Il est indéniable qu’en vieillissant on oublie beaucoup de choses, sauf que certaines impressions de la vie notamment celles qui se formèrent en grandissant ne nous échappent pas de la mémoire indéfiniment.
Il est indéniable qu’en vieillissant on oublie beaucoup de choses, sauf que certaines impressions de la vie notamment celles qui se formèrent en grandissant ne nous échappent pas de la mémoire indéfiniment. Je me rappelle comme si c’était d’hier qu’à la fin de l’année scolaire, en primaire et en secondaire, que par un tour de main tout s’éclipsait en un clin d’œil : uniforme délavé et sac d’écolier en cuir ou en peau de bœufs dégageant sous le soleil ardent une odeur puante et vertigineuse. D’un autre élan tout ira aux oubliettes dans un coin du placard, même les manuels et les cahiers qui chipotèrent nos méninges. Ce fut la réalité de l’âge et bon gré mal gré les vacances d’été prirent une place majeure dans nos vies d’étudiants à savoir que les loisirs et le temps libre furent pour nous deux joyaux très précieux.
Exaltés d’être promus au niveau supérieur ou non, les vacances s’annonçaient bien prometteuses. On guettait le temps où les autocars brûlaient le pavé via Port-au-Prince et Les Cayes ramenant les pensionnaires surmenés par la vie trépidante de la capitale pour se retremper et parader leur « new look » et affectations linguistiques dans le seul but de restituer les délices du terroir qu’on trouvait surtout dans les provinces. Les fillettes s’amusaient aux osselets ou faisaient la ronde, les garçonnets jouaient aux jeux de marbre ou au foot et les plus âgés se baignaient à la rivière et s’adonnaient aux jeux de ricochet, aux randonnées pédestres ou en vélo, aux escapades à Camp-Perrin et autres coins panoramiques, aux escalades en montagne, aux excursions à cheval, à la chasse aux ortolans flambés en grillade, à la cueillette de tout ce qu’on saura croquer en bouche savourant les graines de « quéneppes » juteuses et de mangues succulentes. On lisait peu en été mais les aventures de Tintin et de Tarzan, la collection de Ségur et les « mag » de téléromans faisaient fureur- peyi mwen a la bon ou te bon.
Partant de ces ballades au wharf qui les transportaient au bord de mer où le soleil étendait ses antennes de feu sur les vagues ondulantes venant mousser le rivage où les nouveaux venus se trempaient jusqu’aux genoux tout en jetant à l’horizon un regard plein de reconnaissance vers l’Ile à Vache, l’Ilet et Gelée: les trois points de repère qui invitaient les estivants à profiter de leur retour au bercail les saines aventures donnaient à leur vie sa raison d’être. De leurs pas légers ils sillonnaient le rivage de leurs empreintes digitales où le sable chauffant et humide s’écroulait avec délire sous la plante de leurs pieds nus.
C’était le bon vieux temps où les esprits vibraient d’espoir où les soucis de la vie n’inquiétaient pas où les ravages du temps ne bousculaient la jeunesse au delà des frontières où rien de ce qui au fil des ans est venu perturber la tranquillité de la province ne nous avertit du déclin. .Ceux qui sont nés après la belle époque sont privés de l’équilibre que les vacances d’été offraient aux jeunes Cayens.