Je rêve, se disait Mistye en refermant sa tablette après avoir reçu le vingt-quatrième paiement mensuel de ce boulot auquel on l’avait embauchée juste après sa graduation. L’Université de Sherbourg elle-même lui avait fait trouver ce boulot et rien ne laissait augurer que, fraîche émoulue de l’Université, elle eût trouvé une pareille aubaine ! Avec son sac bien serré sous son bras, elle se dirigeait vers l’agence pour effectuer un paiement en bloc pour une croisière de luxe qu’elle allait choisir pour vraiment gagner le cœur de Gilles.
J’ouvre la parenthèse sur Mistye fille d’Adèle, histoire à rire.
Je rêve, se disait Mistye en refermant sa tablette après avoir reçu le vingt-quatrième paiement mensuel de ce boulot auquel on l’avait embauchée juste après sa graduation. L’Université de Sherbourg elle-même lui avait fait trouver ce boulot et rien ne laissait augurer que, fraîche émoulue de l’Université, elle eût trouvé une pareille aubaine ! Avec son sac bien serré sous son bras, elle se dirigeait vers l’agence pour effectuer un paiement en bloc pour une croisière de luxe qu’elle allait choisir pour vraiment gagner le cœur de Gilles. Gilles, disait-on, ce n’est pas vraiment son nom, mais elle ne le sait pas encore. Tout ce qu’elle sait c’est qu’elle va s’amuser comme une folle avec son beau. Secouant fièrement les dix bracelets dorés qu’elle portait sur sa peau brune, la jupe fendue haut, les cuisses fortes et solides, la taille fine, le postérieur redondant, elle s’enorgueillissait de cette chevelure foncée et abondante, acquise, qui fait la pièce centrale du package des femmes modernes. De grâce, ne parlons pas de ces faux cils qui battent la campagne et finissent toujours en fin de journée aux creux d’une petite pochette parce que la glue a foiré ! Avec ces allures de Betty Boop, il fallait du bonheur, beaucoup de bonheur … avec Gilles…
Tous les arrangements sont confirmés sauf qu’elle ne connaissait pas le nom de famille de Gilles mais sa tante signait Pierre donc pour l’instant Gilles Pierre et Mistye Mardochée partent en croisière le 21. Nous ferions bien de préciser qu’on est le 12. Plus précisément encore le 12 Août de l’an de grâce 2018. Il ne reste pas beaucoup de temps pour le shopping, la gym, car il faut perdre du poids pour un bikini et puis, ah les mallettes, comme c’est stressant ! Elle va apporter quelque chose pour chacun, deux caisses de ramen, des bonbons pour les enfants, du saumon en boite pour oncle Michelet et beaucoup de maquillage et de bijoux fantaisie pour les jeunes filles. Elle avait déjà fait les emplettes, mais il faut bourrer les mallettes avec tout ça, ho hisse ! A son arrivée à Port-au-Prince, elle irait tout lâcher chez l’oncle Michelet qui habite derrière l’aéroport, se rafraîchir et prendre la voiture de son cousin pour aller à El Rancho, au bord de la piscine. De là, elle téléphonerait à Gilles pour qu’il vienne la rejoindre. Ils passeraient un très bon moment ensemble, un moment paradisiaque, que dis-je… Pour l’instant il faut hisser les mallettes fraîchement achetées jusqu’à la chambre car elle ne saurait les laisser dans le garage, Justin est toujours au garage a ses heures libres en train de faire des réparations, il sent toujours l’huile moteur, celui-là, ces temps derniers ! Quatre ans de mariage.il est devenu un cauchemar, mais il faut bien oublier tout ça, parce que c’est lui qui paie le mortgage et et les provisions. Il faut dire qu’elle se fiche du reste. Sa famille avait raison, ni lui, ni le reste de ces petits bourgeois dans la famille desquels elle s’était mariée n’arrivent à la cheville de Misty ! Tchuip Sssss ! On ne va pas s’arrêter sur ces détails, Il est plus important de remplir les mallettes des emplettes et de les cacher sous le lit de la chambre d’enfants, comme l’appelle Justin. Il aurait voulu que Misty gâche sitôt sa silhouette de sirène pour lui donner des enfants… Haha !
