Editorial
Publication 31 Juillet 2021
01 August 2021
l'avenir inquiétant d'Haiti
L’avenir d’Haïti et nos dissensions qui le minent
Aujourd’hui 31 juillet 2021 ramène le cinquième anniversaire de XARAGUA MAGAZINE qui s’est imposé dans la vie nationale sur une scène internationale en ligne pour rallier à la cause de la République d’Haïti toutes ses filles et tous ses fils, conscients du besoin de changer la donne politique et socioéconomique de notre pays, pour lui assurer un meilleur avenir. Tout en souhaitant un Joyeux anniversaire aux combattants de la plume et du verbe, nous allons justement parler de cet avenir et de nos dissensions qui le minent.
Depuis le départ de Jean-Claude Duvalier du pouvoir en 1986, nous avons tous l’impression que rien ne marche. Et pourtant, rien ne marchait pas depuis déjà bien longtemps sous Duvalier aussi car, envahis par l’appât du gain, la prévarication, la corruption devenue une façon de vivre ; les crimes gratuits, le vol des ressources naturelles et de l’avenir de la jeunesse ; le viol des droits humains, du budget de la nation pour une vie décente ; le désespoir qui envahit les couches défavorisées avec une montée vertigineuse au quotidien, …. Les tenants du régime duvaliériste-jouisseur de la fin du règne de Jean-Claude Duvalier avaient rendu la vie impossible . Les problèmes de déracinement des boat-people, cet « enracinerrance » qui fait que l’Haïtien n’est nullement chez lui ailleurs et ne se retrouve plus chez lui en Haïti… sont autant de facteurs qui nous font douter de l’avenir aujourd’hui. Cet avenir est hypothéqué par nos politiciens et les soi-disant « responsables » de la nation par leurs dissensions qui minent tout ce que nous touchons.
En effet, n’est-il pas triste quand des jeunes pour qui des parents, monoparentaux ou en couples, ont consenti à des sacrifices pour leur faire faire leurs études secondaires ou universitaires sont si découragés qu’ils prennent la mer pour aller d’abord en République Dominicaine, ensuite commence la longue pérégrination vers Chili, Brésil, Mexique et tous les autres pays de l’Amérique Espagnole ? Laquelle pérégrination n’a pour seul but que le désir d’atteindre les frontières américaines ou les frontières canadiennes. Partir à l’aventure sur des routes incertaines. Partir sans laisser de traces.
« Nan pwen manman nan pwen papa !
Sa ki mouri zafè a yo !
Depim pati vye kote saa yo rele Ayiti a pa palem de li!”
Un peuple à genoux, sans idéal national et patriotique, parce que l’on a beau faire, l’on a beau dire : « Kay vwazinay pap janm kapab kay pa-w ! »
Une jeunesse qui crève de faim, d’eau potable, de salubrité, de l’éducation, de bien-être, d’être tout simplement, de savoir-être, de savoir-vivre-ensemble, de savoir-vivre ! de vivre tout simplement et ses frustrations lui mettent la rage au cœur, et ses mots incendiaires, son attitude désintéressée, désinvolte et du je-m’en-foutisme, ne sont rien qu’une façon mal placée de s’accrocher à cette ambiance où rien n’est acquis. La peur du chaos crée le chaos de la peur de l’avenir et, pour exorciser sa peur l’homme choisit parfois des mots blessants pour la juguler.
