Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis…

Me reviennent à la mémoire les soirs, où pour essayer d’avoir peur, je traversais le Champ de Mars autour de minuit en plein festival de films d’horreur, le Ciné Capitol projetait « Vendredi 13 et Poltergeist », entre autres.

 

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis…

Me reviennent à la mémoire les soirs, où pour essayer d’avoir peur, je traversais le Champ de Mars autour de minuit en plein festival de films d’horreur, le Ciné Capitol projetait « Vendredi 13 et Poltergeist », entre autres.

Je me souviens aussi, et souvent, de mes ballades au bicentenaire, Place d’Italie et Ministère des Affaires étrangères, le quai Colomb pour m’exercer à la photo de nuit, seul, à 2 heures du matin, à pied, avec mes caméras et mon trépied, déambulant dans Port-au-Prince.

Pour rentrer chez moi à Delmas 93, il suffisait d’arrêter une camionnette, entre la Rue des Miracles et le Boulevard du Bicentenaire, à proximité du bâtiment de la Poste, il y en avait à toute heure…

Le pouce cassé après un match de foot-ball interscolaire, une semaine plus tard je portais encore le plâtre ; ce qui ne m’avait pas empêché d’aller au « bal de salon », auquel m’avait invité ma copine de l’époque. C’était trop beau pour être vrai, il a fallu qu’un pneu crevé me mette à l’épreuve. J’avais osé, seul en plein Pacot, arrêter la première voiture qui passait en exhibant mon pouce cassé. Mais mieux, un homme, sans crainte aussi, avait osé s’arrêter pour me porter secours à trois heures du matin.

Etudiant finissant de l’Ecole professionnelle J.B.Damier, nous quittions les ateliers parfois très tard dans la nuit. Je me rappelle encore de ce fameux soir où, après avoir conduit mes trois camarades chez eux, entre Carrefour et la Rue Pouplard, fatigué, je me suis arrêté à Nazon, j’ai basculé le coussin de ma petite Suzuki, j’ai dormi tranquillement et je me suis réveillé à six heures du matin pour rentrer chez moi.

Entre amis photographes, on se retrouve parfois pour des réminiscences, nos voyages à travers le pays au centre de nos « racontâdes », des randonnées mémorables reviennent sur nos lèvres, comme : on arrive à Beaumont à minuit un 31 décembre, en route vers Jérémie ; on traverse Puilborough à onze heures du soir sous un brouillard épais ; les épisodes de Mare Rouge en route vers le Môle St Nicolas ; la fameuse traversée vers l’île de la Tortue et j’en passe. On ne pensait même pas à la peur à cette époque.

Et plus récemment, jusqu’en 2017, je laissais la maison à quatre heures du matin pour une réunion des délégués de l’Association des Planteurs de Café à Fond Jean Noël, dans les hauteurs de Marigot ; ou encore dans le sens inverse, je partais de Cayes-Jacmel à 10 heures du soir pour rentrer chez moi à Pétion-Ville.

Je vous fais grâce des randonnées touristiques entre Petit-Goave et le Cap-Haïtien, des départs tardifs vers Marchand Dessalines, la traversée vers La Petite-Rivière de l’Artibonite ; la remontée vers le Nord, destination Dondon et Grande Rivière du Nord en passant par le Plateau central etc. Il fallait être prudent mais nous n’avions pas peur.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis…

Et depuis plus d’un an, la peur s’est installée partout, sortir de chez soi à Pétion-Ville ou en Ville est devenu un acte de bravoure.

Il faut surtout ne pas se retrouver à Delmas 2 ou à Delmas 18; Martissant et la Croix des Bouquets sont devenus des champs de bataille ; Canaan, Butte Boyer, Cité Soleil ou Village de Dieu sont des zones de non droit.

Au « pays en dehors » s’est ajoutée la pègre dans les milieux urbains. La qualité de vie déjà précaire s’est encore dégradée. Il faut que cela cesse, à quand la révolte citoyenne.

Et pour accompagner la déchéance, des crises sociétales par ci et par là, des difficultés économiques presqu’endémiques viennent s’ajouter aux crises existantes. L’inflation, le taux de change, les crises répétées de carburant viennent enfoncer le clou.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, moi, j’en ai ras le bol. Il faut faire volte-face.

Liberté ou la mort !!! Grenadye alaso, sa ki mouri zafè a yo!!!

Il faut faire volte-face et en appeler aux Dieux tutélaires de la Nation pour une guerre sans merci contre la méchanceté, l’ignorance et la médiocrité.

Le volte-face doit être intelligent. Les dernières fois que nous avons poussé ces cris, en tant que peuple, ils ont été tournés contre nous et en bien des occasions, par notre faute.

Le volte-face doit prendre la forme d’un complot citoyen pour faire échec aux intérêts externes égoïstes et aux actes internes de traîtrise au détriment du projet ayitien et du bien-être collectif. Il faut aller chercher la masse critique capable de résister à l’assaut des turpitudes venant de tout bord et de se lancer à l’assaut de l’identité et l’unité de l’être ayitien.

Le volte-face doit prendre la forme d’un complot citoyen pour dégager un projet commun, endogène dans son concept pour porter le rêve ayitien, le rêve de la liberté réelle, délivré des chaînes corporelles comme des chaînes économiques et culturelles.

Le volte-face doit prendre la forme d’un complot citoyen pour replacer Ayiti dans sa notoriété culturelle et historique mondiale, mère de la Liberté des Noirs et de la Liberté tout court. Ayiti est porteuse d’un projet mondial d’émancipation des peuples, elle servira encore d’exemple pour imprimer la nouvelle courbe du devenir de l’humanité dans une conscience profonde où l’être spirituel aura la préséance.

Le volte-face doit prendre la forme d’un complot citoyen qui visera le bien-être collectif. L’exploitation des ressources locales à bon escient dans l’objectif ultime de maintenir l’équilibre des écosystèmes naturels et humains avec un rythme de croissance soutenable pour assurer la pérennité du bien-être collectif, en toute équité.

C’est à cela que devront servir les cris « Liberté ou la mort » et « Grenadye alaso, sa ki mouri zafè a yo » cette fois ci et une fois pour toutes.

A propos de

Rudolf Dérose

Rudolf Dérose est né à Port-au-Prince, sa situation familiale, très jeune, le conduit en province où il fait connaissance avec le mode de vie en région, il apprend à apprécier ses charmes et ses richesses.

De retour à Port-au-Prince à l’âge de 12 a…

Biographie