Éditorial
Publication du 30 Septembre 2021
30 septembre 2021
Le grand sud face à son destin après le tremblement de terre du 14 août 2021
Le grand Sud, un terme qui retient l’attention dans l’histoire d’Haïti depuis les années 1990. Les projets touristiques, la poésie, les arts, des personnages illustres, des habitations prospères et productrices de richesse, des plages infinies aux couleurs légendaires de carte postale… que n’avons-nous pas ? Pourtant, derrière cette façade d’opulence presque hollywoodienne, reste et demeure une race d’hommes durs, combatifs, guerriers de l’espoir et de faiseurs-d’aube du progrès communautaire ; des femmes stoïques, sveltes et hiératiques drapées dans leur éducation de spartiates au côté de leurs maris, de leurs amants et de leurs enfants pour des familles fortes, unies dans l’amour du terroir et de l’avenir serein d’un pays où il fait bon vivre dans le farniente après le dur labeur. Cette race d’hommes du sud est appelée parfois chauviniste car elle ne cesse pas de vanter les charmes de ses paysages, la beauté de Jacmel, l’insouciance sexy des Cayes, la sérénité des matins de Jérémie et de leurs environs. Les charmes et le calme de Dame-Marie, de Port-Salut, d’Anse du Clerc, des Abricot, de Cap-Rouge, de Cyvadier, … autant de noms qui font rêver et rendent la pensée indolente avec une avidité de prendre des vacances ne sont plus à justifier.
Le grand Sud a vu naître tant de héros et de familles illustres : Magloire Ambroise (sud-est), Rigaud (sud), Dejoie (sud et sud-est), Marion Aîné… pour ne citer que ceux-là, qui se sont sacrifiés avec dévotion pour rendre leur patelin digne et glorifié.
Pourtant, avant le tremblement de terre du 14 août 2021, le grand sud était déjà dans l’impasse de son développement et le marasme économique. Oublié par la république de Port-au-Prince, les communautés du grand sud se battent au soleil du Bon Dieu pour maintenir le cap vers le progrès et la survie quotidienne de ses habitants. Les grandes spéculations d’autrefois de café, tabac, vétiver, maroderme, peaux de bœufs et de caprins, pelure d’orange, cacao… qui rendaient prospères nos communautés ne sont plus cultivées pour l’exportation étrangère qui apportait au pays devises et un marché permettant de garder une certaine autonomie communale. Les grandes métropoles du Sud : Cayes, Jacmel, Jérémie ne vivent plus qu’à l’ombre de leurs noms « Magnus nomini umbra ! » disaient les romains, peuples sévères comme ceux du sud dans le maintien de leur patrimoine et de leur dignité communautaire, malgré leurs déboires. Des déboires, le grand Sud en a connu de si grands et de si dévastateurs tels que les incendies et les vêpres jérémiennes … qui nous introduisent dans le caractère tenace de ces natifs de continuer à se battre envers et contre tout. Que ce soient les forces de la nature liguées contre le grand sud : cyclones, ouragans, inondations ; que ce soient les dictatures féroces, les hommes et les femmes du grand sud restent et demeurent des exemples vivants de la vivacité de la vie quand on a connu des jours meilleurs.
Le tremblement de terre du 14 Août 2021, malgré toutes ses dévastations vient de nous enseigner à tous que la lutte n’est pas finie. Elle doit d’abord se concentrer dans la façon d’aider les habitants à survivre la crise, dans un moment crucial de notre histoire prise en otage par des gangs de Martissant qui empêchent l’approvisionnement du grand Sud ; à mieux comprendre les politiques publiques des gouvernants qui ne semblent pas vraiment se soucier de la misère des paysans, des provinciaux et des fils de l’arrière-pays et, à mieux voter nos représentants au parlement pour qu’a l’avenir nous soyons moins entourés de gens qui s’enrichissent à nos dépens et oublient qui les a mis au pouvoir.
Ce séisme dévastateur nous a aussi appris que nous devons changer l’école haïtienne et lui donner la direction moderne du numérique de toute urgence. La jeunesse haïtienne actuelle, avide de savoir mais tellement dépouillée de savoir-être, de savoir-vivre de savoir-vivre-ensemble, - en tant que génération post-1991 et 2004 qui n’a vécu que dans la violence, la misère humaine et les privations de toutes sortes-, a besoin que l’on lui rende justice et lui donner sa chance pour mieux apprendre dans un monde en transe de changement perpétuel quotidien numériquement. Elle a besoin de se sentir valorisée dans son apprentissage scolaire, universitaire et se sentir sécurisée à rester chez elle pour travailler dans un coude-à-coude fraternel avec les aînés qui croient encore en son avenir, vu que le peuple haïtien conjugue actuellement le verbe « désespérer » avec pompe. Tout le monde croit qu’il n’y a plus d’espoir pour le pays. La situation chaotique qui prévaut à Port-au-Prince est si décourageante que l’on ne croit pas que cela va cesser mais comme disent les latins « Sic transit gloria mundi ! » ainsi passera la gloire du monde. Oui, cela aussi passera ! Mais pour l'instant, les populations du grand sud ont besoin d’aide de toutes sortes pour manger, pour boire, pour dormir… juste des besoins de base. Qui va les aider ? Qui va aider nos enfants à reprendre le chemin de l’école après l’effondrement de la grande majorité des établissements scolaires ? Le gouvernement actuel a-t-il la bonne foi de s’occuper de tels problèmes avec la situation chaotique de la république de Port-au-Prince ?
En tant que contribuables de l'État, nous souhaitons que le gouvernement puisse entendre le cri des sinistrés du grand sud et prenne ses responsabilités pour les aider à sortir des affres de la misère actuelle qui sévit dans nos départements.
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