Ça fait des années que j’ai du te quitter. Depuis, on se voit très rarement, et même trop rarement à mon goût. Je me suis établie ailleurs mais je te conserve précieusement, bien au chaud dans mon cœur.

Ça fait des années que j’ai du te quitter. Depuis, on se voit très rarement, et même trop rarement à mon goût. Je me suis établie ailleurs mais je te conserve précieusement, bien au chaud dans mon cœur. Et crois-moi, je suis souvent tenaillée par l’envie de me lover dans le cercle hospitalier de tes bras. Je pense à toi bien plus souvent qu’il ne le paraît. Je ne t’oublie pas. Les heureux moments de mon enfance avec toi resteront toujours frais dans ma mémoire. À l’évocation de ton nom, des flots de sentiments contradictoires me submergent. De joyeuses pensées me chatouillent la tête mais, toutes empreintes de mélancolie. Nostalgique, je revis mon temps d’insouciance.  Cet instant gai de ma vie a été bercé par le chant vif de ta tumultueuse mer. Je plonge avec délice dans les écumeuses vagues de la Saline. Mais, soudainement, je me revois plutôt petite fille, allant d’un pas tranquille à l’École Mère Immaculée aux clôtures couvertes de Stagonia. Et aujourd’hui, chaque fois que mon regard tombe sur ces jolies petites fleurs mauves ou blanches, une bouffée de tendresse gonfle ma poitrine.

Dès qu’on cite ton nom, dès qu’on dit Jacmel, mon cœur s’émeut. Des souvenirs heureux affluent à ma mémoire. Je souris en revoyant mes sacs d’écolière pris d’assaut par de gourmandes fourmis « folles ». Elles venaient se régaler des restes de ma sucrerie préférée, collés à l’emballage. L’eau me coule à la bouche rien qu’en pensant à ces petits cornets de « sucre gingembre ». Oh! que j’adorais tes spécialités culinaires, particulièrement le « piskèt. » Nos marchandes de « doukounou » viennent-elles encore en offrir aux enfants pour réjouir leurs palais ?

Inconstantes, mes pensées m’entraînent à présent en pèlerinage avec ma mère. Nous longeons des sentiers bordés de « pòmsitèn ». J'en cueille plein ces petits fruits aigre-doux qui font la joie de mes papilles gustatives. La chapelle de « Zoranje » reste intacte devant mes yeux.  Celle de Lafond n’est pas non plus tombée en ruine.

Pour l’instant, j’aurais bien aimé faire un petit tour à Lakou Nouyòk. J’y resterais un bon moment à laisser la brise me caresser le visage et remplir mes poumons de l’air marin vivifiant. En même temps, je ferais bien un petit coup de pied au mystique « Bassin bleu. »

De retour, je m'accorderais une longue balade au quartier de l’artisanat pour admirer le travail original de nos artisans. Dans ma ville natale, l'art habite les rues. C’est à juste titre qu’on t’appelle la ville touristique d’Haïti. Tu as tout pour plaire aux visiteurs. Ils s’amusent tellement lors de ton carnaval foisonnant de couleurs. Et voilà, je gâterais bien ma personne en dégustant quelques un de ces délicieux petits beignets qu'on fait à cette période et qui apportent un goût particulier à l’ambiance. 

Je resterais bien longtemps à rêver de toi, ma ville chérie. Ça me fait du bien mais c’est sans compter la présence de mon petit gars venu planter un baiser sonore sur le front de sa maman. Mais, en attendant, je te dis à bientôt. 

Marie Johane Brinnius Banatte est née à Jacmel où se déroula sa petite enfance. Puis, elle vécut une grande partie de sa jeunesse à Port-au-Prince pour poursuivre ses études secondaires et universitaires.

Établie depuis environ 20 ans dans la métro…

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