Éditorial
Publication du 15 Février 2021
13 février 2021
Le Carnaval, un sujet presqu’aussi vieux que le temps. Il a pris diverses formes et des sens variés au gré des civilisations et des coutumes des peuples qui l’ont intégré à leur culture. Comme de fait, pour parler de Carnaval aujourd’hui, il faut le prendre dans son contexte purement culturel et particulièrement quand on souhaite l’associer au tourisme.
Sans devoir remonter trop loin dans le temps, il convient de faire un petit coup d’œil rétrospectif pour mieux situer le sujet.
Les origines de cette fête sont multiples et remonteraient à l’antiquité. Dès le IIème siècle avant J.-C., Babylone consacrait 5 jours de festivités (les Sacées) en l’honneur de la déesse Anaïtis afin de célébrer le début du printemps et le renouveau de la nature. Autrement dit, le carnaval était une manifestation spirituelle au cours de laquelle, les producteurs en général, artistes, ouvriers agricoles, artisans, modistes, gastronomes magnifiaient et remerciaient les Dieux en présentant leur plus belles réalisations de l’année écoulée.
Mais de leur côté, les Grecs vouaient cette célébration au Dieu de la fécondité, du vin et de la végétation, Dionysos. Déjà à l’époque, les défilés étaient de mise ainsi que des représentations théâtrales festives. À l’image des Sacées orientales, Rome organisait les Saturnales, de grandes festivités marquées par l’inversion des rôles en l’honneur du Dieu de l’agriculture et du temps, Saturne. C’était également l’occasion de profiter de mascarades dans toute la ville pendant plusieurs jours.
Au moyen âge, l’Église catholique, d’abord opposée à ces festivités héritées de traditions païennes, finit par se les approprier. Dès le VIIIème siècle, le temps du carême (jeûne de 40 jours) et la fête de Pâques sont instaurés dans les mœurs. Le carnaval précède alors la période de Carême. Un temps de relâchement nécessaire à l’époque afin d’éviter les mouvements de révolte… Et la tradition s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui.
Mais revenons au fait culturel, – faut-il souligner au passage que seule la ville de Jacmel, en Haïti, a réussi à garder sa flamme à la dimension culturelle du Carnaval – l’un des moyens les plus certains aujourd’hui de mettre la culture d’une ville ou d’un pays en valeur est de la proposer sur les marchés touristiques. Ceci donne l’avantage de montrer et de partager ses coutumes, ses savoir-faire, ses croyances avec d’autres et ce partage aide même à protéger les atouts culturels, puisque, et particulièrement dans des pays comme le nôtre, à cause de la présence des touristes, ils deviennent source de revenus pour les acteurs locaux.
Si on fait un saut à Rio au Brésil, à Trinidad et Tobago ou même plus près de nous à la Vega Réal en République Dominicaine, on se rendra compte que le carnaval est devenu une activité culturelle autonome, gérée par une organisation locale dans le cadre de partenariat public-privé avec l’organe de gestion de l’État à l’échelle locale; laquelle entité de gestion se charge des étapes de l’activité avant, pendant et après le carnaval. Les fonds recueillis sont répartis au prorata des participations, selon les accords préalablement passés.
Aussi, je reviens au carnaval de Jacmel, le seul pour le moment, en Haïti, digne de ce nom, pour suggérer une nouvelle fois qu’elle fasse l’objet d’une entité entrepreneuriale sérieuse gérée par une entité mixte publique-privée avec des parts d’actions prises par les acteurs primaires : la municipalité en représentation d’elle-même et de ses principaux partenaires étatiques en la matière, les ministères de la Culture et du Tourisme, les groupes organisés du papier mâché, les artistes-intellectuels pour développer les sujets, les groupes chargés de la décoration du parcours, les artisans de la vannerie et du textile, (chapeaux, maillots etc.), les médias, les hôtels et restaurants et les acteurs du défilé regroupés en association. Enfin, un vrai « brase-lide » déboucherait sur la forme finale avec avis de financiers et d’hommes de loi avisés pour assurer une issue heureuse et la pérennité de l’entité au profit de la culture et de l’économie.
Il est peut-être ici l’occasion de parler d’accroître la présence des aspects spirituels, culturels-cultuels dans le Carnaval de Jacmel, un certain retour aux sources, avec les natifs de la terre, s’appuyant sur leur savoir et leur héritage. Le Carnaval est le lieu par excellence pour faire perpétuer ces traditions et ainsi renouer tant soit peu avec le but premier de ces festivités qui était de rendre gloire, remercier et magnifier les êtres spirituels qui nous entourent, nous assistent et nous inspirent.
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