Midi s’égrène à la Cathédrale de Madrid dans la vieille ville mais ne dérange nullement trois étudiantes assises dans un café au coin de l’Avenue et de la rue discutant de la présentation d’un travail de groupe auquel elles n’étaient pas habituées. Elles avaient traîné leurs pas de la cité universitaire jusqu’à cet espace, non pas par habitude mais parce que la mère de deux d’entre elles revenaient de leur pays d’origine et prenaient logement dans ce superbe hôtel L’Ambassador jusqu’en face. Une odeur de poivre, de cannelle et de miel balaya leur espace et les obligea à se retourner. Chacune d’elles vécut l’apparition de façon différente.

 

 Midi s’égrène  à la Cathédrale de Madrid dans la vieille ville mais ne dérange nullement trois étudiantes assises dans un café au coin de l’Avenue et de la rue discutant de la présentation d’un travail de groupe auquel elles n’étaient pas habituées. Elles avaient traîné leurs pas de la cité universitaire jusqu’à  cet espace, non pas par habitude  mais parce que la mère de deux d’entre elles  revenaient de leur pays d’origine et prenaient logement dans ce superbe hôtel L’Ambassador  jusqu’en face. Une odeur de poivre, de cannelle et de miel balaya leur espace et les obligea à se retourner. Chacune d’elles vécut l’apparition de façon  différente.

Pour Netty  c’était un poudroiement d’or et de feux, une vague bleue qui la ramena vers cette plage de gelée dans le sud d’Haïti où elle avait pris naissance .Une mer huileuse, invitante, sereine qui conduisit ses pensées jusqu’à cette maisonnette couverte de tôles, fierté de ses parents. Elle retrouva ses deux petites sœurs Carme et Varny et reprit avec elles la ronde, cette dernière qu’elles avaient faite ensemble avant le miracle de la séparation. Tout avait été si vite que leurs adieux avaient un goût d’éternité. Trente ans après dans le tréfonds de son âme, ce mélange d’indigo de mauve et de bleu  dans cette jupe ondulante restait sa couleur favorite tout comme ce jour restait son point de départ, son grounds  Zéro  pour parodier un langage routier.

Ginou  regardait cette arrivée comme un astre vivant qui virevoltait à l’angle jusqu’à eux. Elle était déjà tombée sous le charme de ces colliers et bracelets qui brillaient sur cette femme Elle aimait les clinquants ce qui faisait tourner son regard tantôt sur la grosse médaille tantôt sur la grosse pierre rouge qu’elle avait au doigt On disait d’elle qu’elle était le portrait crache de sa grand-mère, Délia, de qui elle héritait le sang juif, sa légèreté et son attrait pour les pacotilles.

Lisa humait cette énergie qui venait droit vers elle. Rester longtemps en compagnie de cette étrangère ne l’aurait point dérangée  car elle communiait avec Dame nature et voyait déjà tant de mystères, de non-dits, de blessures, de frustrations dans la vie de cette boule de feu.

La Gitane s’invita à la terrasse  et s’inclina devant les trois. Deux ans de vie estudiantine avaient balayé déjà toute timidité et la maîtrise maintenant de la langue les avait libérées  de toute contrainte. Elle avait les yeux en amande et regardait si le serveur était agressif ou pas. Par curiosité et surtout parce que leur mère ne sortait jamais du lit que vers midi elle accepta la proposition d’ouvrir l’avenir à travers les lignes de leurs mains.  Trente ans après leur dernière rencontre  au parvis de l’église St Pierre, les mêmes images, les mots revenaient à leurs oreilles……… 

Elle avait retiré de sa poche une pierre qui chuchota quelques mots dessus  puis de l’autre poche un mouchoir rouge et commença ses prédictions. Religieusement les trois écoutaient et se demandaient d’où elles pouvaient tirer tout ce qu’elle avance Une bonne trentaine de minutes s’était déjà écoulée quand une douce voix cassa celle de l’envoutée

Maman cria Lisa comme si elle sortait d’un rêve. Cette apparition stoppa la diseuse qui regarda longuement  cette belle métisse vêtue de blanc. Elle répondit aux effusions des  filles qui ne s’intéressèrent plus de  cette femme devenue, à leurs yeux, banale  car elles allaient manger dans ce somptueux palace aujourd’hui .Elle avait encore du temps devant  elle, se fit servie un café et pour s’amuser  demanda à ses enfants de traduire pour elle :  Que me réserve l’avenir ?

Le monde s’agitait et le mouvement syndical espagnol  préparait une grève pour la semaine prochaine On se demandait  avec quelle vitesse les évènements se succèdent pour donner aux autres l’impression qu’ils sont seuls maîtres du temps, des choses et  du futur. Elle avait ciselé les mots, pesé  chaque phrase  pour donner plus de sens à ses pensées. Elle repense à cette longue conversation qu’elle a eu avec  Dartigue et Félix Maurisseau Leroy sur l’impact de la littérature sur la vie des hommes et le changement à  apporter dans ce combat contre la misère et la dégénérescence humaine.