Une fois les mallettes cachées, elle se verse une bonne rasade d’Alizé, récupère son Galaxy 7 de son Louis fake Vuitton et s’empresse de regarder ses messages. Fidèle au rendez-vous, le texte de Gilles qu’elle va appeler dans le coin du salon en face de la porte au cas où Justin rentrerait… Oh elle aime tant ces petits moments doux ou elle retrouve Gilles, où il lui fait oublier tous les mauvais moments de la journée…. Où son rire, ses plaisanteries, ses aveux d’amour, tout de Gilles lui plaisait. Cette petite photo
qu’elle portait sur son cœur, la dans le petit médaillon qui pendait à son cou, afin que nul ne soupçonne… il était beau, ses belles dents blanches resplendissantes son sourire rieur, son collier de barbe bien entretenue, ses mains , ses ongles bien faits, son torse a demi musclé lui faisait rêver de nuits d’amour folles et interminables… ah les beaux jours qu’ils allaient passer ensemble…
Il appela, sa voix toujours un peu basse, calme, mais pleine de cette force qui lui rappelait Justin à ses premiers jours…. Mais il fallait chasser cette pensée saugrenue et vivre ce bel amour !
- Tu vas bien mon amour ? J’ai cueilli ces fleurs de mon jardin, je t’envoie la photo… - Oh Gilles tu… tu es si romantique… merci
- Ces fleurs me font penser à toi et dès que je passe tout près je les hume… comme j’aimerais sentir ton parfum…
- A tout à l’heure, chéri…
Elle était au septième ciel… Justin arrivait. Elle claqua le téléphone et composa son visage
- Il est près de huit heures du soir, tu as préparé à manger ?
- Non j’ai pris du poulet et des frites, c’est sur la table…
- Froid ?
- Non mais tu n’as qu’à le mettre dans le four micro-ondes
- Tu sais que je ne m’en sers pas !
- Si tu étais rentré plus tôt tu l’aurais trouvé chaud. Je vais me faire couler un bain…
Enfermée dans la salle de bains, elle fit couler l’eau et compose le numéro de Gilles. Il ne répondait pas. Tant pis, elle prendrait quand même plaisir à penser à lui. Elle se séchait quand il appela. Elle prit l’appel mais fit le tour pour s’assurer que Justin n’était pas dans les parages.
- Mon bébé
- Ma chérie… tu m’as fermé au nez…
- Et tu n’as pas répondu quand j’ai rappelé, rétorqua-t-elle
- J’étais dans la cour … Tu m’aimes toujours ?
- Oh oui je t’aime… tellement que j’ai une surprise pour toi !
- Oh dis-moi !
- Je t’offre un petit cadeau… une croisière rien que pour nous deux…
- Une croisière ?
- Oui Cancun sept jours le package complet ! Après mon départ d’Ayiti , repartons-nous ensemble pour prendre la croisière à Miami ? Je te fais le billet, c’est le 21 de ce mois !
- Ah vraiment tu me gâtes ! Une croisière avec toi, c'est le paradis sur terre ! Merveilleux ! - Je voulais te dire… Je dois amener tante Jeanne à Miami cette semaine. Elle ne se porte pas bien la tension et la fatigue et on a peur qu’elle fasse une attaque !
- Ah et mon séjour en Ayiti alors ?
- Bon tu comprends que je ne peux pas me désister des responsabilités familiales… Tu rentres le 15 et je pars le 16 avec elle le matin.
Parenthe ses
- Alors on ne passe qu’une nuit ensemble ?
- Même pas ! Je te propose plutôt dans ce cas qu’on se rencontre à Miami a ton retour le 20 et nous irons en croisière le 21 ?
- Je te rappelle … (c’était leur mot code pour la présence de Justin, mais Justin n’était pas dans les parages)
Elle raccrocha furieuse. Tout ça pour rentrer le voir et lui, il tirait la révérence avec la tante ? Est-ce qu’il lui mentait ? Lui cachait-il quelque chose ? Ils ne s’étaient pas encore rencontrés depuis plus de 3 mois que durait cette idylle, n’était-il pas prêt ? Il avait rencontré Gilles on-line sur Match… Y avait-il une autre femme ? Cette histoire de la tante ne lui suffisait pas…
Justin était déjà au lit. Il lisait un prospectus avec ses lunettes qui manquaient un manche et qu’il gardait sur la table de chevet comme si $ 15 dollars à la pharmacie allaient le déranger pour s’en procurer un autre… Il était tellement… cheap…
Elle s’étendit près de lui. Il avait essayé de lui faire l’amour Mardi dernier, depuis rien.. Elle soupira se tourna du côté du mur et ferma les yeux. La main de Justin la recherche dans la nuit mais elle fit semblant de dormir.