Cette situation d’incertitude en tout et surtout dans un pays qui devrait être un pays de rêve et qui a perdu ses charmes de « Perle des Antilles » plonge la jeunesse actuelle dans un désir ardent de jouir avec un certain relent de fin du monde sur un volcan en instance d’éruption fatale et désastreuse. Partout des bars sont créés pour lui permettre de seriner sa peine dans le clairin à bon marché et le sexe de promiscuité et de proximité si facile que les sentiments ne comptent plus. Ajouter à cela les banques de PARYAJ PAM qui lui enseigne le gout des jeux de hasard. Et, elle n’hésite pas une seconde pour mettre au mont de piété ( Maisons de Plane) ses plus précieux trésors : téléphones, bijoux et autres possessions importantes en consignation pour un peu d’argent. Et cette jeunesse de bredjenn, de players, de fanm-tèt-chaje, de zokiki, … s’en va son chemin cassant les cœurs, faisant des adeptes en « krèy », où l’on ne sait plus ni le con ni la queue de qui sont sucés et jouis. « Marengwen ap vole ou pa konen sa ki mal sa ki femèl »
Une jeunesse de « baz » et de « bougalon » qui accouche dans la médiocrité ambiante, dans le clientélisme politique qui s’en sert pour en faire des bandits armés qui sont devenus dangereux même pour leurs fournisseurs et leurs patrons qui n’ont plus aucun contrôle d’eux. Martissant bloque le grand Sud. Les 400 Mawozo bloquent le grand Nord. Un pays à la merci de l’ouragan désastreux de l’insanité, de l’égoïsme, du gangstérisme étatique, bourgeois et panaché de l’arrogance veule, impertinente, teintée d’un racisme sournois et de bas-étage au 21e siècle. Une jeunesse désespérée de son avenir et qui se prostitue pour une bouchée de pain, qui vend son corps au plus offrant. Une jeunesse déboussolée, mal éduquée, malappris, mal compris, seule dans ses combats et le marasme économique pour une survie qui se tapit dans l’ombre et dans les limbes.
Pour nous autres de la génération 1960-1987 qui avions eu la chance de n’avoir pas eu notre enfance volée et notre jeunesse bafouée comme celle d’aujourd’hui, notre responsabilité est énorme car nous ne pouvons plus être des louangeurs du temps passé en faisant comprendre aux jeunes d’aujourd’hui qu’en notre temps il n’y avait pas ceci et cela. Notre responsabilité citoyenne est de lui montrer le chemin de la dignité humaine, de l’indépendance d’esprit et d’actions pour qu’elle sorte du lot par le travail, les études, l’encouragement à l’entrepreneuriat, à apprendre, à comprendre, à réapprendre, désapprendre, mieux comprendre pour mieux planifier l’avenir. Il faut le planifier malgré les incertitudes. …. Aider, aider et aider autant que nous pouvons. Nous avions été des privilégiés. Nous avions eu la partie belle dans une république où il y avait encore des hommes et des femmes qui faisaient de l’action citoyenne leur boussole de développement. Le temps où il prenait tout un village pour construire des hommes et des femmes solides est révolu ! Aussi, l’alternative qui nous reste est d’inculquer à la jeunesse actuelle le sens de la justice, du sacrifice, de l’equité, de l’equité genre, des droits de l’homme et le sens du beau, du bien et du beau , par des exemples de probité et de sagesse.
Le monde est devenu un grand village global et, malheureusement, la solitude est plus que jamais le nom du jeu relationnel entre les gens, malgré les réseaux sociaux qui permettent à tous et à toutes de voir et de se faire voir au miroir de l’altérité. Une altérité-indifférence qui repose trop parfois sur l’hypocrisie du « qu’en-dira-t-on ? » et du « politically correct ». Trouver le bon mot, faire le bon choix pour que le public applaudisse et que la presse approuve. Il faut encourager l’authenticité chez des jeunes qui s’acceptent et qui veulent apprendre à se connaitre, à respecter leurs différences avec les autres. Encourager leur créativité et leurs tendances naturelles. Ainsi nous aurons moins d’aliénés mentaux et de frustrés en tous genres. Saboter le mensonge du regard cinglant des autres qui veulent mordicus les façonner socialement comme leurs grands-parents, alors que les besoins et vérités de la réalité sont autres aujourd’hui. Casser la gueule à l’hypocrisie sociale qui met dans les fers les droits humains, les droits des LGBT, les droits de l’enfant, de la femme battue, du paysan privé de tout en Haïti. Tant de chantiers à débroussailler, tant de combats à gagner pour une jeunesse laissée-pour-compte !
Puisse l’anniversaire de ce magazine que nous aimons tous et toutes, XARAGUA MAGAZINE, nous invite à remettre les pendules à l’heure, en cette heure si grave de notre vie républicaine ! Que nous soyons toutes et tous des femmes et des hommes de bonne volonté, des ouvriers de la concorde pour faire front à la misère et à l’inconscience collective qui minent notre vie républicaine. Nous devons sauver cette jeunesse victime de tous les maux.
Que la lumière soit !
Ad Multos Annos !
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