaient mieux que rien. À l’instant même, elle allait dans le tiroir de sa table de chevet, et y prenant un stylo, elle écrivit ces trois mots qui débutèrent la rédaction de son premier journal intime.
 

Marie Johane Brinnius Banatte est née à Jacmel où se déroula sa petite enfance. Puis, elle vécut une grande partie de sa jeunesse à Port-au-Prince pour poursuivre ses études secondaires et universitaires.

Établie depuis environ 20 ans dans la métro…

Biographie