Au matin, la tête pleine de suspicions de toutes sortes, elle appela Gilles.
- Une nuit, une seule… tu ne peux me faire ça ! Une nuit en Ayiti sous les cocotiers, il me la faut cette nuit d’amour…
- Tu l’auras, et bien d’autres ma chérie, mais tante ne peut attendre… En fait, je voulais changer de voyage pour demain, son état empire…
- Oh non !!! ( elle ne pensait guère a Tante Jeanne, mais a ses propres plaisirs) Bon… alors fais ce que tu as à faire, je te renvoie mon voyage pour Ayiti au mois prochain… soupira-t-elle - Et je te rejoins pour la croisière, tante Jeanne pourra rester chez mes cousins pendant que je te baiserai pendant des jours et des jours….
- Gilles… Tu me fais fondre…
- Bisous, mon bébé je suis au travail… A plus pour une bonne séance d’amour… Fais-toi bien sexy ! - Oui amour…
Toutes ces idées de l’autre femme, toutes les jalousies avaient disparu, Gilles était à elle, à elle seule, il allait l’aimer ce soir par téléphone… elle allait lui demander une session vidéo pour le voir tout à elle jusqu’ici ils étaient restés sur audio, mais ce soir, elle allait tout lui dévoiler, et lui aussi. Heureuse et légère elle annonça à Justin qu’elle écourtait son voyage pour Ayiti pour en faire un plus long le mois prochain, changea les dates avec la ligne aérienne et après le boulot, alla se faire les ongles pour être belle pour Gilles…
Elle rentra avec un burger frites pour Justin ; il n’y avait pas grand-chose dans le réfrigérateur… Elle en avait tellement marre de cuisiner pour lui qu’elle ne faisait plus les emplettes et se moquait presque de ses plaintes genre, « tu savais bien faire le légume avec cirique, tu n’en fais plus ? » Il pouvait bien aller
se faire cuire un œuf ! Elle haussa les épaules à l’idée qu’une autre femme pourrait lui faire son légume ! Bref, elle alla allumer des bougies autour de la baignoire, y coula un bain royal, se mit dans l’eau et garda le téléphone proche. Il ne tarda pas à sonner…
Ces sessions se reproduisirent chaque soir en augmentant d’intensité et de plaisir sauf que vu la proximité de Tante Jeanne, ils restaient sur audio… par précaution… mais après ces moments de pur bonheur, elle allait passer sa rage sur un Justin ahuri de la voir si passionnée le soir et si absente le jour…
Le grand jour arriva. Plus de Tante Jeanne, ni de Justin, vacances du boulot pour une semaine ! La vie était si belle ! Elle sortit de l’avion a Fort-Lauderdale, prit une Limo grand genre, belle, parfumée et prête à rencontrer son destin ! Elle était parfaite de la tête aux pieds, même les cils avaient tenu ! Ils se rencontreraient dans le salon d’accueil de la croisière, Gilles porterait une chemise bleue qu’elle lui avait envoyée en cadeau de premier mois de leur rencontre. Elle se hâtait vers le salon, traînant sa mallette de son mieux, chapeau de paille et sac fleuri de croisière dans l’autre main. Elle leva les yeux et son cœur faillit s’arrêter !
C’était Justin, en chemise bleue, Justin dans la chemise de Gilles, rasé de frais . Il souriait taquin, comme si le chat avait avalé le canari. Elle tremblait de tous ses membres, ayant perdu toute contenance, elle retenait une incontinence qui serait mal venue…
- C’est moi, Gilles, lui souffla-t-il à l'oreille. Justin n’existe plus, partons en croisière, mon amour… Ainsi Misty et Gilles, que dis-je Justin, n’en reparlèrent plus. Ils vécurent heureux et eurent trois enfants. Je ferme la parenthèse sur Mistye fille d’Adèle, histoire à rire.