Quand c’est le temps de donner le ton, nul besoin de se rétracter pour l’avancement de sa communauté.

Si on recule d’une vingtaine d’années environ, il est facile de constater un certain déclin du patriotisme haïtien. Autrefois, chaque enfant ressentait une joie immense de se rendre à l’école. Au retour des classes, on se dépêchait d’étudier et de mémoriser ses leçons, et de dire après coup « leson an klè kou dlo kokoye ».

 

Quand c’est le temps de donner le ton, nul besoin de se rétracter pour l’avancement de sa communauté. 

Si on recule d’une vingtaine d’années environ, il est facile de constater un certain déclin du patriotisme haïtien. Autrefois, chaque enfant ressentait une joie immense de se rendre à l’école. Au retour des classes, on se dépêchait d’étudier et de mémoriser ses leçons, et de dire après coup « leson an klè kou dlo kokoye ». Puis, on s’empressait de finir ses devoirs à la maison afin d’avoir l’après-midi et une partie de la soirée libres pour jouer et se divertir un peu.

À l’aurore, on se faisait réveiller pour réviser les leçons, les réciter une dernière fois et enfin jeter un dernier coup d’œil sur les devoirs. Après les petits travaux ménagers, il fallait se préparer et hâter le pas pour ne pas être en retard. L’arrivée devait se faire avant la sonnerie de la cloche qui annonçait un moment fort attendu et solennel : la montée de notre bicolore. Immanquablement, à huit heures précises, à chaque jour, deux élèves désignés hissaient le drapeau, faisant flotter le fier symbole de la liberté de chaque haïtien et de la nation entière.  Chaque élève, ayant eu l’honneur, ne serait-ce que d’effleurer ou de toucher cette majestueuse étoffe, se sentait fier et était perçu de tous comme un privilégié. Arrivé à le faire flotter au sommet sans qu’il ne glisse du mât et l’en faire descendre, sans incident, était un acte héroïque. 

Une semaine ou deux avant la fête du drapeau, tous, petits et grands, étaient motivés et s’activaient en vue de ce grand jour. Les petits apprenaient à chanter, à colorier le bicolore ou à le confectionner sur du bristol ou papier glacé, sous les directives des professeurs. Par cette pratique, les éducateurs inculquaient aux enfants des valeurs faisant naître en eux la fierté nationale, l’amour patriotique et l’envie de rester unis, comme le prône la devise haïtienne. Lorsqu’enfin arrivait le jour J, tous se dépêchaient à exhiber avec ardeur tout l’effort consenti pour sa réalisation.  Plusieurs se rendaient au traditionnel Te Deum. Certains se rendaient à la parade et d’autres attendaient avec impatience pour se rendre sur la Place d’armes et passer un moment agréable leur rappelant les combats de nos ancêtres.  Nos supers héros qui ont lutté pour que nous portions le titre de 1ère République noire. Tous restaient accrochés à leur station de radio ou à leur petit écran, attendant avec impatience le discours de la Présidence, à l’Arcahaie. Partout dans le pays, les festivités battaient leur plein. Les chants des tout-petits et des jeunes : Mon drapeau po po… et C’est nous jeunesse étudiante… retentissaient à chaque coin de rue, en ville comme à la campagne. 

Dans tous les médias, des émissions à caractère historique étaient présentées et des chansons engagées jouaient en boucle durant toute la journée. Le pays entier ressentait une heureuse vibration générée par la commémoration du jour où notre étendard prit naissance dans les mains de la vaillante Catherine Flon. Mais de nous jours, tout est chamboulé. N’eût été une journée fériée, on aurait dit que la journée du 18 mai se passait comme toutes les autres. Avons-nous perdu le sens du patriotisme jusqu’à fouler au pied la Dessalinienne ? Est-ce devenu une routine la montée du drapeau dans les écoles privées ou publiques, dans les instances privées ou celles de l'état?

Avons-nous atteint un niveau d’acculturation qui atténue ce qui jusque-là nous fortifiait et nous valorisait ? Devrait-on continuellement faire semblant d'ignorer nos origines ancestrales et jeter aux oubliettes nos bonnes mœurs? Quand nous débarrasserons-nous du manteau d’acculturation pour faire connaître au monde notre vraie personnalité? 

Il est temps d'entonner à l'unisson cette devise qui forge le caractère de chaque haïtien. Il est temps de sortir de cette torpeur qui paralyse la conscience. Il est temps de faire volteface, de retourner au mât et de crier haut et fort : Vive la nation!