L’image de cette Dame Sara accrochée à la corde de ce camion dévalant la pente de Kenscoff ne cesse de hanter son esprit. Elle avait enroule son bras dans la corde, peut-on comprendre que pour vaincre sa fatigue, voler du temps au temps cette paysanne défiait toute logique en dormant debout malgré les cahotements. La pesanteur n’existe pas ; la notion d’équilibre, les grandes théories sur le sommeil, la fatigue  tombaient en miettes devant cette réalité quotidienne .La condition de vie de la femme dans les milieux ruraux d’Haïti constituent son cauchemar. Elle a traversé de long en large les romans latinos américains pour voir si cette détresse était  combattue,               

    La civilisation a occulté certains métiers  au profit d’autres plus reluisants  mais la modernité malgre ses attraits et ses gadgets  n’a pas su jusqu’à date évincer certaines professions ,ignorées de la grande majorité mais qui plongent leurs tentacules au tréfonds de notre vie sans que nous en ayons conscience.le veilleur de nuit, l'hérault et le colporteur ont disparu de notre imaginaire collectif.L’horloger a laissé la place au décodeur de joujoux tandis que l'akasa,la pâte feuilletée,le foscao ont pris place dans nos souvenirs d'enfance et nous recherchon le goût et le parfum…

Toute ville depuis que les évêques,vers 411 après J.C ,a qui échoit le premier rôle dans les cités depuis que se sont effacées les autorités civiles,ont organisé la vie citoyenne autour du monastère.Bien avant que Clotilde ait poussé Clovis dans les bras de la religion catholique,le son des cloches rythmait la vie des européens.Des matines a laudes ou des vêpres aux complies,tout s'opère dans les villages du Moyen Age grâce au carillon.

Les villages ont disparu pour laisser la place aux villes et dans certains pays on voit s'ériger des mégapoles.Que l’on parle de Sanctuaire,d’Oratoire,de Cathédrale  ou de Basilique.que l’espace communautaire se circonscrit autour de l'Église, de la Paroisse ou de la Chapelle…..les cloches constituent une présence importante même si le train train quotidien ne nous laisse pas le temps de jouir de son rythme.Elles sont présences vivantes,temoins privilegies des moments d'allégresse comme des heures de grand chagrin.elles accueillent des visiteurs de marque dans des accords joyeux ;elles ramènent  les âmes des marins surpris par la tempête et victimes du courroux de Maître Agoué et à travers des accents puissants aident les hommes à vaincre l’ire du Feu.Elles sont compagnons de galère,de misère et de joie.

Il me faudrait un jour conter les origines des cloches de la ville de Jérémie au sommet de cet édifice que nous appelons pompeusement :la Cathédrale.Mais aujourd’hui payons tribut à un homme effacé qui rythma et scanda nos vies sans avoir droit à notre reconnaissance ni à la gratitude de la ville.J’imagine que Chaque chef lieue possede un homme aussi discret,effacé mais toujours présent sans jamais déranger.

Je cite : Boss Frank.Feu ,mon Père disait qu’ils sont rentrés le même jour à l'école Frère Paulin de Jérémie. Franck Fouryol n’y est pas resté longtemps .La mort prématurée de ses parents l’obligea a rentrer au service des pretres bretons.La vie ne lui a pas fait de cadeau et j'ai eu la chance très jeune gravitant autour du presbytère i,e vivant au voisinage des cloches d'établir avec lui la différence entre les nombreux accents sortant du jeu des cordes et de ses bras.

Avions nous jamais compris combien Boss Frank régulait nos vies d'écoliers puis d'étudiants. Un réveil n'étant pas chose courante,les premières volées invitant les fideles a l’office nous tiraient de nos draps et nous ramenaient certains sous un lampadaire,d'autres sur la Place Dumas que dans notre langage de Jeremiens nous appelons Sou Karre Au plus loin que remontent mes souvenirs, jamais il ne nous a fait faux bond.Meme quand la mecanique deraillait et attendait toute l'ingéniosité de Ti Abis,ou que le Norde de sa voix lugubre et ses relents de varech invitait les Tet san Ko à traverser la ville il bravait le froid et les interdits  pour s’occuper de ses cloches….Comme un veilleur de nuit sur la palissade d’une cite grecque pouvant subir à tout  instant  l’assaut de ses ennemis.il fallait faire le guet et alerter…. 

Que de beaux mariages ont vu exploser leur Veni  Creator  par l'énergie communicative des  cloches…..Paula et  Edmond , Nanotte et Bradley  Ma ville a une kyrielle de mélodies que ne possède aucune ville au monde grace au Genie.au doigte et a la finesse du tympan de ce grand citoyen’

De Boss Frank j’ai appris que l’anneau funeraire joue au debut des funerailles indique le sexe de la personne decedee.Les carillons sont plus lents que la normale et se produisent neuf fois pour un homme et six fois pour une femme.Le glas chez nous a cette facon poetique d’ouvrir les portes du Ciel que je comprends mieux cet adage africain : « on ne meurt bien qu’au village »L’eglise a perdu de son aureole,efface par les exigences du monde moderne mais que j’etais heureux  gamin quand il parlait de la difference entre l’angelus et l’annonce des vepres, des jours ordinaires et des jours de solennite majeure de la liturgie catholique.Volee, tintement,Plenium,autant de mots qui peuplaient son langage et qui m’attiraient. Mais pour être honnête,depuis l’age de six ans,Boss Frank me gâtait avec des retailles d’hostie et me permettait chaque samedi de grimper jusqu’au sommet  pour le voir huiler ses cloches..Faut étancher leur soif me disait il  

J’ai pu grâce à Mr Yves Jean Charles obtenir une allocation pou rce grand monsieur du Ministère des Affaires Sociales .A t-il fait école ? je l' ignore mais ce que je sais   c’est que ses pas feutrés habitent encore le toit de la dame en Rouge et si demain quelque enfant de ma  ville se passionne d’Alexandre de Jean et de Marjorie  les trois cloches et veut les admirer : N’aie pas peur de  croiser au haut des escaliers un Fantôme ayant en main un morceau de Karabela et frottant avec amour le bronze. Il y restera très longtemps  car le jour de son enterrement  les cloches se sont tues.