Éditorial
Publication 15 Janvier 2021
13 janvier 2021
Le temps qui passe
Le temps qui passe nous interpelle énormément en tant qu’haïtiens et haïtiennes, soucieux du bien-être de notre pays. Des difficultés de toutes sortes frappent à notre porte et minent notre existence fragile : kidnappings, mauvaise gouvernance de la res publica, éducation en débandade, économie incontrôlée, crises sociopolitiques de toutes sortes, etc. Malgré tout cela, il y a ce pays qui reste beau, majestueux, rempli de potentiels généreux en agriculture, en ressources humaines, en ingéniosité et talents qui attendent d’être exploité par ses enfants pour qu’Haïti guérisse de ses plaies et redevienne la perle qu’elle est.
2020 n’a pas été clément au monde, au même titre que le 12 janvier 2010 à Haïti et, le 12 janvier 2021 est venu nous rappeler toutes les promesses non tenues par l’international pour nous aider à la reconstruction et les trahisons des nôtres qui n’ont pas été à la hauteur de leur rendez-vous avec l’histoire nationale qui aurait dû changer, car nous avions , après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, toute une conjugaison d’hommes et de femmes qui voulaient permettre à Haïti de renaitre de ses cendres. Wyclef fit de son mieux pour permettre que We are the World ! , la chanson culte des années 1980 donne le ton à Hollywood et à New-York, en l’honneur d’Haiti, avec des personnalités de la mode, de la chanson, du cinéma et de la littérature : Sean Penn, Dona Caran, Jimmy Buffet, Michael Caponi, … pour ne citer que ceux-là, parmi d’autres qui sont tous venus pour aider. Ils n’avaient pas comme certains politiciens américains l’idée saugrenue et calculée de profiter des richesses générées au nom d’Haiti comme les Clinton, mais voulaient voir Haïti devenir un pays-phare qui réussit . Malheureusement !
Aujourd’hui, il reste certaines institutions créées au nom de la période post-recovery qui continuent encore de servir la jeunesse haïtienne et jacmélienne. Je pense à l’Institut Culinaire de Wyclef Jean, en partenariat avec le New York Culinary Institute qui a formé beaucoup de jeunes qui ont pris leur envol dans le monde des hôtels. Apres les différents problèmes que Wyclef connut, l’école a été fermée ; le Ciné Institute créé par David Belle depuis 2008 et qui devient très en vogue après 2010 parce qu’il recevait tous les grands noms d’Hollywood et de New York : Paul Haggis, Jonathan Demme, Ben Stiller, Susan Sarandon, Edwige Danticat, pour ne citer que ceux-là. Devenu Artist Institute, cet établissement permet aux jeunes artistes, cinéaste, DJ, compositeurs de mettre en valeur leurs talents de créateurs d’arts. L’Ecole de Musique Desaix Baptiste reçut de nombreuses visites et des aides substantielles dans la période post-séisme et, c’est aujourd’hui une des plus grandes écoles de musique classique et de jazz en Haïti.
L’Hôpital de Mirebalais, institué par le Dr Paul Farmer qui a épousé une haïtienne, pour prouver son attachement viscéral a notre pays, et qui aujourd’hui, en temps de COVID-19, a sauvé tant de vies qu’il est impossible de pas lui enlever son chapeau, en signe d’admiration et de respect.
Toutes ces institutions, au service de la jeunesse et de nos populations, soucieuses du bien-être de nos progénitures et de nos vies constituent la force de frappe sur laquelle nous devons miser car elles sont dans le business de donner l’espoir aux gens. Elles rendent à l’homme haïtien sa dignité humaine !
Oui, donner l’espoir aux gens, permettre que la jeunesse de « l’arrière-pays-en-dehors »,- pour reprendre un thème cher au sociologue français, Gérard Barthelemy-, est ce qui a poussé le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) à donner plus d’importance aux Universités Publiques en Régions (UPR), label suggéré par le feu Recteur des Gonaïves (UPAG), Michel Saint-Louis, un des fondateurs de ce réseau d’éducation supérieure. Depuis 2011, l’Université Publique du Sud-Est à Jacmel (UPSEJ) est créée pour permettre que l’enseignement supérieur devienne accessible à tous les fils et filles du pays en dehors. Ces UPR existent dans les 10 départements du pays, et celle de Jacmel compte 3 facultés : Agronomie, Education, Gestion. Ces institutions universitaires avant et post-séisme 2010 sont tellement importants pour le relèvement de la dignité de l’homme haïtien, pour sa sauvegarde, qu’il faut les protéger. Il y a encore beaucoup d’institutions et d’organisations encore inconnues du pays-en-dehors qui ont besoin de s’affirmer pour que le temps qui passe ne permette pas qu’elles soient oubliées.
2010-2021 : 11 ans de luttes, de défaites en tous genres pour notre Haïti chérie mais aussi temps de réflexions, de rébellion contre le statuquo, contre la corruption, la politique destructrice de vies humaines et de mauvaise exploitation des ressources du pays, contre l’internationale infâme qui nous a impunément sacrifié par le choléra, les viols en série de nos jeunes hommes et femmes par la MINUSTAH, contre la presse vendue au démon qui ne connait que ses avantages privilégiés, contre l’oppression des femmes, des restavèk et des laissés-pour-compte. La lutte est encore plus dense aujourd’hui en temps de corona.
Puisse cette décennie post-séisme et en plein COVID-19 et ce temps qui passe donnent raison à nos luttes pour l’équité, pour l’état de droit et pour le bien-être de tous, dans un pays que nous continuerons d’aimer car il est nôtre et son nom sonne si bon à nos oreilles et si doux à nos cœurs : AYITI !
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